Intervention de Jean-Claude Driant

Réunion du mercredi 31 janvier 2024 à 16h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable

Jean-Claude Driant, professeur émérite à l'École d'urbanisme de Paris :

Mon propos sur la crise du logement était très centré sur l'accession à la propriété. Une partie croissante des ménages à revenus moyens, voire inférieurs à la moyenne, pouvaient accéder à la propriété à la fin des années 1990 – période assez florissante de détente du marché – et donc libérer des logements sociaux, rendant ainsi le système plus fluide. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Vous avez raison de souligner qu'il faut trouver les moyens d'une accession à la propriété abordable. Mais l'accession très sociale à la propriété, dont il a pu être question, est une zone de fort risque, notamment en raison des risques d'endettement. Les ensembles immobiliers dans lesquels les problèmes sont les plus graves ne sont pas des ensembles de logements sociaux, mais des copropriétés ! Amener à la propriété des ménages qui n'en ont pas les moyens, c'est prendre un grand risque – on l'a vu à l'étranger. C'est une des grandes vertus du système français que d'être, jusqu'à aujourd'hui et pour l'essentiel, resté prudent.

Un des moyens de rendre un peu de fluidité au logement social est effectivement de développer des formes d'accession sociale à la propriété. Le BRS est une des formules possibles.

Cela ne fait pas disparaître le besoin de construire des logements sociaux. C'est d'ailleurs une autre vertu du système français : ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier et continuer à développer les trois grands secteurs du logement (accession à la propriété, logement social et logement locatif privé) grâce aux systèmes de défiscalisation que j'évoquais.

La demande de logement social reste forte. Ce n'est pas parce qu'on en a construit qu'il y a davantage de demandes, mais parce qu'il y a plus de ménages qui ont du mal à se loger sur le marché privé.

Vous évoquez la question de la sous-occupation. Le problème est réel – avec d'immenses disparités territoriales. À Nevers, ce n'est pas un problème : au contraire, on est plutôt content d'avoir des locataires ! Mais là où le marché est très tendu, il faut effectivement s'en préoccuper. C'est de la technique : il faut faire en sorte qu'un locataire ne paye pas plus cher un T3 qu'un T4 – c'est la moindre des choses. Il ne faut pas non plus penser qu'une veuve seule dans un T4 va déménager dans un studio : elle a des meubles, elle veut recevoir ses petits-enfants et c'est légitime.

Il faut donc développer des mesures techniques, et mener un travail de conviction. Certains organismes de logement social le font, mais les résultats demeurent modestes.

Faut-il réfléchir au droit au maintien dans les lieux ? Est-ce justifié partout, pour tous les ménages ? Je n'ai pas la réponse, c'est un problème qu'il faut mettre sur la table. Mais je suis inquiet : comment dire à un ménage qu'il doit partir parce qu'il a dépassé un plafond de ressources, alors que cela signifie pour lui une explosion des temps de trajet, par exemple ? Ce n'est pas simple.

Le problème, encore une fois, est que même si l'on construit, l'offre recule. Pour seulement rester au niveau d'offre d'il y a vingt ans – sans parler d'un niveau optimal, que l'Île-de-France n'a jamais connu – il faut construire davantage et des logements de qualité.

Je disais que 65 % des ménages sont éligibles au logement social : c'est vrai si l'on s'en tient au critère des revenus, mais c'est en réalité la moitié, car la moitié de ces ménages sont propriétaires et ne sont donc pas éligibles. Le chiffre réel est d'un peu plus de 30 %, davantage dans la métropole parisienne où les locataires sont plus nombreux.

La majorité de la demande est composée de personnes seules – jeunes, séparées ou divorcées, âgées… Or l'offre de logement de deux pièces est insuffisante. Les studios ne conviennent pas vraiment, car une personne seule ne le reste souvent pas. Mais le logement social est aujourd'hui majoritairement composé de logements de trois ou quatre pièces. Il faut donc compléter la production avec les logements petits qui manquent aujourd'hui.

Les raisons de produire sont donc nombreuses, d'autant qu'il faut oublier l'image des HLM des années 1960 et 1970, celle des tours et des barres – même si elles rendent encore bien des services. Les logements sociaux construits aujourd'hui sont beaux, de qualité. Leur gestion est professionnelle et, là aussi, globalement plutôt de qualité.

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