Intervention de Mickaël Bouloux

Séance en hémicycle du lundi 19 juin 2023 à 16h00
Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMickaël Bouloux :

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui trouve son origine dans la décision du Conseil constitutionnel de septembre dernier qui a censuré l'article 60 du code des douanes, lequel permettait un droit de fouille étendu. La censure de l'article 60 doit s'appliquer à compter du 1er septembre 2023. Vu le calendrier parlementaire, nous ne disposons plus que d'un mois pour voter un texte que l'on sait pourtant nécessaire depuis huit mois environ. Ce point a fait l'objet de discussions en commission. Je comprends la nécessité de consulter les administrations et les syndicats, et nous avons tous intérêt à ce que la douane puisse continuer à travailler pour lutter contre la contrebande et les divers trafics, mais vous avez un peu tardé et c'est une fois encore le Parlement, traité comme une variable d'ajustement, qui en fait les frais. Il faut au moins le signaler ici.

Certes, le Conseil d'État a donné son aval au texte, mais il n'est pas le Conseil constitutionnel, et si ce dernier n'est pas satisfait par ce que vous proposez aujourd'hui, nous nous retrouverons dans une impasse inédite. J'espère que cela n'arrivera pas, mais je me dois de vous alerter. En tout état de cause, ce n'est pas très rassurant pour les 18 000 agents des douanes, dont je veux saluer ici le travail exceptionnel.

Nous aurions pu et dû examiner rapidement un texte restreint à cette réforme de l'article 60. Ensuite, dans un temps plus raisonnable, nous aurions pu traiter le reste des mesures proposées par le présent texte. Cela aurait permis de dissocier les votes.

Ce texte prévoit des mesures nécessaires, dont la nouvelle version de l'article 60, plus respectueuse des libertés individuelles, dont les douaniers ont un besoin immédiat. Toutefois, vous avez décidé d'y ajouter des mesures de réforme des douanes et de lier celles-ci à la question de l'article 60. En matière d'équilibre entre efficacité et préservation des libertés individuelles, légiférer dans l'urgence n'est pas la meilleure façon de procéder.

Nous émettons des réserves sur certaines mesures. Ainsi, il nous semble qu'il faut privilégier l'augmentation des effectifs pour la réserve douanière. Nous avons eu cette discussion en commission, où vous nous avez répondu que les deux objectifs n'étaient pas contradictoires, mais nous attendons des réalités concrètes en matière d'effectifs. En outre, le port d'armes pour les réservistes, mal défini, pose problème. Par ailleurs, avec les articles 6, 11 ter et 13, il est donné aux douanes des pouvoirs qui n'ont quasiment plus de lien avec les frontières et les marchandises, brouillant la ligne entre cette administration et les forces de l'ordre intérieures. Cela interroge, à tout le moins.

Vous renforcez les sanctions contre la contrebande de tabac. Il ne s'agit pas de nier le développement du trafic et de la contrebande de tabac et je n'ai aucune complaisance envers le trafic de tabac – ni même envers le tabac. Toutefois, les membres du groupe Socialistes sont attachés à la proportionnalité des peines ; c'est une question de principe, un principe que nous défendrons toujours, sans nier la nécessité des sanctions.

D'autres mesures insérées par le Gouvernement posent question et doivent demeurer sous contrôle. Il s'agit de la sonorisation et de la captation d'images – article 8 –, de la consultation et de la copie du contenu des appareils électroniques lors des gardes à vue et des confiscations – article 9 –, du gel des données sur serveurs distants – article 10 – et de l'utilisation de caméras embarquées – article 11 quater . Si l'on peut en comprendre la nécessité opérationnelle, il convient de garder le contrôle.

Enfin, l'article 15 habilite pendant trois ans le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour recodifier le code des douanes. Je me dois de rappeler à cette assemblée qu'une habilitation à légiférer par ordonnances signifie que nos amendements sur le même champ deviendront irrecevables, conformément à l'article 41 de notre Constitution. Il pourrait donc nous être interdit de modifier tout le code des douanes pendant trois ans. Je propose une autre méthode : que le Gouvernement prépare ses projets d'ordonnances, puis qu'il dépose un projet de loi de demande d'habilitation à légiférer par ordonnances pendant trois mois et y annexe les projets en question, pour que nous sachions ce que nous l'autorisons à faire.

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