Intervention de Sophia Chikirou

Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophia Chikirou :

Il est évident que nous avons besoin d'une loi sur le numérique, de plusieurs lois même en réalité, tant les sujets sont nombreux et graves : protéger les enfants contre le harcèlement et la pédopornographie, les consommateurs contre les arnaques, les citoyens contre les violations de leurs droits numériques fondamentaux, dont le premier l'accès au numérique, ou encore les entreprises françaises contre la rapacité des géants du cloud. Vous avez fait le choix d'un texte unique fourre-tout mais malheureusement incomplet et surtout mensonger, liberticide et hypocrite. Vous refusez obstinément de poser la question des moyens humains, de l'éducation et de la formation. Vous prétendez répondre à tous les problèmes et aux défis qui nous sont posés par un solutionnisme technique qui, on le sait, est voué à l'échec. Les expériences qui ont eu lieu en Grande-Bretagne et en Australie sur la question de la vérification de l'âge pour l'accès aux sites pornographiques n'ont pas marché. En plus d'être inefficace, cela porte atteinte à un droit fondamental consacré par l'ONU et la Cour de justice de l'Union européenne : le droit à l'anonymat. Vous avez décidé dans l'article 1er de refiler la patate chaude à l'Arcom. Vous déresponsabilisez les sites pornographiques qui n'ont plus, d'ailleurs, d'obligation de résultat, mais seulement de moyens. Surtout, vous contournez les juges.

Votre texte est aussi hypocrite vis-à-vis des enfants et de leurs parents parce que vous n'appliquez pas en tant que Gouvernement la loi en matière de prévention et d'éducation sexuelle. Une enquête de la direction générale de l'enseignement scolaire montre que seulement 13,5 % des élèves en primaire ont bénéficié des trois séances annuelles d'éducation sexuelle. Rien sur l'éducation dans votre projet de loi !

Il est également liberticide, et on ne peut pas vous faire confiance, monsieur le ministre, en matière de respect des libertés et des droits, parce que la peine complémentaire de bannissement numérique, que vous prévoyez à l'article 5, suppose une vérification de l'identité civile qui va trop loin. Elle n'est pas applicable, elle remet en cause l'anonymat et elle donnerait à des entreprises étrangères un accès à des données d'utilisateurs voire à l'État, qui serait une espèce de Big Brother. Votre texte est malheureusement à l'image de votre politique : beaucoup de communication, des promesses en matière de faisabilité et de résultats mais les réponses ne seront pas là. Ma collègue Marietta Karamanli avait soulevé des problèmes relatifs à la conformité avec le droit européen. Il y a beaucoup de confusions dans ce texte, et nous essaierons d'y faire le tri.

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