Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 21h30
Conférence sur l'avenir de l'europe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

L'Europe s'est bâtie, après la seconde guerre mondiale, sur un pilier : la paix. La guerre en Ukraine ébranle cette idée, et je crois que les nouvelles générations n'adhéreront plus au projet européen pour la seule raison que l'Europe nous protégerait à tout jamais des conflits.

Depuis le déclenchement de cette guerre, on a vu à quel point l'Union européenne peinait à avancer sur des sujets aussi importants que la défense ou la politique extérieure communes. La crise du covid-19, qui avait confronté nos systèmes de santé à de grandes difficultés, avait également mis à l'épreuve notre modèle de coopération et de solidarité européenne. Certes, ce fut l'occasion de desserrer, pour la première fois, le corset du pacte budgétaire et de mettre en place un emprunt commun pour relancer l'activité, mais nous avons aussi pu constater que l'Europe était incapable de rompre avec le paradigme libéral sur lequel elle avait été fondée comme de sortir d'une logique de dépendance économique, alors que la mondialisation avait mis à mal la production d'une série de produits essentiels, notamment de médicaments, dans nos pays.

Toutes ces crises ont révélé que le modèle de l'Union européenne est profondément ébranlé – je suis d'ailleurs plus attaché au projet européen qu'à l'organisation en tant que telle.

Depuis plusieurs années, nous faisons face à d'autres difficultés. L'Union est prise de crispations et d'hésitations sur des sujets tels que l'aide aux Palestiniens ou l'accueil des réfugiés – des sujets qui renvoient à la crise identitaire qui frappe les pays membres. Un populisme d'extrême droite, qui surfe sur cette crise identitaire, progresse dans tous nos États-nations, et l'Union européenne ne répond pas vraiment au problème. L'idée internationaliste, qui insiste sur l'intérêt de mettre des institutions en commun et sur la nécessité de dépasser son lieu de naissance pour essayer de construire des choses ensemble, ne convainc plus.

Toutes ces lacunes doivent nous faire réagir, nous qui sommes attachés au projet européen ; elles doivent nous forcer à réfléchir. Le couple franco-allemand dont on a souvent fait le moteur de l'Union européenne, capable de la mettre en mouvement et faire progresser, est en panne – pour ne pas dire plus. La Conférence sur l'avenir de l'Europe était certes prometteuse, mais elle n'a pas répondu aux attentes des peuples européens. Il faut donc réviser le processus de prise de décision. Nous, écologistes, avons toujours souhaité aller vers une intégration européenne plus large, mais nous nous interrogeons sur les risques d'une adhésion trop rapide ; ce débat, déjà ancien, existe dans plusieurs pays de l'Union.

Révisons les traités européens pour pouvoir enfin donner au Parlement européen la place qu'il mérite et sortir du principe d'unanimité qui nous freine, mais demandons-nous aussi s'il nous faut construire un nouveau traité pour approfondir davantage la démocratie européenne. Il faut en particulier revoir les dispositions qui font penser à nos concitoyens que l'Europe est surtout là pour serrer la bride des États quand ils décident de lancer des politiques de relance, des politiques sociales, des politiques de progrès. Si nous restons coincés dans le paradigme néolibéral, nous n'arriverons pas à convaincre nos concitoyens qu'il faut une démocratie européenne plus forte et que c'est la réponse supranationale, internationaliste, qui nous permettra de parer aux grands défis que nous vivons.

Le groupe Écologiste soutient l'intégration européenne ; nous souhaitons d'ailleurs un agenda économique, social et écologique beaucoup plus ambitieux. Cependant nous sommes à un moment crucial où il nous faut nous demander si l'Union européenne a répondu à nos attentes. Avant d'élargir encore son périmètre, comment pouvons-nous la rendre plus démocratique, plus intégrée, plus accomplie ? Nous devons poser les bonnes questions, qui permettront à l'idée européenne de rester une idée d'avenir pour les générations futures.

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