Intervention de Gabriel Attal

Réunion du mardi 4 juillet 2023 à 17h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Gabriel Attal, ministre délégué :

Vous m'avez demandé, madame Josso, ce que j'entendais par aboutissement systémique. Pour moi, la démarche deviendra systémique lorsque l'on verra que les pratiques de budgétisation changent vraiment ; lorsque lors de la conception d'une nouvelle aide, d'un nouveau dispositif, pérenne ou de crise, on aura conscience qu'il est nécessaire de vérifier s'il n'introduit pas un biais défavorable à l'égalité. Mon objectif est d'avancer par étapes, en commençant avec ce PLF, pour parvenir dès le PLF 2025 à un aboutissement de la budgétisation intégrant l'égalité du même ordre que celui que l'on a désormais pour le budget vert.

Cette nouvelle procédure permettra-t-elle une meilleure gestion des finances publiques ? Oui, madame Chandler, je pense que lorsque l'on aura de véritables indicateurs, une vraie cotation et une transparence réelle des objectifs, notamment de baisse des dépenses défavorables à l'égalité, cela nous aidera à mieux piloter les finances publiques. Si, par ailleurs, réduire les dépenses défavorables à l'égalité nous permet de faire des économies, tant mieux ! Même si, bien entendu, il ne s'agit pas de la priorité de la démarche.

Madame Legrain, le Smic a augmenté de 9 % depuis un an, grâce à des revalorisations automatiques liées à l'inflation. J'entends que vous auriez souhaité qu'on l'augmente davantage, mais nous avons à cet égard un vrai désaccord de fond. Pour nous, l'augmenter dans les proportions que vous proposez détruirait des emplois. Or, vous l'avez dit vous-même, beaucoup de femmes sont rémunérées au Smic : ce sont donc des femmes qui, majoritairement, perdraient leur emploi. Nous souhaitons avancer différemment, par exemple en revalorisant, aussi, la prime d'activité, dont 57 % des bénéficiaires sont des femmes. Vous avez parlé également de l'absence de revalorisation des métiers féminisés : je ne peux qu'être en désaccord avec vous. Ainsi, grâce au Ségur de la santé, 13 milliards d'euros ont, principalement, servi à revaloriser les salaires de métiers très féminisés, à l'hôpital.

Nous avons un débat politique, légitime. On peut toujours considérer que l'on devrait aller plus loin sur un certain nombre de sujets, mais de la même manière que vous avez formulé vos critiques, il est important pour moi de dire ce qui a été fait et qui, je crois, va dans le bon sens.

Concernant les quotients, Jean-Luc Mélenchon proposait de supprimer non seulement le quotient conjugal, mais aussi le quotient familial. Je n'ai pas souvenir que leur remplacement par un autre dispositif figurait dans son programme – ou le vôtre – lors des dernières élections législatives. J'avais bien étudié la question et fait quelques débats avec certains membres de votre famille politique ; il s'agissait avant tout d'un levier d'augmentation des impôts. Or je ne souhaite pas augmenter les impôts des Françaises et des Français. En revanche, je souhaite qu'ils puissent avoir le choix et qu'ils sachent, de façon transparente, ce qu'implique le fait d'être ou non conjugalisé et d'avoir un taux conjugalisé ou individualisé de prélèvement à la source. Je souhaite qu'ils puissent le savoir et qu'ils puissent choisir en connaissance de cause. J'adhère totalement à la proposition de la Première ministre d'instaurer une individualisation du taux de prélèvement à la source par défaut. Et je vous annonce qu'il y aura dans le PLF pour 2024 une mesure d'individualisation du taux de prélèvement à la source. Cela me semble aussi aller dans la bonne direction.

La sensibilisation des élus et la stratégie territoriale, évoquées par Mmes Violland, Melchior et Garin, n'est pas à sens unique. Des élus et des collectivités locales peuvent aussi nous apporter, comme ils l'ont déjà fait pour le budget vert. Certains s'étaient, en effet, engagés dans cette voie avant que l'État n'adopte ce type de budget. L'État s'inspirera donc des meilleurs exemples des collectivités territoriales ; mais sa responsabilité sera aussi de systématiser ces pratiques au niveau national.

