Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 9h00
Souveraineté de la france nationalité immigration et asile — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Nous en concluons que le droit ordinaire peut être modifié partout sur le territoire de la République. Vous auriez donc dû présenter une proposition de loi ordinaire plutôt qu'une proposition de révision constitutionnelle. La preuve du pudding étant qu'on le mange, je précise que la commission des lois du Sénat et, plus récemment, sur proposition de Mme Estelle Youssouffa et de M. Mansour Kamardine, celle de l'Assemblée nationale, ont introduit une modification historique à l'application des droits du sol et du sang à Mayotte, sans que ces amendements aient été jugés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution – M. le président de la commission des lois pourra en témoigner. Là encore, j'espère que vous voterez le projet de loi ordinaire qui vous sera soumis la semaine prochaine : aucune jurisprudence constitutionnelle n'impose de changer la Constitution pour conduire une telle réforme.

Vous proposez d'instaurer des quotas limitatifs encadrant la délivrance des titres de séjour et des visas. Même si je n'écarte pas personnellement cette option, permettez-moi, monsieur le rapporteur, de m'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Cette disposition mériterait sans doute d'être réécrite ou, en tout cas, complétée, dans la mesure où elle soulève un certain nombre de questions, comme l'avait pointé Pierre Mazeaud dans son célèbre rapport de 2008, rédigé à la demande du président Sarkozy. Si les motifs juridiques de réserve sont nombreux, la question est aussi politique.

Partout dans le monde, chaque fois que l'idée de quota migratoire est avancée, elle s'appuie sur la comparaison avec d'autres pays – il n'existe aucun contre-exemple, même dans les Constitutions les moins démocratiques. Les Républicains, par exemple, évoquent souvent le Canada, qui a fait de la définition de quotas le principe clé de sa politique migratoire. Rappelons cependant la vérité : au Canada, les quotas ne sont pas conçus comme limitatifs : ils constituent des objectifs à atteindre. Le parlement canadien a fixé une cible de 500 000 nouveaux immigrés cette année. Les députés Les Républicains souhaitent-ils que nous fixions un objectif d'augmentation des flux migratoires ? Je suppose que non, mais le laxisme dont vous semblez faire preuve en prenant l'exemple du Canada n'est pas sans nous inquiéter.

Je constate d'ailleurs que le Rassemblement national s'est toujours exprimé contre les quotas migratoires. Leur inscription dans la Constitution ne semble donc pas être l'apanage de ceux qui veulent combattre vigoureusement l'immigration illégale, qui ne serait évidemment pas comptabilisée dans ce quota.

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