Intervention de Christian Baptiste

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Baptiste, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

À l'instar de mon collègue Tematai Le Gayic, je dois l'avouer, je nourris une certaine déception à l'égard du budget des outre-mer qui nous est proposé cette année par le Gouvernement. Cette déception est à la fois profonde et regrettable : profonde, car au-delà des chiffres, le budget des outre-mer est censé traduire les moyens nécessaires à la protection et à l'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes ; regrettable, car depuis le début de cette législature, les députés ultramarins et bien d'autres n'ont cessé d'alerter le Gouvernement sur les divers problèmes que rencontrent nos territoires. Or, une fois de plus, ce budget nous donne l'impression que nous ne sommes pas entendus, et pour cause : en dépit de la progression des crédits, le compte n'y est pas.

La hausse des crédits de paiement (CP) et des autorisations d'engagement (AE) reste toute relative en comparaison de l'inflation – près de 5 % cette année. Pis, l'écart des prix à la consommation entre les départements et régions d'outre-mer (Drom) et la France hexagonale continue d'augmenter : une étude de l'Insee, fondée sur des données recueillies en mars et en avril 2022, estime que le niveau général des prix à la consommation est supérieur de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,8 % en Martinique, de 13,7 % en Guyane, de 8,9 % à La Réunion et de 10,3 % à Mayotte – hors loyers dans ce dernier département. Parce que nous partons de très loin, nos territoires mériteraient un rattrapage économique important leur permettant de développer leurs infrastructures et de sortir de la misère les 40 % de la population qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Sur la question de la vie chère, l'absence de réponse de l'exécutif est alarmante. Le dispositif du bouclier qualité prix (BQP) est insuffisant, alors qu'une mesure de blocage des prix des produits de première nécessité, sur la base de l'article L. 410-2 du code du commerce, apporterait une réponse directe et efficace à nos concitoyens.

La hausse des crédits du programme 138, Emploi outre-mer, masque la chute, que nous déplorons, des crédits de l'action 04, Financement de l'économie, de 33 % en AE et de 34 % en CP, en particulier de l'aide au fret. Comment expliquer une telle décision politique dans un contexte inflationniste où nos concitoyens subissent de plein fouet les surcoûts liés à la double insularité, parfois même à la triple insularité ? Elle est à rebours de l'évolution économique actuelle. Sur ce sujet, nous présenterons l'amendement n° 3131 .

En ce qui concerne le programme 123, Conditions de vie outre-mer, nous appelons à la vigilance au sujet des crédits de l'action 01, Logement. Contrairement à l'année dernière, les documents du Gouvernement ne présentent aucun objectif chiffré en matière de constructions. Nous avons pourtant sollicité la direction générale des outre-mer (DGOM) et l'Union sociale pour l'habitat outre-mer, un acteur important, a regretté l'absence de données précises. L'objectif de 5 000 logements sociaux est reconduit en 2024 comme en 2023 alors que, nous le savons, il est insuffisant. Nous nous interrogeons in fine sur la possibilité d'une programmation pluriannuelle pour cette action, qui permettrait aux acteurs de s'organiser dans la durée.

Enfin, la tempête Philippe et l'ouragan Tammy – qui a récemment touché les Antilles et plus particulièrement la Guadeloupe – rappellent la vulnérabilité de nos territoires face aux aléas climatiques, dont la fréquence et l'intensité ne cessent de croître. En ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, je ne peux accepter que le fonds de secours soit à moyens constants cette année. Nous vous proposerons de remédier à cette anomalie avec l'amendement n° 3167 , adopté par la commission des finances.

Les amendements dont nous aurons à discuter tout à l'heure reprennent, pour beaucoup d'entre eux, les conclusions d'importants travaux du Parlement, qu'ils proposent d'appliquer à ce budget. Je tiens à mentionner, en outre, les travaux de la délégation aux outre-mer et de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, sans oublier le rapport d'information sur l'évaluation des dispositifs d'ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines, que j'ai rédigé avec ma collègue Karine Lebon – je tiens à la saluer tout particulièrement – à l'occasion du Printemps de l'évaluation.

En l'état actuel des choses, j'exprime un avis défavorable sur le projet de budget pour l'outre-mer qui nous est soumis par le Gouvernement. Toutefois, je me réserve la possibilité de réviser ma position selon le sort réservé à nos amendements.

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