Intervention de Sandrine Rousseau

Réunion du mardi 31 octobre 2023 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau :

Le calendrier de l'examen de ce PLF est étrange. Alors que nous avons voté hier les crédits de la mission Travail et emploi en commission des finances, nous n'auditionnons qu'aujourd'hui le ministre sur ceux-ci. Il fait par ailleurs peu de doutes que vous recourrez au 49.3 pour ce texte.

La mission Travail et emploi porte sur les crédits permettant de déployer les politiques publiques pour l'emploi, la formation professionnelle et le travail. Elle est fondamentale, au vu de la triste réalité du travail dans notre pays : 9 millions de personnes vivent en situation de précarité, avec moins de 1 100 euros par mois ; 38 % des chômeurs vivent sous le seuil de pauvreté ; 390 000 personnes ont cessé d'être comptabilisés au titre du chômage sans pour autant trouver un emploi, durant le premier trimestre de 2023 ; 17 % des jeunes vivent du RSA. Les personnes seules avec une personne à charge constituent 32 % des allocataires du RSA – il s'agit évidemment majoritairement de mères de familles monoparentales. Un jeune actif sur cinq âgé de 20 à 24 ans se trouve sans emploi – ce chiffre a été multiplié par deux en quatre ans. En outre, 37 % des actifs occupés français déclarent que leur travail est insoutenable. Ces chiffres renvoient à la multiplication des travailleurs pauvres, des chômeurs de longue durée, des difficultés d'accès à l'emploi pour les jeunes, autant de problèmes dont le Gouvernement ne se préoccupe pas, car il est obnubilé par la baisse du taux de chômage.

Venons-en à celle-ci. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la diminution du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A entre le quatrième trimestre de 2022 et le premier trimestre de 2023 s'accompagne d'une augmentation de celui des demandeurs d'emploi des catégories B et C. Ainsi, la France ne connaît pas le plein emploi, mais le mal emploi, marqué par la précarisation croissante du travail, l'explosion des contrats courts et la stagnation des salaires.

France Travail est présenté comme la solution à tous les problèmes par le Gouvernement. Les personnes éloignées de l'emploi ou en difficulté d'insertion sociale seront massivement inscrites en tant que demandeurs d'emploi auprès de cet organisme. Vous promettez que cet organisme permettra de renouveler le service public de l'emploi, afin d'accompagner aux mieux les usagers, selon leurs besoins. Vous cachez qu'il vise en réalité à piloter le marché du travail pour faire coïncider à marche forcée l'offre et la demande, quelle que soit l'offre et quelle que soit la demande.

Pendant l'intégralité de l'examen du projet de loi pour le plein emploi, nous vous avons demandé quels moyens vous comptiez débloquer pour financer le déploiement de « l'accompagnement intensif » que vous chérissez tant. Nous avons la réponse : vous créerez 300 ETP en 2024 ; vous ponctionnerez davantage l'Unedic ; vous maintiendrez inchangé le montant de la subvention pour charges de service public versée par l'État, à 1,25 milliard d'euros, dont 300 millions d'euros seront affectés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; vous ouvrirez en outre une enveloppe de 170 millions d'euros au titre de la contractualisation avec les conseils départementaux pour le déploiement des expérimentations visant à intensifier l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Ces moyens sont largement en deçà des besoins. Le Gouvernement lui-même reconnaît que la réforme du service public de l'emploi coûtera entre 2,3 et 2,7 milliards d'euros. Où sont-ils ? Actuellement, le ratio est d'un conseiller pour quatre-vingt-dix-huit inscrits à Pôle emploi. Il faudrait 40 000 conseillers supplémentaires pour accompagner correctement les 2 millions d'allocataires du RSA. Où sont les créations de postes nécessaires ?

Enfin, pourquoi ponctionner davantage l'Unedic, alors que cette dernière est déjà lourdement endettée et sera obligée d'emprunter à court terme sur les marchés pour honorer ses échéances de paiement, ce qui devrait lui coûter près de 800 millions d'euros durant les quatre prochaines années ? Monsieur le ministre, où sont les milliards nécessaires ? Ils sont absents, les masques tombent, le manque de moyens met en lumière la réalité de la réforme de l'assurance chômage : toujours plus de contraintes, toujours plus de pression, toujours moins d'accompagnement et de solidarité.

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