Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 9h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Gérald Darmanin, ministre :

Dans mon propos introductif, je me suis efforcé d'évoquer deux glissements sémantiques ou deux inversions de valeurs touchant respectivement la proportionnalité dans l'utilisation de la violence et le fait qu'il est aussi important de protéger les biens que les personnes. C'est du moins ce qu'affirment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'ensemble de nos codes juridiques.

Un troisième glissement sémantique, minoritaire, consiste à considérer que deux groupes s'opposent : d'un côté les policiers et gendarmes, et de l'autre les manifestants. Il suffirait de constater, à la fin de l'affrontement, lequel de ces deux groupes a mal utilisé la force. Je m'inscris totalement en faux contre ce glissement. Il n'y a pas deux camps qui s'opposent. Les forces de l'ordre sont la police et la gendarmerie nationales, et non celles du Gouvernement. Elles appliquent la loi votée par les parlementaires et les décisions de justice.

Je rappelle à ce propos que les placements en garde à vue, les prolongations de garde à vue et les contrôles d'identité sont toujours effectués sous l'autorité de magistrats, et non sous celle du ministre de l'intérieur. Même si beaucoup de gens aimeraient que je puisse décider des arrestations, interpellations et mises en garde à vue ou en examen, ce pouvoir appartient à des magistrats indépendants, qui l'emploient de manières diverses, qu'il s'agisse du procureur de la République compétent à Sainte-Soline ou à Paris. La séparation des pouvoirs est garantie.

On ne peut pas placer un signe d'égalité entre les forces de l'ordre et, quelle que soit la cause qu'ils défendent, les manifestants violents – et encore ce mot est-il inapproprié dans ce contexte, où il vaudrait mieux parler de « personnes violentes ». Cela signifierait que les règles que la République s'est fixées démocratiquement sont relatives et susceptibles d'interprétation, et que la violence permettrait de les changer. Il y a des moments qui permettent de faire évoluer les lois démocratiques : ce sont les élections. Il y a aussi un moyen d'action démocratique et pacifique qui permet de faire pression pour modifier ces lois : c'est la manifestation.

Certains de nos compatriotes, minoritaires mais dont le discours est relayé médiatiquement et politiquement, estiment que le combat démocratique ne suffit pas et qu'il faut aller vers des actions violentes pour se faire entendre. Cela doit nous interpeller. On a déjà connu ce genre d'expériences par le passé. L'ultragauche italienne des années 1970 a commencé par s'en prendre aux biens pour finir par assassiner des gens. Je ne dis pas que c'est ce qui se passera en France. Je dis que, lorsqu'on commence à recourir à la violence, il est difficile de l'arrêter car si les attaques contre les biens ne produisent pas le changement attendu, on peut être amené à aller plus loin. Si la violence contre les personnes ne se fait plus seulement par ricochet, comme celle qui touche les gendarmes lorsqu'ils protègent les bassines, mais qu'elle devient un but en soi avec l'idée qu'il faut s'attaquer à telle personne pour changer les choses, on bascule dans une autre logique.

La question de la violence contre les biens est très importante. Si le législateur change les principes du droit, les policiers les appliqueront. Mais, dans le droit actuel, les biens sont protégés. Le droit de propriété est fondamental. À Sainte-Soline, on a souillé le droit de propriété, pas seulement des bassines mais aussi des champs des agriculteurs. Dans ces champs qui ont été traversés et piétinés par des milliers de manifestants, on a retrouvé pendant des semaines des mortiers, des boules de pétanque et des pavés, ce qui les a rendus incultivables pendant plusieurs mois. Or, cela ne semble avoir choqué personne : les médias n'en ont rien dit.

La défense de l'écologie cache souvent une idéologie anticapitaliste et antidémocratique. Chacun sait qu'une partie de l'ultragauche est opposée à la propriété et qu'elle estime que certains biens, comme l'eau, devraient être mis en commun. Une partie de l'ultragauche s'oppose au droit de propriété...

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