Par exemple, l'État et beaucoup de collectivités ont un budget vert – je vais d'ailleurs en parler avec mon collègue Christophe Béchu. Il me semblerait positif que l'on adopte, avec les associations d'élus, les mêmes critères et les mêmes manières d'évaluer les dépenses. Cela fournirait, entre autres, une visibilité exhaustive des dépenses favorables ou non à l'environnement, sur l'ensemble du territoire national. Il serait sans doute intéressant que l'on ait la même approche pour la budgétisation intégrant l'égalité, pour disposer d'un cadre de référence partagé.

Pour ce qui est de la formation et de l'accompagnement des agents de l'État, il s'agit d'un véritable enjeu. Des initiatives ont déjà été prises dans le cadre de l'expérimentation de 2019, puisque les agents de l'ancien Commissariat général à l'égalité des territoires avaient notamment été formés à l'intégration du critère « égalité femmes-hommes » pour les subventions aux associations. Concrètement, je veux réunir, si possible avant les vacances, le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité, qui sont désormais présents dans chaque ministère ; il serait sans doute utile que les deux rapporteures viennent présenter leur rapport, pour lancer les travaux avec eux. Je souhaite ensuite qu'à partir de la rentrée on puisse avoir les premiers retours d'initiatives de formation prises dans les ministères. Vous l'avez dit, madame Garin, le succès de cette budgétisation intégrant l'égalité ne dépendra pas du seul ministère des comptes publics. Par définition, les documents budgétaires sont préparés par l'ensemble des ministères ; si ces ministères n'intègrent pas cette question de l'égalité femmes-hommes, la démarche ne sera pas un succès.

Je reprends d'ailleurs une autre proposition du rapport, à savoir lancer une mission d'application. Votre rapport est utile et permet de voir où l'on veut aller ; je ne vais donc pas relancer une mission pour le savoir. En revanche, je vais en déployer une, dès la rentrée, avec l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) et l'IGF, à laquelle sera associé le SDFE. Elle devra nous dire, premièrement, quelle est la bonne méthodologie ; deuxièmement, de quels outils supplémentaires nous devons nous doter ; troisièmement, quels sont les champs ministériels prioritaires. Allons-nous également associer les structures expertes ? Oui. Il serait d'ailleurs intéressant que je les reçoive elles aussi. Allons-nous tenir compte des demandes des associations dans le PLF 2024 ? Évidemment, mais il y a une équation budgétaire et des choix politiques à faire. Comme l'ont rappelé plusieurs intervenants, on ne peut pas dire que l'effort budgétaire en matière d'égalité femmes-hommes repose exclusivement sur le ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes. En réalité, si l'on intègre l'ensemble des dépenses engagées pour l'égalité, le total atteint plus de 3,3 milliards d'euros, alors que le budget du ministère est plus restreint. C'est la raison pour laquelle il existe un document de politique transversale. Il est néanmoins évident que l'on ne peut pas satisfaire toutes les demandes.

Madame Descamps, vous m'avez interrogé sur la formation ; je ne veux pas empiéter sur la compétence d'autres ministères ni faire des annonces à la place de collègues, mais vous savez que cette question est importante pour moi. Nous avons d'ailleurs siégé ensemble au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, au cours du précédent quinquennat. Céline Calvez avait quant à elle remis un rapport sur le sujet. La formation est un enjeu majeur, notamment dans les écoles d'ingénieurs, dans lesquelles moins d'un tiers des étudiants sont des femmes. Une étude Ipsos a montré que 33 % des filles étaient encouragées à s'orienter vers les métiers du numérique, contre 61 % pour les garçons. Il faut intégrer de nouveaux éléments à notre politique éducative, mais aussi changer les mentalités.

Les modèles jouent beaucoup en la matière et je veux saluer toutes les femmes qui s'engagent, qui vont dans les écoles et qui interviennent dans les médias pour montrer aux petites filles que, oui, c'est possible. Nous avons un bel exemple avec une Première ministre qui, je me souviens, lors de sa passation de pouvoirs, a dit qu'elle pensait à toutes les petites filles, auxquelles elle montrait que l'on pouvait être une fille et espérer devenir Première ministre. Je me suis dit que cela allait peut-être donner des idées à certaines petites filles devant leur télévision et qu'on en retrouverait certaines, dans quelques années, dans nos exécutifs locaux ou à l'Assemblée nationale.

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