Intervention de Delphine Batho

Réunion du mardi 3 octobre 2023 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

« Qui aurait pu prédire la vague d'inflation [...] ou la crise climatique aux effets spectaculaires ? », demandait le Président de la République lors de ses vœux le 31 décembre dernier. Si la deuxième partie de la phrase a légitimement fait réagir nombre de scientifiques spécialistes du climat, la première a moins retenu l'attention, alors qu'elle aurait dû. En effet, tout le problème de la politique actuelle est qu'elle repose sur une erreur de diagnostic et sur un manque de lucidité.

L'inflation n'a pas commencé avec la guerre en Ukraine mais dès 2021, avec la boulimie de reprise de la croissance économique qui a suivi la pandémie, sur fond de catastrophes climatiques affectant les denrées alimentaires. En juin 2021, pourtant, le ministre de l'économie nous disait que nous ne devions pas nous préoccuper particulièrement de la poussée inflationniste. En novembre 2021, il nous disait encore que l'inflation serait temporaire et, en février 2022, que le scénario principal du Gouvernement était la baisse de l'inflation à partir de la fin de l'année. Et maintenant, il nous promet que nous allons sortir de cette inflation et il est sûr qu'elle va baisser. Encore faut-il s'entendre sur les mots, car ce que l'on observe est une décélération de la hausse, et non une baisse.

En réalité, nous sommes dans un nouveau régime d'inflation et, dans ce contexte, vous faites un pari. J'ai été très étonnée de lire, dans l'exposé des motifs du Gouvernement, qu'il y aurait un « repli des cours mondiaux des prix des matières premières [...] énergétiques ». C'est la première erreur : je ne crois pas que l'on puisse parier sur une baisse du prix des énergies fossiles. La deuxième erreur, c'est de ne pas s'attaquer à la « profitation », alors que tout le monde fait le même constat dans les rayons : quand les coûts de production augmentent, les prix montent aussitôt, mais quand ils baissent, ça ne baisse pas. Surmarges, surprofits et surdividendes ont amplifié la hausse des coûts de production et plongé dans un état de misère sociale et écologique nombre de nos concitoyens en portant atteinte au droit fondamental à une alimentation suffisante et saine.

Tout cela dépend d'une poignée de groupes en situation d'oligopole, les mêmes qui étranglent les agricultrices et les agriculteurs et qui mettent 3 milliards dans la promotion de la malbouffe. Vous nous apportez un projet de loi sur les relations commerciales – le seizième en dix ans ! – nous promettant un progrès dérisoire durant six semaines dans les supermarchés. C'est un aménagement conjoncturel dont nous redoutons qu'il ne soit qu'un coup d'épée dans l'eau. Nos amendements sur la transparence et la réglementation des marges ayant été refusés, nous nous opposerons à ce projet de loi

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