Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 24 mai 2023 à 15h00
Programmation militaire 2024-2030 — Article 2 et rapport annexé

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Nous avons entamé hier un débat sur le format des armées et les missions qu'on en attend, mais j'irai un peu plus loin aujourd'hui, en réponse à cet amendement. Je vous remercie d'ailleurs de l'avoir déposé, parce que de nombreux Français, lorsqu'ils se retrouvent en famille ou entre amis, disent que le service militaire avait du bon et qu'il faudrait peut-être le restaurer. Dès lors, il serait peut-être incongru de ne pas en débattre dans cet hémicycle, même quelques instants, à l'occasion de l'examen du projet de LPM.

Premièrement, je suis frappé de constater que les défenseurs de la professionnalisation se font rares. Cela s'explique sans doute par le fait que celle-ci ne fait plus débat, car chacun la considère comme bienvenue. D'ailleurs, la plupart des thèmes que nous avons abordés en examinant ce projet de loi, comme celui de l'hybridité, nous conduisent à parler de professionnalisation. D'autres amendements nous fourniront l'occasion d'évoquer plus avant les enjeux de professionnalisation, de fidélisation, de gestion des carrières et de pyramidage des grades, mais il s'agit là d'un sujet distinct.

Deuxièmement, les nostalgiques du service militaire citent généralement ses vertus sociales, comme la mixité sociale, mais rarement ses vertus militaires. Il est paradoxal qu'il soit si difficile de démontrer les vertus militaires du service militaire, dont c'est pourtant l'objet premier.

Troisièmement, je rappelle que la mobilisation de masse de soldats conscrits faisait partie de l'édifice conventionnel qui soutenait la voûte nucléaire pendant la guerre froide. Cela passait par la concentration de millions de jeunes gens aux frontières orientales de l'Otan ou de centaines de milliers d'entre eux aux frontières orientales de la France. Je me rappelle la carte des régiments et des bases aériennes de l'est de la France qui les accueillaient ; j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'évoquer le sujet lorsque j'ai récemment rendu visite à plusieurs régiments.

M. le rapporteur l'a indiqué, l'appel à la réserve constitue désormais la voie privilégiée du durcissement. En effet, les réservistes sont recrutés sur la base du volontariat. En outre, il s'agit d'une forme de professionnalisation : un militaire de réserve, contrairement à un conscrit, suit régulièrement des formations et acquiert des qualifications, y compris médicales dans le cas du service de santé des armées. Le durcissement du modèle d'armée par la réserve que nous proposons dans la loi de programmation militaire est la première étape, essentielle, de notre changement de doctrine militaire.

Enfin, vous avez débuté votre intervention en affirmant que Jacques Chirac a supprimé le service militaire obligatoire. Pour la complète information de la représentation nationale, je précise que le président Chirac ne l'a pas supprimé en droit, mais a préféré le suspendre, pour des raisons de prudence. Le Parlement lui avait permis de réécrire le dispositif afin qu'il soit possible de le rétablir très vite en cas de besoin, même si je peine à imaginer quelles circonstances rendraient nécessaire une telle décision. Le recensement militaire en mairie n'a jamais cessé et continue à être supervisé par le ministère des armées. Le retour du service militaire reste très hypothétique, mais sa base juridique et administrative demeure.

Je vous propose de retirer votre amendement. Le cas échéant, nous pourrons poursuivre ce débat ultérieurement, lorsque nous évoquerons le format des armées ; en tout cas, il était certainement utile d'évoquer le service militaire, car beaucoup de Français en parlent.

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