Intervention de Cécile Barrere-Tricca

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Cécile Barrere-Tricca, directrice à l'IFPEN :

. – Je vous remercie pour votre invitation. Je suis ravie d'apporter aujourd'hui l'éclairage de l'IFPEN sur le captage et le stockage du CO2. Nous sommes impliqués dans la recherche et l'innovation dans ces domaines depuis plus de vingt ans.

Ce sujet revient au cœur des débats avec la prise de conscience de l'urgence climatique. En France, ces dernières semaines ont été marquées par la présentation, lors du Conseil national de l'industrie du 23 juin dernier, de la stratégie de Capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) qui compile les retours des 50 industriels les plus émetteurs de CO2 sur le territoire avec un plan de décarbonation. Cette compilation a permis l'élaboration d'une feuille de route par le gouvernement.

Le CCUS est déjà une réalité. Les solutions technologiques existent et sont déployées. Trente unités industrielles de grande taille dans le monde permettent de capter du CO2, stocké ou utilisé. Ce sont 40 millions de tonnes de CO2 concernées. En Norvège, en mer du Nord, un million de tonnes est déjà injecté chaque année dans des aquifères salins profonds, et ce depuis vingt-cinq ans. Mais ceci n'est bien sûr pas suffisant. Les scénarios montrent que les besoins de captage seront de 8 milliards de tonnes à l'horizon 2050, ce qui est considérable.

Le captage de CO2 ne représente qu'une partie de la décarbonation. Selon les scénarios, 15 % de l'effort de réduction des émissions de CO2 devraient venir du captage, du stockage et de la réutilisation. Ce captage doit donc intervenir une fois tous les autres efforts mis en place en amont (sobriété, efficacité énergétique, passage aux énergies renouvelables, électrification des procédés, etc.).

De ce fait, toute une industrie doit se mettre en place, avec le développement, au niveau mondial, d'une dizaine de sites de stockage par an, d'une centaine de sites de captage, de milliers de kilomètres de canalisations pour transporter le CO2. Le captage et le stockage du CO2 coûtent donc cher actuellement et les efforts doivent viser à réduire au maximum les coûts et les consommations d'énergie.

D'autres enjeux existent, dont l'acceptabilité sociétale. Le captage-stockage de CO2 est peu évident à appréhender, car il peut faire peur alors que nous faisons déjà en France du stockage de méthane sans rencontrer de problème. Je rappelle que le CO2 n'est un produit ni explosif, ni inflammable et qu'il ne présente pas de risques hors milieu confiné.

Il existe différentes technologies de captage du CO2 : la précombustion, l'oxycombustion pour produire de la chaleur et récupérer le CO2, et la postcombustion.

Dans la stratégie nationale sont prévus le captage et le stockage de 4 à 8 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2030, et 15 à 20 millions de tonnes à l'horizon 2050. Cette ambition représente un investissement de 50 milliards d'euros (tout compris, donc avec la décarbonation de l'industrie), uniquement pour le CO2 incompressible, donc après que tous les autres efforts pour le réduire ont été mis en œuvre.

Sur la recherche et l'innovation, je veux insister sur les technologies avancées en cours de démonstration, chez ArcelorMittal à Dunkerque, par exemple, qui fonctionnent extrêmement bien. D'autres procédés français sont également en cours d'essai en Chine. La recherche et l'innovation se poursuivent donc. Le PEPR Spleen a été inauguré le 30 juin à Lyon. Ce projet de programme prioritaire tend à soutenir l'innovation et à développer de nouveaux procédés industriels largement décarbonés. Les travaux permettront de réduire les coûts et la pénalité énergétique tout en travaillant sur des procédés plus compacts, plus efficaces ; on pourra ainsi élargir ainsi le panel de captage de CO2. J'ajoute que le captage direct dans l'air sera un procédé indispensable à terme, même s'il apparaît encore surréaliste aujourd'hui. Je n'oublie pas non plus la biomasse énergie et les émissions négatives de CO2 pour compenser le CO2 inévitable.

Pour conclure, le captage et le stockage du CO2 existent déjà mais restent à développer avec l'appui de la puissance publique et avec un travail sur l'acceptabilité sociétale.

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