Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 20h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, ministre :

Le plan « un jeune, une solution » aura mobilisé au total 11,8 milliards d'euros, dont 9,7 milliards d'euros ont été consacrés à l'apprentissage. C'est d'ailleurs l'une des explications du manque de lisibilité de cette exécution budgétaire. Le plan « un jeune, une solution » a d'abord été financé sur les crédits des missions Plan d'urgence, puis Plan de relance. Les aides à l'apprentissage ont été financées par les programmes de ces missions, avant de basculer dans le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi. Cela explique la plupart des mouvements que l'on observe au fil de l'année, sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir.

Nous avons dénombré 2,6 millions de bénéficiaires de ce plan, pour un total de 4 millions de solutions, un même utilisateur pouvant bénéficier de solutions différentes. Le site internet a fait l'objet de 10 millions de visites et certaines actions ont particulièrement bien fonctionné.

L'essentiel des actions proposées durant la période de crise pandémique ont été fermées. Il reste des actions fortes, telles que le mentorat, le soutien à l'apprentissage ou la mise en œuvre du contrat d'engagement jeune, qui s'inscrit dans le prolongement de la garantie jeune. Ce sont ces actions qui font l'objet d'un suivi aujourd'hui.

En matière d'apprentissage, l'objectif est de tout mettre en œuvre pour éviter les effets d'aubaine. C'est ce qui nous a conduits à décider d'harmoniser le niveau d'aide pour le recrutement d'un apprenti, qui est désormais de 6 000 euros.

Le nombre de contrats conclus à un niveau inférieur ou égal au baccalauréat a crû de 66 %. On ne peut donc pas affirmer que ces efforts n'ont profité qu'aux formations de niveau supérieur. Nous souhaitons cependant un rééquilibrage, en même temps qu'une forme de régulation budgétaire, afin que le dispositif continue de porter ses fruits.

Comme je viens de l'indiquer, monsieur le député Lottiaux, le manque de lisibilité s'explique essentiellement par les transferts entre le programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance et le programme 103. Je voudrais préciser que lorsque les budgets consacrés à l'insertion par l'activité économique augmentent, ce n'est pas forcément le signe d'une dégradation de la situation : entre 2018 et 2023, ces budgets sont passés de 800 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros. Dans le même temps, le taux de chômage est passé de 9,5 % à 7,2 %. Nous avons l'ambition d'apporter, à compter de 2025, un accompagnement à 240 000 personnes chaque année au sein des structures d'insertion par l'activité économique. Cela représente 122 000 ETP – nous sommes aujourd'hui à 94 000. L'année 2023 vise à conforter ce modèle, qui bénéficiera de moyens accrus en 2024 afin que les personnes les plus éloignées de l'emploi puissent être accompagnées.

Les crédits alloués à la lutte contre le travail illégal sont en réalité ceux de nos agents et ceux de l'inspection du travail. Ce sont 39 000 interventions qui ont eu lieu en 2022 dans ce domaine, et 14 500 interventions ont eu lieu pour lutter contre les fraudes au travail détaché. Tous nos services participent aussi à des instances telles que les comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf).

Vous avez évoqué, madame Leduc, la question des accidents du travail, qui ne relève pas de l'exécution budgétaire. Vos propos me font cependant réagir en ce qui concerne le classement de la France en Europe. J'ai demandé, lors du dernier Conseil européen des ministres du travail, que l'on harmonise la manière dont sont recensés les accidents du travail. Nous dénombrons aujourd'hui en France 650 à 720 accidents mortels au travail chaque année. Il faut y ajouter 250 à 300 accidents de trajet entre le domicile et le travail, ainsi que 250 à 300 personnes qui meurent des suites d'une maladie professionnelle sans être, le plus souvent, en emploi au moment où la maladie les emporte.

Les difficultés de méthode portent sur deux points. Il existe, d'une part, une double jurisprudence de la Cour de cassation de 2019, qui conduit à intégrer aux accidents du travail mortels la totalité des décès par malaise, quelle que soit l'origine du malaise. Or nous savons que certains malaises peuvent être mortels sans avoir de lien avec le travail ni les conditions de travail. Il existe, d'autre part, des disparités avec les autres pays européens. À titre d'exemple, si une personne se blesse au travail, en France, et si elle décède des suites de cette blessure, le décès sera considéré comme un accident mortel du travail s'il survient au cours de l'année qui suit la blessure. Aux Pays-Bas, dans des circonstances similaires, le décès ne sera comptabilisé comme un accident mortel du travail que s'il survient dans les vingt-quatre heures qui suivent la blessure. Il en résulte des biais statistiques, alors que nous avons tous intérêt, je pense, à ce que ces faits soient comptabilisés de la même manière.

