Intervention de Mathilde Hignet

Réunion du mardi 3 octobre 2023 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Hignet :

Notre pays fait face à une situation de grave urgence alimentaire : le panier de trente-sept produits du quotidien coûte 20 euros de plus en août 2023 qu'un an auparavant ; un Français sur six ne mange pas à sa faim ; Les Restos du cœur s'attendent à servir 170 millions de repas cette année ; les prix augmentent mais les salaires ne suivent pas ; pour 2023, les hausses de salaires sont attendues à 4,5 % en moyenne pour une inflation à 5 %. En dépit de cet état des lieux alarmant, vous proposez simplement d'avancer les négociations commerciales : ce projet de loi est une blague ! Nous allons de déception en déception.

L'objectif était pourtant clair : faire face à l'augmentation des prix alimentaires. On est dans un nouvel épisode de « Bruno demande » : il demande aux multinationales de l'agrobusiness de bien vouloir renégocier avec la grande distribution pour faire baisser les prix – ces mêmes multinationales qui se sont gavées toute l'année avec l'inflation. Le taux de marge des industries agroalimentaires a augmenté de 71 % en un an et demi. Si elles n'avaient pas augmenté leurs marges, les prix de production agroalimentaire auraient augmenté deux fois moins vite depuis le début de 2022. Croyez-vous réellement que ceux qui nourrissent l'inflation alimentaire depuis des mois vont s'arrêter maintenant ? La grande distribution a, elle aussi, engrangé des profits grâce à l'inflation – certes moins, mais elle a augmenté ses marges sur les produits pour lesquels les industriels n'avaient pas ou peu augmenté les leurs. Tout le monde y gagne, sauf les consommateurs.

Le projet de loi n'aura pour conséquence que d'avancer les négociations de quarante-cinq jours. Nous sommes sceptiques, très sceptiques même, quant à la réelle utilité de cette mesure. Rien ne nous garantit que l'avancée des négociations commerciales ne conduise pas à une augmentation des prix. Pour l'Insee, il n'y aura pas de baisse de prix mais seulement un ralentissement de la hausse. Ajoutons à cela les déclarations faites par les acteurs de la grande distribution la semaine dernière devant notre commission : pour le président du groupement Les Mousquetaires, les tarifs annoncés pour entamer ces négociations seront en hausse de 5 % à 15 %. Tout porte à croire que ce texte n'aura, au mieux, aucun effet, voire contribuera à faire augmenter les prix alimentaires.

De véritables solutions existent pour lutter contre l'inflation : indexer les salaires sur l'inflation ; bloquer à la baisse les marges des industriels agroalimentaires et de la grande distribution ; étendre le bouclier qualité-prix à l'ensemble du territoire national. Pour améliorer la vie de nos concitoyens, il y a urgence à sortir des mesurettes.

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