Intervention de François Jolivet

Réunion du mardi 16 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Jolivet, rapporteur spécial :

Chacun connaît les dispositifs de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : MaPrimeRénov', MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriété. La massification des aides souhaitée par le Parlement a réussi puisque 600 000 dossiers ont bénéficié de l'une de ces aides pour un montant total de 2,33 milliards d'euros en 2022 et une enveloppe prévisionnelle fixée à près de 3,4 milliards d'euros pour 2023 pour l'ensemble des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique.

En dépit de ce premier constat, qui semble positif, il existe trois axes d'amélioration : un meilleur accompagnement des usagers, tout en évitant la fraude ; une clarification des objectifs poursuivis ; la création d'un cadre réglementaire et financier propice aux rénovations plus globales.

La question du service rendu est primordiale. Nous avons tous rencontré, dans nos circonscriptions, des habitants ou des entreprises qui se plaignent de ne pas avoir reçu leur aide dans les délais. Or les dossiers en incident ne représentent que 4 % du total. Ils s'expliquent par le fait que l'Anah opère des contrôles qui nécessitent d'entrer dans les logements : tant que le propriétaire n'en permet pas l'accès, l'aide n'est pas versée. De plus, la Défenseure des droits n'a fait état que d'environ 900 dossiers en souffrance du fait du « plantage » de la plateforme informatique de l'Anah, la majorité des dossiers étant déjà régularisée. Cela étant, globalement, les opérations menées par cette agence connaissent beaucoup de succès – peut-être même trop – auprès des usagers.

Il manque cependant un accompagnement dans la réhabilitation par geste. En effet, 40 % des bénéficiaires de MaPrimeRénov' ont plus de 60 ans – nombre d'entre eux ont même plus de 75 ans. Or la procédure de dépôt d'une demande est entièrement dématérialisée, ce qui n'est pas toujours facile à vivre pour ces personnes. On pourrait envisager de décentraliser le dispositif France Rénov' car les collectivités territoriales sont les premières maisons de services publics que connaissent les administrés et celles qui sont un peu étoffées arrivent à accompagner leurs habitants.

La lutte contre la fraude mérite également d'être renforcée. Les mêmes margoulins qui sévissaient dans les arnaques au compte personnel de formation agissent dans le domaine de la rénovation. Les ministères du logement et du budget sont en train d'y mettre fin car la justice est saisie d'un certain nombre de plaintes, ce qui signifie que l'on arrive à les détecter.

Je souhaite également aborder la question de la nécessité de clarifier les objectifs de notre politique publique. MaPrimeRénov' prévoit une aide pour financer l'installation des pompes à chaleur. Nous sommes passés d'un diagnostic purement thermique à un diagnostic non seulement thermique mais portant également sur l'émission de gaz à effet de serre, ce qui fait que l'on compare des choux avec des carottes. Le remplacement d'une chaudière individuelle au gaz par une pompe à chaleur permet d'atteindre l'objectif de décarbonation en 2050 mais n'empêche pas le logement d'être une passoire thermique. En fait, il faut savoir ce que l'on veut : soit atteindre l'objectif zéro carbone en 2050, soit se concentrer sur l'aspect thermique.

De plus, il est nécessaire de s'inscrire dans un programme pluriannuel de financement, y compris à l'échelle individuelle. Il serait illusoire de croire que l'État peut mettre 10 ou 15 milliards sur la table pour tout financer d'un seul coup ; il n'y aurait d'ailleurs pas assez de matériaux ni d'entreprises pour réaliser tous ces travaux. Plutôt que d'accorder des aides uniques – je plaide pour leur suppression pure et simple –, il me paraît préférable de définir un parcours de gestes séquencés, avec un accompagnement financier à chaque étape car on ne peut pas attendre d'un propriétaire qu'il finance en une seule fois 75 000 euros de travaux.

MaPrimRénov'Copropriété a obtenu de bons résultats. Toutefois, je ne sais pas s'il en ira toujours ainsi car la loi « climat et résilience » a eu pour effet de désolidariser les copropriétaires entre eux. Avant, lorsqu'un immeuble était classé B, tous les appartements bénéficiaient de ce classement, même celui qui était en face nord ou au premier étage au-dessus d'un parking semi-enterré. Désormais, chaque appartement a son propre classement. Or l'absence de solidarité dans les immeubles est devenue un obstacle aux opérations de réhabilitation des copropriétés.

Il est important que le Gouvernement se pose les bonnes questions. Un moratoire est nécessaire concernant le diagnostic thermique et d'émission de gaz à effet de serre car il n'a en réalité plus rien de thermique, seul le deuxième aspect étant aujourd'hui traité.

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