Vous avez évoqué le fait que nous communiquions sur le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). Nous procédons ainsi depuis plus de vingt ans et nous conservons cette définition. Cela ne nous empêche pas de communiquer sur le nombre de demandeurs d'emploi inscrits par catégorie. Vous avez remarqué que le nombre total de demandeurs d'emploi, si l'on additionne les différentes catégories, est supérieur au chiffre obtenu en examinant le taux de chômage au sens du BIT, sur la base de la population active.

Je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle nous ne ferions de l'insertion que par l'apprentissage. Comme je viens de l'indiquer, nous avons augmenté de 500 millions d'euros les crédits consacrés à l'insertion par l'activité économique. Il existe aussi des crédits alloués à des expérimentations qui durent depuis plusieurs années. Il s'agit de programmes très particuliers – Tapaj, Seve, Convergence, Premières heures en chantier –, qui viennent accompagner des personnes extrêmement éloignées de l'emploi, pour lesquelles des questions thérapeutiques ou des objectifs de suivi et de réduction des risques, à l'égard de certaines consommations, apparaissent parfois comme des préalables au retour à l'emploi.

Madame la députée Louwagie, nous avons effectivement ouvert l'an dernier deux fois 2 milliards d'euros, en loi de finances rectificative, pour France compétences. Nous rencontrons une difficulté de prévision du nombre de contrats signés et nous avons été, d'une certaine manière, victimes de notre succès. S'y ajoute, en 2022, une raison particulière : dans le cadre du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance, l'aide exceptionnelle au recrutement d'apprentis devait prendre fin le 30 juin 2022. La pérennisation de cette aide jusqu'à la fin de l'année 2023 puis dans un cadre pluriannuel nous obligeait à des corrections budgétaires plus importantes, qui ne seront pas nécessairement reconduites cette année. En loi de finances initiale, nous avons d'ores et déjà inscrit des crédits de soutien de 1,7 milliard d'euros. Je doute que cela soit suffisant, toutefois, le modèle de France Compétences étant structurellement déficitaire.

Au-delà des éléments que j'ai évoqués en réponse à M. le président, M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis, nous allons continuer d'examiner avec une grande attention tout ce qui permet de retrouver un niveau de dépenses qui soit plus soutenable. Nous devrons également nous interroger sur les recettes dont dispose France compétences, en veillant à rendre ce processus sincère, ce qui pourrait donner lieu à des inscriptions en loi de finances initiale plutôt qu'en loi de finances rectificative, malgré les incertitudes relatives au nombre de contrats signés.

Vous avez également soulevé la question des missions locales dans le nouveau cadre que nous souhaitons construire autour de France Travail. Il n'y a pas de changement : les missions locales sont des opérateurs à la fois spécialisés et centraux pour la jeunesse. C'est avec elles que nous voulons travailler. Nous souhaitons que les nouveaux systèmes d'information de France Travail permettent aux missions locales d'avoir accès à des systèmes d'informations horizontales et ainsi bénéficier des données dont dispose Pôle emploi, qui deviendra l'opérateur France Travail, et inversement. Nous avons beaucoup travaillé avec l'Union nationale des missions locales (UNML). Le 21 avril dernier, l'UNML a communiqué en exprimant sa satisfaction à la lecture du rapport et en confirmant les orientations ainsi retenues. Pour les missions locales comme pour d'autres opérateurs tels que l'Afpa, le conventionnement, pour le financement, s'opérera toujours avec l'État et non avec l'opérateur France Travail. C'est le gage du maintien de leur statut et de leur organisation. Ce modèle est distinct de celui qui avait conduit au rapprochement des Assédic et de l'ANPE. Il n'y a pas de big bang institutionnel ni de fusion : c'est une coordination qui est mise en place. Nous veillons à toucher le moins possible à la répartition des compétences tout en recherchant davantage d'efficacité dans la coordination, l'accompagnement et le partage de données.

Je ne reviens pas plus avant, monsieur le député Lecamp, sur France compétences. Il est vrai qu'il s'agit d'un investissement massif : pour la seule politique d'alternance et d'apprentissage, 16,8 milliards d'euros sont mobilisés, dont 6,5 milliards apportés par l'État. Cette enveloppe de 6,5 milliards englobe 1,9 milliard d'euros d'exonérations de cotisations ou d'impôt sur le revenu pour des apprentis ou leurs employeurs. Le reste est constitué d'aides au recrutement qui ont vocation à rester stables, du fait de l'harmonisation autour du montant de 6 000 euros, ou à augmenter au fur et à mesure que nous nous approcherons de l'objectif d'un million d'apprentis.

