Intervention de Tristan Malle

Réunion du jeudi 8 février 2024 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Tristan Malle, secrétaire général du Syndicat général des journalistes-Force ouvrière :

Je partage complètement les propos de mon camarade sur la faiblesse des grilles de salaire. Les négociations salariales qui sont intervenues dans les branches au cours de l'année passée se sont parfois traduites par une stagnation et au mieux par une hausse de 2,5 % à 3 %, en dépit de l'inflation considérable. Du fait d'un alignement systématique des plus bas salaires sur le Smic et puisque les salaires plus élevés n'augmentent pas autant que le Smic, les évolutions de carrière sont de moins en moins attractives. Dès lors, il sera de plus en plus difficile d'attirer de nouveaux journalistes. Je partage également les remarques sur la nécessité de respecter le code du travail dans les entreprises de presse.

La suppression de la redevance a effectivement été dramatique. En tout état de cause, le financement par la TVA de l'audiovisuel public accentuera encore plus les problèmes. De même, la politique consistant à ramener sans arrêt l'audiovisuel public à la portion congrue n'est pas acceptable. À ce titre, le projet d'une « BBC à la française » ne fera qu'accompagner les suppressions d'antennes, voire de chaînes.

Nous considérons par ailleurs que la loi sur la protection des sources n'est vraiment pas adaptée, dans la mesure où elle la limite en cas d'« impératif prépondérant d'intérêt public ». Cela n'a pas pour autant empêché Mme Lavrilleux d'être mise en garde à vue et de voir ses ordinateurs saisis. La loi sur le secret des affaires pose également problème, puisqu'elle peut conduire un tribunal de commerce à tenter d'identifier les sources des journalistes.

En matière de délits de presse, de nombreuses modifications sont intervenues et ont même intégré pour certaines le code pénal. La loi de 1881, qui permettait l'expression libre, est totalement détricotée. Sans elle, la situation est plus compliquée pour les journalistes.

Vous avez également évoqué la reconnaissance juridique des sociétés de journalistes. Je redoute que la reconnaissance juridique accordée à des structures qui ne sont pas forcément démocratiques – car on ne sait pas qui y adhère – ne s'effectue au détriment des organisations syndicales représentatives. En outre, nous avons appris il y a quelques jours, lors du discours de politique générale, qu'une deuxième phase de simplification du code du travail allait être mise en œuvre. Parmi les pistes évoquées figure la remise en cause de la priorité accordée aux organisations syndicales de se présenter au premier tour des élections professionnelles. Si cette modification intervient, elle se traduira par un nouvel affaiblissement des processus démocratiques dans l'entreprise.

Nous n'avons effectivement été invités à nous exprimer qu'à une seule reprise dans le cadre des États généraux de l'information, devant le groupe de travail n° 3. Les confédérations et les représentants de certains syndicats de journalistes ont été reçus par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Mais c'est à peu près tout. Par exemple, nous n'avons pas reçu de comptes rendus officiels des conventions citoyennes. Nous sommes ravis d'être conviés aujourd'hui par votre commission, mais notre mise à l'écart des travaux des EGI demeure étrange.

Les demandes et revendications sont noyées dans un maelstrom d'intérêts particuliers, divers et variés, mais elles ne sont pas entendues. La confiance des Français dans les médias est importante, elle est même nécessaire. Je ne suis pas particulièrement favorable à une protection spécifique pour les journalistes ni à un statut particulier. Nous sommes des salariés, dont le métier est de faire de l'information. Je demande au Gouvernement de nous donner des garanties suffisantes pour que nous puissions travailler dans des conditions sociales satisfaisantes ; donnez-nous des effectifs, arrêtez de supprimer des emplois, respectez notre liberté professionnelle et la liberté d'informer en général.

Le Gouvernement peut également prendre des mesures économiques. Je suis par ailleurs favorable au conditionnement des aides à la presse au respect d'un certain nombre d'exigences en matière sociale. Aujourd'hui, le principal bénéficiaire des aides à la presse est tout de même M. Bernard Arnault, dont nous savons à quel point il est nécessiteux. Ceci m'apparaît pour le moins un peu étrange.

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