Intervention de Charles Rodwell

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles Rodwell, rapporteur pour avis :

Je tire une leçon majeure des auditions : le commerce extérieur est un combat économique, industriel et social, mais c'est aussi un combat politique parce que l'État a un rôle clé à jouer pour rétablir l'équilibre de notre balance commerciale.

Notre majorité y prend toute sa part ainsi qu'en témoigne le lancement du plan « Osez l'export ! » à la rentrée. À titre personnel, je suis très heureux et honoré d'avoir animé avec Sophia Chikirou le groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l'exportation et à l'attractivité des investissements étrangers en France, puis d'avoir été chargé par la Première d'une mission sur l'attractivité de la France en matière d'investissements étrangers.

Pour commencer, une bonne nouvelle : en 2023, nous avons réduit notre déficit commercial de 50 milliards d'euros. Cette baisse de plus d'un tiers en un an, après une année 2022 qui a été record, a des causes conjoncturelles mais aussi structurelles, j'y reviendrai. Le nombre d'exportateurs en France a atteint un record : près de 150 000 au premier semestre 2023.

Nous sommes déterminés à continuer de rétablir l'équilibre de notre balance commerciale, d'abord, en renforçant notre indépendance énergétique – nous avons massivement réduit la facture de nos importations d'énergie, qui avait triplé en 2022, et nous allons continuer –, ensuite, en menant une politique industrielle d'attractivité et d'export sans égal depuis sept ans.

C'est ce que traduisent les moyens budgétaires record que nous consacrons à la réindustrialisation de la France mais aussi au commerce extérieur dans ce projet de loi de finances. Je retiens deux chiffres : 429 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 185 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits permettent, d'une part, de stabiliser la subvention allouée à Business France, notre opérateur en matière d'export et d'attractivité dans la durée, et, d'autre part, de rémunérer Bpifrance assurance export dans le cadre de la convention pluriannuelle qu'elle a signée – c'est une bonne nouvelle. Ces crédits stables et ambitieux me semblent répondre aux besoins des acteurs publics concernés. J'émettrai donc un avis favorable à leur adoption.

Nous avons certes commencé le rétablissement de l'équilibre de notre balance commerciale, dont le ministre de l'économie et des finances a fait l'un des enjeux clés des dix ans qui viennent, mais un très long chemin reste à parcourir. Pour toucher au but, il est fondamental d'aligner totalement notre politique d'attractivité et d'export sur la politique industrielle de la France. Ceci implique de concentrer nos moyens sur nos priorités, qu'elles soient sectorielles ou géographiques. C'est la principale conclusion que Sophia Chikirou et moi-même avions tirée du travail que nous avions mené conjointement.

Les propositions que je soumets dans mon avis budgétaire sont la traduction budgétaire et financière des propositions de notre groupe de travail : au nombre de six – trois pour mobiliser nos capitaux publics ; trois pour mobiliser nos capitaux privés –, elles sont destinées à concentrer nos moyens sur nos priorités à l'export.

Première proposition sur nos capitaux publics, il est essentiel de transformer les indicateurs de performance de nos opérateurs pour passer d'une logique purement quantitative – le nombre de projets, quelles que soient leurs qualités – à une logique profondément qualitative. Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de Business France constitue à cet égard une très bonne première étape.

Deuxième proposition, il faut donner à tous nos opérateurs une vision pluriannuelle de leur budget. C'est le cas pour Bpifrance depuis plusieurs années, cela doit l'être aussi pour Business France et nos autres opérateurs. Ils disposeront ainsi d'une meilleure visibilité et pourront plus aisément s'aligner sur notre politique industrielle. Je propose de le formaliser dès le projet de loi de finances pour l'année 2025 après des travaux approfondis avec l'ensemble des opérateurs.

Troisième proposition, elle concerne l'aide au développement (APD) qui constitue un enjeu fondamental, tant pour nos politiques de développement que pour notre commerce extérieur. Il est temps d'assumer un principe de préférence pour les entreprises françaises dans les critères d'attribution de l'APD.

Ensuite, comment mobiliser les financements et les capitaux privés au service de notre commerce extérieur ? D'abord en assouplissant l'assurance à l'export. Aujourd'hui encore de trop nombreuses entreprises sont bridées dans leur volonté d'export faute de pouvoir s'assurer en raison d'une mauvaise application du principe de subsidiarité. Nous proposons d'assouplir le cadre pour offrir plus d'assurances prospection et d'assurances crédit à nos entreprises qui exportent. C'est bon pour nos opérateurs, notamment Bpifrance, et la direction générale du trésor (DG Trésor) qui pourront assurer davantage d'entreprises à l'export ; c'est bon pour nos entreprises et leurs salariés qui pourront partir à la conquête de davantage de marchés, c'est bon pour nos finances publiques – l'assurance-crédit rapporte plusieurs centaines de millions d'euros par an à l'État.

Deuxième proposition, il faut sécuriser le financement de CCI France et de son réseau qui joue un rôle crucial dans l'accompagnement de nos entreprises à l'export. Je soutiendrai donc les amendements de notre majorité visant à instituer un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Les CCI doivent contribuer à l'effort budgétaire mais sans remettre en cause la qualité de leur accompagnement.

Dernière proposition, les entreprises françaises, qui veulent investir en France, méritent d'être encore mieux accompagnées. D'abord en faisant de Business France l'agence d'attractivité globale pour la France. On est dans une situation presque schizophrénique dans laquelle Business France accompagne les entreprises étrangères mais n'a pas mandat pour être aux côtés des entreprises françaises qui veulent relocaliser ou investir dans une autre région. Business France doit accompagner les entreprises françaises et disposer des ressources nécessaires pour cela. C'est l'un des objets phares de la mission que je mène actuellement.

Ces six propositions servent un seul et même objectif : aligner une politique d'attractivité et d'export sur notre politique industrielle pour rétablir l'équilibre de notre balance commerciale dans les années qui viennent. C'est un combat prioritaire pour le Gouvernement pour la décennie qui vient, et nous le mènerons aussi ici au Parlement.

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