Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du lundi 19 juin 2023 à 16h00
Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

Dans les temps pas si anciens de la mondialisation triomphante, les douanes apparaissaient aux yeux de certains comme une sorte de survivance du passé, presque comme une aberration. Ces temps sont aujourd'hui révolus : le mirage d'un monde sans frontières s'est dissipé et les douanes apparaissent de nouveau comme le maillon indispensable de la protection du territoire, de la lutte contre les trafics et de la surveillance des flux de marchandises.

Mais une question se pose : la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dispose-t-elle des moyens financiers, humains et réglementaires pour accomplir de telles missions ? Le présent texte évoque l'élargissement des capacités et le renforcement des moyens alloués aux douanes. Il a pour principal objet la modification des modalités du droit de visite, c'est-à-dire la réécriture de l'article 60 du code des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel en septembre 2022. Il prévoit ainsi de délimiter un cadre précis dans lequel les visites douanières doivent se dérouler.

Les services de la DGDDI doivent pouvoir contrôler plus efficacement les marchandises et les moyens de transport. Par ailleurs, nous devons porter une attention toute particulière au droit de visite des personnes __ il s'agit là d'actes dont la teneur est diamétralement opposée. Il est en fait question de rechercher un équilibre entre la liberté et la sécurité des individus. Notons que cette question se pose de façon récurrente dans nos sociétés, notamment avec l'avènement de nouvelles technologies.

À ce titre, plusieurs dispositifs inscrits dans le texte suscitent notre interrogation : la capacité à effectuer des écoutes et de la surveillance vidéo, l'expérimentation d'un contrôle automatisé des plaques d'immatriculation ou encore l'extension de l'usage des drones dans les enquêtes. Notre groupe restera également vigilant à la nature de l'activité des douanes et aux relations qu'elles entretiennent avec d'autres services de l'État. Nous accueillons favorablement la possibilité pour les douanes d'accéder aux données de la direction générale des finances publiques (DGFIP) relatives à la TVA : voilà qui constituera un levier supplémentaire dans la lutte contre la fraude dont fait l'objet cette taxe.

Il semble également judicieux de faire participer les douanes à l'échange de renseignements liés aux contrôles aux frontières. Notre groupe alerte cependant sur un risque de glissement de l'activité des douanes vers un rôle de police aux frontières : nous devons impérativement nous assurer que cela ne se produise pas – je suis sûr que vous serez d'accord avec moi.

Enfin, notre groupe émet quelques réserves sur la proposition de créer une nouvelle catégorie de douanier, à savoir l'agent de douane judiciaire. Cette mesure, annoncée par Gabriel Attal à l'occasion de la présentation de son plan de lutte contre les fraudes, n'avait pas été introduite dans le texte initial, mais elle y a finalement été ajoutée par voie d'amendement. Nous regrettons cette méthode, tout simplement parce qu'elle ne permettra pas à la représentation nationale de bénéficier d'une étude d'impact sur un sujet aussi important. Nous craignons par ailleurs une confusion des genres, susceptible de complexifier les interactions entre les forces de l'ordre concernées lors de la conduite de certaines opérations. Aussi conviendrait-il, monsieur le ministre délégué, que vous puissiez dissiper ces inquiétudes.

Vous l'aurez compris, notre groupe restera vigilant quant à l'élargissement du champ d'action des douanes. Il reste convaincu qu'accroître les moyens humains et matériels est indispensable. La douane est une administration efficace et performante : en 2022, le coût de collecte des recettes douanières et fiscales était seulement de 0,68 % ! Malgré cela, les moyens budgétaires et humains octroyés stagnent. Entre 2019 et 2022, les crédits du programme 302, Facilitation et sécurisation des échanges, ont augmenté de seulement 28 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de moins de 1,8 %, bien inférieure à celle de l'inflation.

Si les dépenses de personnel ont augmenté davantage, les emplois rémunérés sont passés de 16 964 ETPT – équivalents temps plein travaillé – en 2019 à 16 380 en 2022, soit une diminution de 584 postes en quatre ans. Bien que cette réduction des effectifs s'explique en partie par des mesures de périmètre, les agents en poste manquent. En conséquence, conscients des besoins, nous soutiendrons la création d'une réserve opérationnelle. Nous estimons toutefois que celle-ci doit aller au-delà des 300 postes annoncés d'ici 2025 et qu'elle ne peut pas se substituer à la création de postes d'agents.

En conclusion, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est plutôt favorable à ce texte, notamment parce qu'il permet de rassurer les douaniers dans l'exercice de leurs missions sur le terrain. Cependant, nous attendons la modulation de certains dispositifs qui suscitent encore nos inquiétudes : c'est pourquoi nous défendrons plusieurs amendements en ce sens.

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