Intervention de Philippe Guillemard

Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00
Avenant au protocole d'accord france-luxembourg — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Guillemard, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

L'Assemblée est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre les gouvernements français et luxembourgeois au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers, et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables.

Lors de la signature du protocole d'accord initial en 2018, plus de 90 000 travailleurs frontaliers empruntaient chaque jour la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. Ce chiffre est désormais proche de 120 000 et pourrait doubler d'ici à 2050. En raison de l'importance de ces flux, les axes routiers transfrontaliers sont fortement sollicités et souffrent régulièrement de congestion aux heures de pointe. La situation est particulièrement critique au nord de Metz, où 105 000 véhicules passent chaque jour. Cette forte affluence est notamment due à l'engorgement initial de l'axe reliant Metz à Nancy, qui constitue un point de convergence des axes routiers traversant les villes de Saint-Dizier, Épinal et Lunéville. Cette situation contribue à accentuer l'impact environnemental de l'axe routier, responsable d'émissions importantes de particules fines et d'oxyde d'azote.

En ce qui concerne le trafic ferroviaire, l'axe reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg est actuellement proche de la saturation alors qu'en 2019, les tramways et les trains roulant sur la section Thionville-Luxembourg n'étaient remplis qu'entre 50 et 70 % aux heures de pointe.

Dans ce contexte, il paraît essentiel de poursuivre le renforcement de la coopération franco-luxembourgeoise en la matière afin de réduire les fortes nuisances qu'engendre cette situation pour nos concitoyens. C'est l'objectif de l'avenant soumis à notre examen. Signé le 19 octobre 2021, il prolonge les ambitions du protocole d'accord initial, à savoir la réduction de la congestion, la préparation à l'augmentation des déplacements des travailleurs transfrontaliers et le développement de mobilités plus durables. Cet avenant, composé de trois articles, vise principalement à intensifier les efforts des parties en augmentant leurs contributions respectives en faveur d'investissements dans le domaine ferroviaire.

Avant d'en analyser les implications, il convient d'examiner en premier lieu la genèse, les objectifs et les modalités de financement du protocole d'accord initial.

Afin de tenir compte des enjeux liés à la fluidité des déplacements de personnes et de marchandises entre la France et le Luxembourg, les deux États ont signé, le 20 mars 2018, un protocole d'accord visant à mettre en œuvre une politique de transport commune pour les déplacements transfrontaliers entre la région Grand Est et le grand-duché de Luxembourg. Ce texte se concentre principalement sur la réalisation d'aménagements visant à accroître la capacité de l'axe ferroviaire entre la Lorraine et le Luxembourg. Il repose aussi sur une approche multimodale en incluant notamment la création de parcs relais et de plateformes de covoiturage.

En ce qui concerne les aménagements ferroviaires, le protocole d'accord de 2018 fixe deux horizons temporels comprenant un premier palier, pour la période 2022-2024, qui prévoit une augmentation capacitaire du matériel roulant. À ce jour, les quais de la moitié des huit gares concernées ont été allongés et les derniers travaux sont prévus pour la fin de l'année 2023. Le second palier, pour la période 2028-2030, prévoit une augmentation significative du nombre de trains circulant sur la ligne.

S'agissant du financement de l'ensemble de ces aménagements, les contributions respectives de la partie française et de la partie luxembourgeoise étaient initialement définies selon le principe de la parité. Chacune des parties s'engageait à hauteur de 120 millions d'euros, dont 10 millions d'euros pour promouvoir une politique de mobilité durable incluant le covoiturage et les services routiers de transport en commun.

Le protocole d'accord initial de 2018 prévoyait donc une enveloppe financière franco-luxembourgeoise maximale de 240 millions d'euros, principalement dédiée au volet ferroviaire. Par ailleurs, le couloir de transport reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg faisant partie du réseau central du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T), des subventions européennes au titre du mécanisme d'interconnexion pour l'Europe pourraient réduire le montant des investissements des deux parties dans les liaisons ferroviaires transfrontalières.

Ensuite, l'avenant qui nous est soumis s'inscrit dans la continuité de l'objectif initial d'amélioration des conditions de mobilité telles qu'énoncées dans le protocole d'accord de 2018, en réduisant la congestion routière, en améliorant la régularité et en augmentant l'offre de services ferroviaires.

À l'issue de la rencontre, du 1er juin 2021, entre le Premier ministre français et le premier ministre luxembourgeois, ce dernier a annoncé une nouvelle contribution financière maximale de 110 millions d'euros du grand-duché pour les infrastructures ferroviaires d'intérêt commun à la France et au Luxembourg. Cette contribution supplémentaire luxembourgeoise s'accompagne d'une contribution française équivalente. Ainsi, l'engagement financier de nos deux pays dans le domaine ferroviaire passe de 110 millions d'euros à un montant maximal de 220 millions chacun. La part consacrée au domaine routier reste inchangée et s'élève à 10 millions d'euros pour chaque partie.

L'avenant vise donc à modifier le protocole d'accord initial ainsi que sa convention d'application pour ce qui concerne le seul réseau ferroviaire. Il complète utilement le programme d'investissements de départ par des aménagements supplémentaires à la suite des études de faisabilité pour l'horizon 2028-2030. Ces aménagements, qui visent à améliorer la liaison ferroviaire entre Metz-Thionville et le Luxembourg, consistent notamment à construire un centre de maintenance dans la métropole de Metz et à le raccorder au réseau afin de remédier à la saturation du centre existant et d'assurer la maintenance du nouveau matériel récemment acquis par la région. Parmi les autres aménagements figurent l'automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains et la mise en place d'un système de communication associé. L'objectif est d'améliorer la liaison ferroviaire en fluidifiant les circulations. Soulignons toutefois que la mise en œuvre de ces derniers aménagements dépendra de la confirmation de leur intérêt par des études d'opportunité.

Les crédits supplémentaires prévus par cet avenant, qui doublent les engagements pris en 2018 dans le domaine ferroviaire, ne sont pas entièrement alloués à des projets spécifiques, mais ils représentent plutôt une « réserve » ou un « champ des possibles », comme l'ont expliqué les personnes auditionnées. Ces crédits seront progressivement mobilisés d'ici à 2030 en fonction des résultats des études menées par les différents groupes de travail.

En conclusion, je tiens à saluer l'engagement de la France et du Luxembourg, qui font l'un et l'autre partie de l'Alliance pour la décarbonation des transports et qui ont choisi d'œuvrer de concert pour améliorer concrètement le quotidien des usagers des différents axes transfrontaliers et, ainsi, relever les défis environnementaux et résoudre les problèmes de qualité de vie liés à la situation actuelle.

L'avenant du 19 octobre 2021 consolide la coopération bilatérale franco-luxembourgeoise en la matière, en augmentant significativement les contributions des deux pays en faveur d'investissements dans le domaine ferroviaire. Le 14 juin dernier, ces avancées ont été approuvées par la commission des affaires étrangères à une très large majorité. Par conséquent, une ratification rapide de la France devrait constituer un signal particulièrement positif en direction de nos concitoyens qui empruntent quotidiennement ces différents axes de communication entre la France et le Luxembourg. C'est pourquoi je vous invite à voter sans réserve en faveur de la ratification de cet avenant.

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