Intervention de Gabrielle Bouleau

Réunion du jeudi 21 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Gabrielle Bouleau, présidente du comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts :

Notre comité de déontologie n'a pas d'équivalent en Europe, ce qui signifie aussi que nous atteignons un niveau d'indépendance sans égal. Nous évoluons dans un système un peu particulier qui permet au comité de déontologie d'avoir un rôle d'irritant sur tout ce qui pourrait se passer au sein des comités d'expertise. Au regard de ce que j'ai pu constater depuis que je participe au comité de déontologie, et d'après ce que j'ai pu lire sur ce qui s'est fait auparavant, il n'existe aucune volonté de cacher quoi que ce soit dans les avis du comité ; au contraire, il s'agit d'apprendre à partir des cas de difficultés. J'en veux pour exemple la charte des relations avec les porteurs d'intérêts. Une charte avait en effet été établie au sein de l'Anses, demandant la réalisation d'un registre de l'ensemble des visites des porteurs d'intérêts ; l'analyse de ce registre avait montré que 95 % des visites étaient liées au secteur agricole et associé, ce qui n'était pas de nature à garantir l'équité d'accès à l'agence. En 2019, le comité de déontologie a donc recommandé à l'Anses de limiter au maximum les rencontres avec les porteurs d'intérêts. Des rencontres peuvent être organisées pour expliciter une décision prise mais, en dehors de ce cas, il est préférable que l'Anses rencontre les parties prenantes dans des dispositifs pluralistes de type plateforme, où toutes les parties prenantes peuvent être invitées. Ce point a été réaffirmé par le comité de déontologie en 2021, sur les maladies professionnelles.

Par ailleurs, le comité de déontologie n'a pas pour objectif de se satisfaire d'une forme d'excellence scientifique qui serait conviée dans les différents comités d'expertise, mais de garantir les conditions d'expression de tous les avis de ces scientifiques, y compris des savoirs inconfortables, et de faire en sorte que des données qui sont des présomptions soient entendues. Nous savons que le niveau d'alertes remontant par la phytopharmacovigilance est plutôt faible ; le comité a donc été amené, dans ses avis, à recommander la prise en compte de toutes ces alertes. Pour que cette affirmation soit entendue, pour que ce principe fonctionne dans les comités d'experts, il est nécessaire de rappeler sans cesse à tous les scientifiques que nous ne pouvons que les encourager à participer à ces comités même si, dans le domaine de la recherche, cette participation n'est pas forcément une activité valorisée, quelle que soit la discipline, y compris en sciences sociales. Cet investissement de l'ensemble de la communauté scientifique importe pour la qualité du processus collégial.

On ne peut jamais se satisfaire du point d'arrivée en matière de déontologie. Dans les comités, nous sommes systématiquement attentifs à tous les cas qui pourraient montrer que, de façon pragmatique et malgré les règles, des voix se taisent, n'osent pas parler, peut-être parce qu'elles ne connaissent pas encore bien ces règles. Le processus doit sans cesse être amélioré pour que tous les savoirs soient véritablement réunis au moment de l'expertise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion