Intervention de Aude Luquet

Séance en hémicycle du jeudi 22 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des élus locaux dans la lutte contre l'artificialisation des sols — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet :

À la fin de la discussion générale, en France, nous aurons artificialisé l'équivalent de huit terrains de football. Qui dit artificialisation, dit terres naturelles grignotées, entraînant les conséquences que l'on connaît, non seulement sur le vivant et notre biodiversité, mais aussi sur nos concitoyens, que l'on éloigne toujours un peu plus des centres et des services qui y sont disponibles.

Diviser par deux l'artificialisation des sols d'ici 2031, pour aller vers le zéro artificialisation nette en 2050, est donc une mesure à la fois environnementale, sociale et économique.

Dispositif environnemental d'abord, car il nous permet de lutter contre la fragmentation des espaces naturels et de replacer la nature et ses vertus au cœur de nos projets d'aménagement, pour le bien commun. Dans des territoires carencés en espaces verts, où la biodiversité est en déclin, rebâtir la ville sur elle-même doit permettre de développer de nouvelles formes d'intégration de la nature. C'est un enjeu fondamental pour faire face aux conséquences du changement climatique et pour renforcer le bien-être de ceux qui y vivent ou y travaillent, en ne considérant plus le sol comme une simple surface, mais en prenant pleinement en considération ses fonctions écologiques – par exemple celles de réduction des îlots de chaleur, de captation des pluies, de filtration des polluants et de refuge pour la biodiversité.

Mesure sociale ensuite, car lutter contre l'artificialisation irraisonnée permet de limiter l'étalement urbain et ses effets négatifs sur le quotidien de ceux qui le subissent – difficultés d'accès aux services publics, insuffisance de commerces de proximité ou encore absence de transports collectifs. Tout cela entraîne bien souvent une paupérisation des ménages concernés et les condamne à un usage contraint de la voiture individuelle, entraînant un coût environnemental et financier.

Dispositif économique enfin, car rapprocher les habitants des lieux d'activité conduit à vivifier un territoire en favorisant les interactions. L'enjeu de la proximité est en effet central. Il faut recréer du lien entre habitat, emploi et lieux de consommation, en procédant à des rééquilibrages, notamment à l'échelle régionale, grâce au redéploiement de certaines activités – petites industries, artisanat – et au renforcement des polarités locales.

Raisonner notre manière d'artificialiser, c'est donc avant tout mieux construire en optimisant les zones déjà artificialisées. Il faut aller vers une plus grande densification et une réduction de la fragmentation urbaine. Surélévation de bâtiments, transformation des sous-sols, changement d'usages, mobilisation des bâtiments vacants et des friches – qui représentent 170 000 hectares à elles seules – sont autant de solutions à privilégier pour optimiser l'existant.

J'appelle votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas d'entasser et d'étouffer les populations dans des villes cloisonnées, mais plutôt de repenser les modalités d'aménagement qui ont prévalu jusqu'à présent, en travaillant sur la qualité architecturale des bâtiments et leur multifonctionnalité ; en répondant aux besoins d'espaces verts et en préservant les espaces de pleine terre ; en développant les équipements et les mobilités de proximité ; en réalisant de véritables trames vertes qui doivent être le support de mobilités actives, de connexions entre les espaces urbains denses et les espaces verts périphériques, ainsi que de véritables corridors écologiques jouant le rôle de poumons.

Des villes et villages plus compacts, c'est l'assurance d'un accès facilité à l'ensemble des besoins du quotidien, s'accompagnant d'une moindre dépendance à la voiture individuelle. Entendons-nous bien, je n'oppose pas la ville à la ruralité. Chacun doit pouvoir préserver les conditions de son attractivité. Cependant, nous devons insister sur la nécessité de renforcer la planification de l'aménagement des territoires à l'échelle régionale et locale.

Les élus locaux savent que ces enjeux sont fondamentaux et ils ne sont pas réfractaires à une meilleure prise en compte de la lutte contre l'artificialisation. À la suite de l'adoption de la loi « climat et résilience », votée en 2021, ces élus ont cependant exprimé des craintes quant à un éventuel impact négatif sur le développement et l'attractivité de leurs communes. Nous avons entendu leurs inquiétudes, ainsi que leur besoin d'être mieux accompagnés.

C'est pourquoi la proposition de loi d'initiative sénatoriale que nous examinons doit nous permettre, sans revenir sur nos engagements, d'apporter des réponses concrètes en améliorant l'encadrement et en facilitant la mise en œuvre des objectifs du ZAN. Dans ce texte, nous nous sommes fixé des objectifs forts et ambitieux pour parvenir à un juste équilibre entre protection de la biodiversité et attractivité de nos territoires, notamment dans la perspective de la réindustrialisation.

Nos débats en commission ont permis d'évoquer des enjeux majeurs, qu'il s'agisse des projets d'intérêt national, régional et intercommunal, du droit minimal à construire ou de la prise en compte des efforts passés en matière de sobriété foncière.

Le groupe Démocrate se félicite de l'adoption par la commission de ses amendements relatifs à la création d'un forfait national de 15 000 hectares décomptés du ZAN pour des projets dont la liste est établie, à la création d'une enveloppe de projets d'intérêt régional et à la possibilité pour les maires de mutualiser leur garantie rurale.

Vous l'aurez compris, notre groupe défend l'impérieuse nécessité de maintenir le cap fixé par le ZAN tout en étant favorable aux ajustements et aux précisions de sa mise en œuvre, qui doivent nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs tout en respectant nos élus et nos territoires.

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