Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 9h00
Souveraineté de la france nationalité immigration et asile — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Dans ce contexte, et logiquement – on peut le regretter mais c'est un fait, qui découle mécaniquement de ce qui précède –, la Cour de Luxembourg a jugé qu'une règle de droit interne qui obligerait une juridiction nationale à saisir en priorité sa cour constitutionnelle ou à suivre la position de cette dernière ne saurait empêcher le renvoi d'une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), y compris, donc, en cas de QPC. En un mot, nos juges nationaux ont pleinement intégré le rôle qui était le leur : être les gardiens de la conventionnalité des dispositions nationales, qu'elles soient législatives, réglementaires ou constitutionnelles.

Dans ce contexte, l'exemple de la Pologne est intéressant, monsieur Ciotti, car elle a fait ce que vous proposez, ni plus ni moins. Votre texte tend à créer un nouvel ordonnancement juridictionnel, dans lequel un même juge serait soumis à des injonctions parfaitement contradictoires et incompatibles : il devra dans le même temps écarter le droit européen au profit du droit national – puisqu'une loi nationale permettra de faire primer la Constitution sur le droit conventionnel – et, conformément aux traités européens dont vous ne remettez pas en cause la place dans la même Constitution, faire primer le droit européen sur le droit national. Indubitablement, les esprits savants du Conseil d'État et de la Cour de cassation ne devront pas craindre de tomber dans la schizophrénie pour appliquer la proposition de loi constitutionnelle de M. Ciotti.

N'allez pas penser que cette crise constituera simplement un énième épisode, simplement plus rugueux, du dialogue des juges : elle se transformera en crise politique. Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'exemple de la Pologne. Permettez-moi de vous rappeler les principaux épisodes de la crise polonaise, qui s'est terminée par une défaite en rase campagne du gouvernement l'ayant provoqué, afin que l'Assemblée prenne conscience des prochaines étapes qui nous attendent à coup sûr si le Parlement adoptait votre proposition de loi constitutionnelle.

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