Intervention de Nathalie Sonnac

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Nathalie Sonnac, professeure à l'université Paris-Panthéon-Assas, ancien membre du CSA :

La seule rentabilité économique n'est pas l'unique critère pour un groupe médiatique. La marque, la notoriété, le positionnement importent. Il vaut mieux être « chez soi » plutôt que de laisser l'adversaire le faire. Tout investissement doit s'envisager dans la durée et dans la globalité. Certaines filiales d'entreprises sont moins performantes et rencontrent moins facilement leur public. De plus, le phénomène concurrentiel doit être pris en compte : aujourd'hui, on n'allume pas uniquement la télévision pour s'informer ou se divertir.

À l'heure actuelle, plus de 1 000 radios sont accessibles gratuitement. Toutes les chaînes de la TNT font face à une concurrence incroyable, à la fois des centaines de chaînes accessibles via le câble ou le satellite, mais aussi des milliers de chaînes disponibles sur YouTube, qui est la première plateforme de vidéos et d'accès à l'information pour les moins de trente ans. Cette concurrence entraîne ainsi plusieurs écueils. Du côté du modèle économique, une plus faible audience entraîne une désaffection des annonceurs et donc une diminution des moyens disponibles pour investir. Il s'agit d'une économie et le marché de la publicité est en tension.

Ces acteurs sont en concurrence sur un marché d'attention, un marché de la publicité, mais également sur le marché de l'innovation et de la technique. Depuis la réglementation et la transposition de la directive SMA, l'Arcom a vu ses compétences s'élargir dans le domaine du numérique et obliger les plateformes à participer au financement de la création, à l'instar des chaînes de télévision. Ainsi, 340 millions d'euros d'investissement ont été engagés. Ces sommes proviennent d'acteurs qui sont bien plus puissants, économiquement et financièrement que nos chaînes traditionnelles.

Si nous voulons conserver des médias puissants, ils doivent gagner de l'argent, mais aussi exister en matière culturelle, en matière de souveraineté numérique et de production de l'information, dans le cadre voulu par le législateur. Or cela n'est absolument pas le cas pour les autres acteurs. Ces acteurs disposent de chaînes parfois moins rentables que celles de leurs voisins, mais les médias ne se résument pas à cela : ils proposent aussi de l'information, un bien public, ce qui n'est pas le cas pour les plateformes. Or ce bien public est également fabriqué et produit par des chaînes privées. Il faut en avoir conscience au moment de légiférer.

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