Le fait de porter à 6 000 euros la prime de recrutement d'un apprenti mineur permet, comme je l'ai indiqué, de favoriser les entrées dans des formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat, puisque la probabilité est grande, en cas d'entrée en apprentissage avant 18 ans, que celle-ci concerne une formation de niveau inférieur au baccalauréat. La part des formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat a déjà augmenté de 66 % en 2022. Je souhaite, comme vous, monsieur le député Bouloux, que le projet de loi de finances pour 2024 nous permette d'avancer dans le sens souhaité par la Cour des comptes, c'est-à-dire vers un retour progressif à l'équilibre de France compétences. Cette notion de progressivité me paraît très importante : un retour immédiat de l'opérateur à l'équilibre se traduirait sans doute par un abandon de l'objectif en matière de développement de l'apprentissage.

Le contrat d'engagement jeune connaît effectivement un beau succès, madame la députée Gérard, avec 285 000 signatures – dont deux tiers sont portés par les missions locales, un tiers par Pôle emploi. Le taux de sortie en emploi s'établit à 78 %, ce qui est élevé, s'agissant de jeunes âgés de 17 à 25 ans sans emploi ni formation au moment où ils signent ; 48 % des emplois ainsi obtenus sont des emplois durables. Comme je l'ai indiqué, j'accueille ces résultats avec prudence dans la mesure où ils concernent la première cohorte. Nous devons poursuivre nos efforts et continuer d'accorder notre attention aux activités proposées ainsi qu'au volume d'activité proposé – de 15 à 20 heures. Nous savons qu'il existe parfois des disparités d'une structure à l'autre. Il faut y faire extrêmement attention.

Ce sont 50 % des signataires qui ont entre 18 et 21 ans – 9 % d'entre eux sont mineurs –, ce qui correspondait aux objectifs qui étaient fixés. Nous souhaitons maintenir le volume d'environ 300 000 contrats, en y ajoutant des contrats en plus pour les jeunes en grande rupture. Un premier appel à projets a été lancé en 2022. Nous en lancerons un deuxième en 2023 et je souhaite que les consortiums d'associations, d'acteurs et de missions locales qui répondent à ces appels à projets spécifiques aux jeunes en grande rupture puissent le faire de manière encore plus intégrale que ce qui a été permis en 2022, afin de couvrir « à 360 degrés » l'ensemble des problématiques. Les premiers projets retenus me semblent encourageants, notamment vis-à-vis des jeunes en très grande difficulté, quelle que soit la nature des difficultés observées.

En matière d'emploi des seniors, comme vous le savez, madame Sas, les deux mesures phares du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le contrat à durée indéterminée destiné aux senior (« CDI senior ») introduit par les sénateurs, et l'index ont été censurées. Nous les avons replacées dans le cadre de la négociation que nous proposons aux partenaires sociaux d'ouvrir sur l'intégralité des sujets liés à l'emploi des seniors. L'objectif est de conclure un accord national interprofessionnel sur ces sujets. Nous allons très rapidement ouvrir les négociations par branche en vue de la conclusion d'accords de prévention de l'usure et la mobilisation du fonds de prévention de l'usure, à hauteur de 1 milliard d'euros.

Vous m'avez interrogé de manière plus spécifique sur les territoires zéro chômeur longue durée. Comme vous le savez, madame la députée, deux loi ont été adoptée : une première concernait le lancement de l'expérimentation dans 10 premiers territoires ; une deuxième a permis son élargissement à 50 territoires supplémentaires, avec la possibilité de déroger, par un décret pris en Conseil d'État, à ce plafond de 60 territoires au total. Aujourd'hui, 51 territoires sont inclus dans le dispositif. J'ai signé la dernière labellisation en date ce matin. De manière constante, ma prédécesseure et moi-même avons toujours validé les propositions d'agrément présentées par le comité scientifique associé à ce dispositif. Cela se traduit par une augmentation du budget de 25 % en 2023, par rapport à 2022, afin de tenir cet objectif. La deuxième loi prévoit une évaluation au moins douze mois avant la fin de la mise en œuvre du dispositif. Nous allons lancer cette évaluation au cours des prochaines semaines, en liaison avec les différentes parties prenantes, tout en maintenant un niveau d'intervention important. J'ai reconduit, en 2023, la prise en charge à hauteur de 102 % du Smic. La décision n'est pas encore prise pour 2024, et je rappelle que ce taux de 102 % était un taux exceptionnel décidé pendant la période de crise sanitaire. Auparavant, il était légèrement inférieur, en stricte application de la loi.

Madame Dalloz, j'ai déjà évoqué France compétences et France Travail.

Enfin, monsieur Maudet m'a posé des questions qui ne comportaient pas de lien avec l'exécution budgétaire. Je n'y reviens donc pas.

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