Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du vendredi 20 octobre 2023 à 15h00
Débat sur les finances locales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Manifestement, les finances locales sont mieux gérées que les finances de l'État puisque les collectivités, leurs groupements et les organismes affiliés représentent seulement 8 % de la dette publique française, mais 60 % de l'investissement public – au sens de la formation brute de capital fixe. Est-ce à dire pour autant que la situation financière des collectivités est enviable ? Certainement pas. Elles subissent de plein fouet les soubresauts du monde : l'inflation, la hausse des dépenses de solidarité pour les départements, la hausse du point d'indice, etc. Le Gouvernement estime pourtant que son effort en faveur des administrations locales augmente cette année, les orateurs de la majorité ayant invariablement rappelé le chiffre de l'évolution de la DGF : plus 220 millions d'euros. Les relations entre l'État et les collectivités ne sauraient cependant se limiter au montant de la DGF.

Je regrette que nous ne puissions avoir un débat éclairé. En effet, nous n'avons toujours pas le rapport annexé relatif aux transferts financiers de l'État aux collectivités – c'est une anomalie. On peut néanmoins constater qu'au total, les prélèvements sur recettes en PLF 2024 diminuent de 750 millions d'euros par rapport à 2023, soit moins 2,7 %, la baisse atteignant même 775 millions d'euros à périmètre constant si l'on tient compte de la nouvelle compensation de la taxe sur les logements vacants. Certes, la moitié de cette baisse s'explique par la disparition des 430 millions d'euros de compensation de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, mais le coût pour les collectivités n'en sera pourtant pas moins important en 2024 – bien au contraire, puisqu'elles devront répercuter une nouvelle hausse de 1,5 % du point d'indice décidée en juin dernier. Notons que l'inflation permet de faire peser davantage le redressement des finances publiques sur les collectivités et que la nouvelle version des pactes de confiance fait l'objet d'une forte opposition, car le contexte inflationniste provoque une réduction des enveloppes en euros constants tout en permettant d'afficher une hausse en euros courants. C'est évidemment très commode. Nous regrettons, à cet égard, que le Gouvernement n'ait donné suite à aucun des amendements visant à protéger les finances locales.

Les frictions que l'on observe entre l'État et les collectivités vont donc s'accroître. C'est la suite logique de votre réforme de la fiscalité locale, car il est facile d'observer qu'il y a une doctrine de réduction de l'autonomie fiscale des collectivités. La suppression de la taxe d'habitation et la baisse de la CVAE sont une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises, un peu moins pour les finances publiques, mais elles ont considérablement réduit le lien fiscal entre les élus locaux d'une part, et les habitants et les acteurs économiques d'un territoire d'autre part. Cette politique a fortement déstabilisé l'édifice fiscal local, et la polémique sur les propos du Président de la République, rendant les élus locaux responsables de l'augmentation de la taxe foncière, révèle une incompréhension des réalités vécues dans les territoires. Pour sortir de cette impasse et apaiser les relations entre les collectivités et l'État, la meilleure solution est certainement celle de l'autonomie financière des collectivités ; nous devons travailler dans cette direction.

Le Président de la République s'est engagé, il y a quelques semaines, sur la question de l'autonomie de la Corse. Cela suppose une définition claire à la fois des compétences transférées et des moyens budgétaires, la dévolution à la collectivité de Corse de la gestion des domaines transférés et de la maîtrise de leur financement. On nous reproche quelquefois d'être des quémandeurs, de réclamer à la fois des aides et de l'autonomie. C'est inexact : nous demandons une définition claire des compétences d'État et des compétences transférées, accompagnées les unes et les autres d'un périmètre clair de financement pérenne. C'est là une approche constructive où personne ne perd. Cela suppose évidemment, dans le domaine certes complexe de l'autonomie fiscale, d'avoir une connaissance fine des comptes régionaux, dont je vous demande ici une nouvelle fois communication, monsieur le ministre délégué, et plus largement une coconstruction entre les services d'État et ceux de la collectivité de Corse, coconstruction que nous appelons de nos vœux.

Vous annoncez votre volonté d'engager un nouvel acte de décentralisation pour l'ensemble des collectivités. Mais une telle réforme, dont les contours demeurent pour l'heure flous, ne pourra faire l'économie d'avancées majeures pour davantage d'autonomie financière et fiscale en faveur des collectivités, lesquelles ont apporté la preuve de leur maturité. C'est un impératif démocratique et un chantier pour demain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion