Intervention de Roland Lescure

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires économiques

Roland Lescure, ministre délégué :

Monsieur Jumel, nous ne régulerons pas. Je ne déciderai pas du prix de l'énergie en négociant avec vous, parce que ce n'est pas comme cela que ça se passe. Le prix de l'énergie dépend de très nombreux paramètres : les enjeux opérationnels, le niveau de l'offre et de la demande, le nombre de méthaniers, la disponibilité du gaz norvégien, la capacité d'EDF à produire, etc.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé au sujet du foncier, qui est un élément essentiel de notre stratégie. Le foncier, c'est le nerf de la guerre. Nous avons besoin de plus de foncier industriel pour attirer du capital. La première chose que me demandent les investisseurs internationaux quand ils arrivent dans mon bureau, c'est s'ils vont trouver un terrain. On est en train de référencer et de qualifier tous ces terrains, y compris ceux qui n'appartiennent pas directement à l'État mais à des entreprises nationales comme la SNCF, avec lesquelles on peut négocier. Il faut que nous gardions notre première place, que nous maintenions l'attractivité de la France. Nous le ferons en trouvant du foncier, en le qualifiant et en simplifiant nos procédures, qui restent plus longues que chez certains de nos voisins. Il faut dix-sept mois en moyenne entre le dépôt d'un dossier et son adoption en France, contre six à neuf mois en Allemagne.

Il faut continuer d'encourager les investissements, les installations et la réindustrialisation en milieu rural et dans les territoires éloignés, comme les Ardennes. Nous avons déjà fait beaucoup et il faut continuer. Je rappelle que 70 % des emplois créés par Territoires d'industrie l'ont été dans des petites et moyennes villes. Il est vrai qu'il est plus facile d'organiser la réindustrialisation et la requalification d'industries en déshérence dans des territoires où le taux de chômage est de l'ordre de 5 ou 6 % que dans des territoires où il est très élevé.

Vous m'avez posé beaucoup de questions sur l'emploi, la formation et la nécessité de trouver les ingénieurs, les soudeurs et les techniciens qui nous manquent. Il y a 70 000 emplois à pourvoir dans l'industrie : c'est un défi majeur.

Le chantier de la réforme de l'enseignement professionnel a été lancé – Carole Grandjean, ma collègue chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, a annoncé la semaine dernière plusieurs mesures. Les lycées, qui forment essentiellement aux métiers du tertiaire, doivent se réorienter vers ceux de l'industrie. Il faut donner aux jeunes l'envie de travailler dans l'industrie et convaincre les jeunes filles que les métiers du secteur, désormais moins pénibles et souvent d'une très grande précision, leur sont ouverts – la main-d'œuvre doit se féminiser, certaines entreprises mènent d'ailleurs une politique très active de recrutement de femmes.

Les représentants des organisations syndicales de Duralex m'ont expliqué qu'ils souhaitaient utiliser les périodes de chômage partiel – dont ils comprennent la nécessité et qui, au passage, n'occasionneront pas de pertes de revenus – pour se rendre dans les lycées professionnels, parler de la verrerie, de leur entreprise et s'attirer ainsi les recrues du futur. Il faut donner envie d'industrie, former les jeunes, requalifier les employés des industries en déclin pour les orienter vers celles du futur.

Nous ne remettrons pas en place le dispositif généralisé d'activité partielle ; ce serait donner à boire à beaucoup d'animaux qui n'ont pas soif. Mais nous conservons cette possibilité pour des circonstances très particulières. Il revient alors à la direction de l'entreprise de négocier avec les organisations représentatives sur la manière dont elle compte compenser, au-delà des 70 % pris en charge par l'État, le chômage partiel. Il nous arrive d'intervenir de manière assez ferme et de rappeler l'existence d'outils pour compléter la rémunération des salariés. Ainsi, la prime de partage de la valeur (PPV), votée cet été en remplacement de la prime Macron, défiscalisée et désocialisée, permet de compenser et de garder les salariés – un défi majeur dans certains territoires. Le taux de prise en compte du chômage partiel, dans les entreprises avec lesquelles j'ai échangé, se situe ainsi entre 85 % et 105 %.

La fin du moteur thermique est programmée pour 2035 ; nous devons profiter de cette décroissance pour développer une industrie européenne et française de la batterie, décarbonée. Conformément à la directive européenne, l'ensemble du cycle de vie des batteries doit être soumis à des critères de production durable – depuis les matériaux entrant dans la composition, comme le lithium, jusqu'au recyclage des batteries. Dans ce dernier domaine, pensez à rappeler aux entreprises qui seraient intéressées l'existence de deux programmes européens de financement.

Que nous parlions de souveraineté, de politique énergétique ou de politique industrielle, je pense que l'Europe fait partie de la solution. Bien sûr, tout le monde ici n'est pas d'accord ; c'est une des différences fondamentales qui nous opposent. Pour moi, l'Europe fait partie de l'avenir de la France et la France fait partie de l'avenir de l'Europe. C'est cette solidarité qui fait qu'aujourd'hui, nous avons de l'électricité grâce à l'énergie allemande et que, dans quelques mois, à notre tour, nous en exporterons outre-Rhin.

Il faudrait attendre encore pour s'opposer au plan Vélo 2, dont les détails ne seront annoncés que dans quelques semaines. Nous souhaitons continuer à réindustrialiser la filière, qui voit le développement d'entreprises très dynamiques. Le plan Vélo 1 a été annoncé il y a quatre ans, jour pour jour, par la ministre des transports de l'époque, Élisabeth Borne ; depuis, les 300 millions d'euros, prévus sur six ans, ont été dépensés. Le plan Vélo 2 sera, lui, doté de 250 millions en 2023. Aujourd'hui, en France, on assemble des vélos mais on n'en produit pas assez. Sur les 2,7 millions de vélos vendus, 800 000 ont été assemblés sur le territoire. Je souhaite que la production de vélos atteigne, très rapidement, 1 million d'exemplaires.

Vous m'avez interpellé sur plusieurs cas particuliers. J'ai rencontré l'actionnaire, la direction, les salariés et les organisations syndicales du verrier Arc. L'attachement à cette entreprise, qui emploie 4 900 personnes, ne fait aucun doute, mais tout le monde comprend que la forte hausse du prix du gaz impose la mise en veille de quelques fours et la fermeture définitive du mythique four D, situé trop loin de l'usine. L'État s'est montré présent en consentant 130 millions d'euros de prêts directs depuis le début de la crise sanitaire et en compensant l'activité partielle à hauteur de 70 %. Je continue à suivre cette entreprise qui nous est chère.

La situation de Scopelec, présente dans de nombreux départements, retient l'attention de beaucoup de monde. En novembre 2021, Orange a annoncé qu'elle ne souhaitait pas reconduire 65 % de ces contrats avec Scopelec, estimant, et c'est là son droit, que le groupe n'avait pas honoré une partie de ses engagements en raison de difficultés opérationnelles – de fait, le déploiement du plan Fibre a subi beaucoup de retards et est incomplet, ce que vous êtes nombreux à dénoncer. Cette décision a entraîné pour Scopelec la perte de 40 % de son chiffre d'affaires. La nouvelle direction – le changement a été sans doute trop tardif – est prête à redresser l'entreprise. Il revient à Orange de décider si elle est prête à accompagner l'entreprise, sur la base d'un plan d'affaires crédible. De son côté, l'État a pris des engagements financiers : nous sommes prêts à abandonner plus de 50 millions d'euros de passif public, à condition que les deux entreprises s'entendent. Le tribunal se réunit dans quelques jours ; nous suivons la situation de très près.

Le plan qui a été décidé à la suite de la vente d'Alstom à General Electric n'est pas remis en cause. On construira sur le site de Loire-Atlantique des locomotives à hydrogène et le TGV du futur. La SNCF a déjà commandé quinze TGV et plusieurs contrats compenseront les ventes destinées à l'Ukraine.

Le groupe Exxelia était détenu jusqu'à présent par un fonds anglais, ce qui n'a pas empêché l'État de s'assurer que notre souveraineté, dans le domaine, était respectée. Je rappelle que la procédure de contrôle des investissements étrangers en France a été étendue à de nouveaux secteurs, dont celui qui intéresse cette entreprise, et que l'État exerce son droit de regard. L'existence potentielle d'éléments confidentiels ne m'autorise pas à commenter plus avant le dossier mais je pourrai en rendre compte une fois la procédure close.

La souveraineté, en matière d'accès à l'eau potable, est un enjeu important. Nous soutenons, à hauteur de 10 millions d'euros, le projet de décarbonation d'une entreprise, installée à Pont-à-Mousson, qui fabrique des canalisations. Cette demande avait été faite dans le cadre du plan France Relance – dépêchez-vous, le guichet sera bientôt fermé.

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