Intervention de Marc Ferracci

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Ferracci, rapporteur :

Je vous remercie pour vos questions. Je ne répondrai pas point par point, mais j'ai regroupé certaines thématiques que plusieurs d'entre vous ont abordées dans leur intervention.

Mme Valentin, M. Bazin et M. Viry ont évoqué deux sujets communs, à savoir la compétitivité et l'emploi des seniors.

S'agissant de la compétitivité, le rapport s'y intéresse. En tout cas, il s'y intéresse à hauteur des évaluations existantes sur l'impact des exonérations et du CICE. En effet, des évaluations ont porté sur le CICE et elles n'ont pas mis en évidence d'effets négatifs sur la compétitivité, en particulier sur la capacité exportatrice des entreprises. C'est la raison pour laquelle nous nous permettons d'avancer que les exonérations sur les hauts salaires sont inefficaces non seulement sur l'emploi, mais également sur la compétitivité. Toutefois, je reconnais qu'il convient d'approfondir la question. J'attire simplement l'attention sur le fait que les comparaisons de coûts du travail nominaux entre la France et l'Allemagne ou entre la France et d'autres pays, ne peuvent pas être correctement interprétées si elles ne sont pas rapportées à la productivité respective des pays. L'indicateur pertinent réside dans les coûts unitaires de production respectifs de notre pays et, par exemple, de l'Allemagne. S'agissant des comparaisons avec l'Allemagne, le rapport du groupe d'experts sur le Smic montre depuis plusieurs années que ces coûts unitaires de production ont eu tendance à converger alors que nous étions en retard et que nos coûts unitaires de production étaient plus élevés que ceux de l'Allemagne. Ce constat relève en partie effectivement des dispositifs globaux d'exonération, mais pas obligatoirement grâce au dispositif d'exonération sur les hauts salaires.

S'agissant du gain budgétaire que vous évoquiez, qui pourrait diminuer du fait d'une baisse des recettes l'IS, j'avoue que je suis un petit peu circonspect parce que je pense qu'il faut démontrer que les recettes d'IS baisseraient si on remettait en cause le bandeau famille. Pour ma part, je ne vois pas selon quel mécanisme et en tout cas, je suis sûr de n'avoir identifié aucune preuve empirique de ce type de mécanisme.

Concernant la problématique des seuils, je vais abonder un peu plus dans votre sens. Je pense qu'il est nécessaire de mener une réflexion globale et le point de sortie de nos travaux se situe probablement à ce niveau. Ils se prolongeront dans le cadre de la Mecss sur un profil différent des allégements qui permettrait d'éviter les seuils à 1,6 à 2,5 Smic. Nous préconisons que le point de sortie ne se situe plus à 3,5, mais à 2,5 Smic. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec certaines organisations patronales et je pense qu'il conviendrait de mener une réflexion sur la manière de glisser sur l'intégralité du profil des allégements. Cette analyse nécessite des données et de l'expertise. Peut-être que le Gouvernement souhaitera s'en saisir ou pas.

S'agissant de l'emploi des seniors, je répète, parce que c'est important, que la disposition qui consisterait à exonérer davantage les cotisations sociales pour les salariés âgés serait inefficace en ceci qu'elle produirait du gaspillage d'argent public. Elle permettrait probablement le maintien de certaines personnes dans l'emploi ou la création d'emplois, mais pour de nombreuses autres, ces exonérations engendreraient des effets d'aubaine pour les raisons que j'ai indiquées précédemment. En effet, la productivité de nombreux salariés seniors est suffisamment importante pour que leur emploi ne soit pas menacé, quand bien même on supprimerait les exonérations, quand bien même on ne leur appliquerait pas des exonérations plus importantes.

Pour ce qui concerne les pistes, nous ne relancerons pas la discussion relative à l'index senior que nous avons eue pendant le débat sur les retraites. Pour ma part, je considérais que cette piste était intéressante. J'attire votre attention sur le fait que les partenaires sociaux seront amenés à négocier sur ce sujet-là. Un document d'orientation leur sera envoyé incessamment par le Gouvernement afin d'opérer une négociation interprofessionnelle. De nombreux enjeux seront posés sur la table de négociation et notamment le fait de compenser les personnes d'un certain âge qui sont au chômage et qui sont réticentes à reprendre des emplois parce que les seniors subissent parfois une forme de décote salariale liée au fait qu'ils entrent dans une période de chômage avec des niveaux de salaires un peu plus importants que les autres salariés, après avoir progressé à l'ancienneté tout au long de leur carrière. Il peut être utile de compenser les pertes de salaires des personnes qui se trouvent dans cette situation-là de sorte à les inciter à reprendre un emploi. C'est une des pistes qui seront étudiées, notamment dans le cadre de la négociation relative à l'assurance chômage par les partenaires sociaux. J'espère qu'ils iront dans cette direction-là.

Je termine par un autre élément qui a fait l'objet d'annonces et auquel je suis moi-même très attaché, à savoir la généralisation des dispositifs de testing afin de faire évoluer la culture des entreprises vis-à-vis des salariés seniors. Le ministre Olivier Dussopt a annoncé le lancement dans les prochaines semaines d'un testing relatif à l'accès à l'embauche des seniors. J'en profite pour faire un peu la promotion d'une proposition de loi que j'ai déposée pour généraliser ce dispositif de testing, dont je pense qu'il peut aboutir à des changements de comportements.

Je souhaite également répondre à l'intervention de M. Matthieu Marchio relative à la proposition défendue lors de la précédente niche du Rassemblement national. Je ne rouvrirai pas les échanges qui se sont déroulés à l'occasion de cette proposition. J'avais développé de nombreux arguments démontrant que cette proposition n'était pas pertinente pour des raisons de principe, pour des raisons d'opérationnalité et pour des raisons de complexité. Je m'en tiendrai au simple constat selon lequel votre propre rapporteur a déposé à l'occasion de cette proposition de loi, une demande de rapport au Gouvernement pour en étudier la faisabilité, ce qui est quand même relativement inédit s'agissant d'une proposition de niche. Je pense que cela révèle les failles et les limites de cette proposition et je n'entrerai pas davantage dans le détail.

S'agissant de l'amendement commun évoqué par mon collègue Jérôme Guedj, il me semble que les conséquences politiques que nous tirons l'un et l'autre de la suppression du bandeau famille n'ouvrent pas beaucoup de possibilités, mais nous continuons à en discuter. Je suis toujours ouvert à la discussion.

Enfin, s'agissant de la remarque de M. Ratenon relative à l'outre-mer, nous avons indiqué ne pas avoir eu le temps d'étudier les dispositifs spécifiques. Il existe des niches sociales qui portent sur l'outre-mer dont il est possible d'interroger l'efficacité. Quoi qu'il en soit, les allégements généraux s'appliquent en outre-mer. Notre travail d'évaluation n'est pas terminé. Il s'agit d'une étude au long cours et nous aurons peut-être l'occasion effectivement de nous pencher sur des niches géographiques ou sectorielles.

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