Intervention de Laurent Esquenet-Goxes

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Esquenet-Goxes :

Voici donc le nouveau combat de l'extrême droite pour sauver la France : l'interdiction, dans la première version du texte, de l'expression « bonjour à toutes et à tous » et de la féminisation des fonctions. Les propos de votre collègue en séance lors de l'examen du projet de loi « plein emploi » nous avaient déjà mis la puce à l'oreille : ils nous ont rappelé l'importance que certains chez vous accordent au maintien, voire au retour d'une société patriarcale.

Notre majorité a établi des règles claires pour l'utilisation de diverses méthodes inclusives. Une circulaire de novembre 2017 « invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture inclusive », ajoutant que « les administrations relevant de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques ». Votre demande est donc déjà satisfaite et ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes.

Cette règle claire, inchangée depuis, était bienvenue. La diffusion dans l'administration de l'utilisation du point médian portait en effet atteinte à l'intelligibilité de la loi et à l'accessibilité de notre langue. Au-delà de son utilisation par les agents publics, la langue française doit être la plus simple possible pour assurer la transmission à l'école. La circulaire du ministre de l'Éducation nationale de 2021 indique ainsi qu'il convient « de proscrire le recours à l'écriture dite inclusive, qui utilise notamment le point médian [en ce qu'il] constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit [pour les enfants] confrontés à certains handicaps ou troubles des apprentissages ». Vous revendiquez l'interdiction pour l'administration d'utiliser le point médian : elle est satisfaite depuis six ans.

Vous souhaitez également interdire l'utilisation de la double inflexion et de la féminisation des noms. Ces éléments d'inclusion sont pourtant nécessaires pour rendre visibles plus de 50 % de la population souffrant d'un cruel manque de représentation dans nos mots. Pour rappel, l'Académie française approuve depuis 2017 la féminisation des noms et des fonctions.

La langue française est imbriquée dans son époque. L'évolution d'une société patriarcale vers une société paritaire entraîne des polémiques, des questionnements et, parfois, des égarements. Ceux-ci ne sont toutefois pas des erreurs. Au contraire, ils nous amènent à nous interroger sur le sens de notre langue et sur les voies pragmatiques de son évolution. Je ne suis pas un amoureux du « iel » et des points au milieu des mots. Mais ces pratiques m'ont amené à réfléchir et à accorder plus d'importance à la féminisation des mots et des paroles. Laissons vivre le débat pour que vive notre langue. La langue est d'abord une question d'usage, difficile à régir par la loi. C'est cela qui la fera évoluer, et non des mots couchés sur le papier et des propositions inutiles, à contre-courant de l'histoire et de l'évolution positive de notre société.

Sur le fond, à quoi sert votre proposition, sinon à exacerber les tensions sur les enjeux de parité et à nous monter les uns contre les autres, les unes contre les autres ? La division est la marque de fabrique de votre mouvement.

Parce que la première moitié de votre proposition de loi est déjà satisfaite depuis six ans, nous voterons contre ce texte.

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