Intervention de Marie Lebec

Séance en hémicycle du mardi 16 janvier 2024 à 21h30
Position de la france sur les accords de libre-échange

Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement :

Quant à l'accord avec le Kenya, il constitue le premier accord de partenariat économique élevant l'accord de Paris au rang d'élément essentiel. Partant, il crée un précédent important dans la perspective des négociations en cours et futures avec d'autres pays de développement similaire. Comme vous pouvez le constater à travers ces exemples, la nouvelle approche européenne en matière de développement durable est progressivement déclinée dans les nouveaux accords et dans les négociations en cours.

La législation européenne permet aussi de lutter contre les fuites environnementales, c'est-à-dire le risque que le renforcement de la législation environnementale européenne conduise à des réallocations de production dans des pays moins disants en matière sociale ou environnementale. Je pense en particulier à l'entrée en vigueur en 2023 de deux règlements, l'un relatif au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), l'autre contre la déforestation et la dégradation des forêts, dit « zéro déforestation ». Ces avancées sont, pour une large part, le fruit de l'engagement de la France et de son dynamisme lors de sa présidence du Conseil de l'UE. C'est en effet sous cette présidence que le Gouvernement a fait reconnaître la possibilité, pour l'UE, d'appliquer aux produits importés de tout pays extérieur à l'Union certaines normes de production environnementales et sanitaires s'appliquant normalement à la seule production européenne, et ce dans le respect des règles de l'OMC. Ces mesures, que l'on appelle mesures miroirs, sont un outil essentiel de mise en cohérence de la politique commerciale avec nos objectifs environnementaux et sanitaires. Nous continuons donc de promouvoir l'adoption de telles mesures dans les législations européennes pertinentes au fur et à mesure de leur adoption ou de leur révision.

Enfin, et toujours sous l'impulsion de la France, la Commission européenne a intensifié son action pour lutter contre la concurrence déloyale et garantir une réciprocité effective, tout en s'assurant du respect des règles du commerce international. Alors que le système commercial international traverse une période de turbulences poussant nos partenaires commerciaux à multiplier les mesures protectionnistes, défendre nos entreprises et protéger nos intérêts stratégiques constituent des conditions essentielles de notre souveraineté. En 2022, grâce à l'action de la présidence française du Conseil de l'UE, deux nouveaux instruments permettant à l'Union de défendre ses entreprises contre les pratiques déloyales et abusives ont été adoptés : le règlement visant à promouvoir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics internationaux et le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.

La stratégie d'assertivité de l'UE a été complétée par l'entrée en vigueur, le 27 décembre, du règlement visant à aider l'UE et ses États membres à se protéger contre la coercition économique exercée par des pays tiers, qui permettra à l'UE de réagir fermement face aux actes de pression économique délibérés à son encontre ou à l'encontre de ses États membres. Cette plus grande mobilisation se traduit aussi par un recours aux instruments de défense commerciale dès que cela est nécessaire et pertinent. Telle est la stratégie de la Commission, que la France soutient pleinement.

Je tiens à rappeler ici le bien-fondé de cette approche : nous ne devons pas craindre un agenda commercial ouvert, tant qu'il reste équilibré. La France est un grand pays d'export et a vocation à le rester, car le rayonnement de ses entreprises assure aussi celui de ses valeurs. Il est de notre responsabilité de permettre aux entreprises françaises de s'ouvrir à de nouveaux marchés, de sécuriser les marchés existants, mais aussi, de plus en plus, de diversifier nos approvisionnements : on ne peut pas à la fois déplorer le déficit commercial français et refuser de donner de nouvelles opportunités à nos exportateurs ! Avec plus de soixante-dix pays partenaires, l'Union européenne dispose d'ailleurs du réseau commercial le plus vaste au monde. Toutefois, une ouverture équilibrée implique la préservation de nos intérêts, tant de manière offensive que défensive : les concessions effectuées sur les filières sensibles, notamment, doivent rester les plus limitées possibles – tel est le message constant adressé par la France à la Commission et aux autres États membres. Nous sommes particulièrement vigilants sur l'issue de chaque négociation.

Le rapport de suivi des filières sensibles établi dans le cadre de l'application du Ceta a d'ailleurs démontré que contrairement aux craintes exprimées par certains, l'impact de l'accord était très faible en la matière, mais globalement très positif pour nos exportations, et en particulier nos exportations agricoles. Les accords de commerce consolident ainsi la place occupée par la France et l'Union européenne sur les marchés internationaux.

Dans un contexte de dégradation du cadre commercial multilatéral, la conclusion d'accords de commerce permet de sécuriser nos relations commerciales avec les pays tiers ; elle est donc nécessaire. En 2022, les échanges commerciaux sur le marché intérieur européen et au grand export représentaient 73 % du PIB français, soit bien plus qu'avec la États-Unis ou la Chine, où ils ne représentent respectivement que 27 % et 38 %.

Il faut également conserver à l'esprit que l'essentiel du déficit de la balance commerciale de la France ne provient pas des pays avec lesquels l'Union Européenne a un accord de commerce, ni de l'Union européenne elle-même, mais bien des pays avec lesquels l'UE n'a pas d'accord de commerce, au premier rang desquels la Chine et les États-Unis. Les résultats des derniers accords adoptés sont d'ailleurs positifs : ils permettent une forte croissance de nos exportations. Par exemple, les exportations françaises en direction du Canada ont augmenté de 37 % depuis l'entrée en application provisoire du Ceta en 2017, tandis que les exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires vers le Japon, avec lequel l'Union européenne a conclu un accord en 2018, ont augmenté de 18 % en 2022 par rapport à l'année précédente. Dernier exemple : en 2022, notre excédent commercial structurel avec Singapour, pays avec lequel l'Union européenne a signé un accord en 2018, dépassait 6 milliards d'euros.

Pour autant, et malgré ces bons résultats, des axes d'amélioration sont possibles. Ainsi, les entreprises françaises n'utilisent pas pleinement les droits de douane préférentiels prévus par les accords : le taux moyen d'utilisation des préférences tarifaires par les entreprises françaises à l'export s'établissait à 76 % en 2021, soit légèrement en-dessous de la moyenne européenne de 79 %.

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