Intervention de Béatrice Roullaud

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2024 à 16h00
Sécurité des élus locaux et protection des maires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Roullaud :

Atteints jusque dans leur vie privée et dans leur cercle familial, les maires démissionnent en cascade : on recense désormais 40 démissions par mois, contre 30 par mois entre 2014 et 2020, et on note une crise de l'engagement. Ainsi, 55 % des maires envisagent de ne pas se représenter en 2026. Le rapport d'information sénatorial rendu en 2019 par Philippe Bas, selon lequel 92 % des élus avaient déjà subi des incivilités, des injures, des menaces ou des agressions physiques, conjugué à l'aggravation des violences, a sans doute été l'un des moteurs de cette proposition de loi. Les chiffres du ministère de l'intérieur et des outre-mer sont alarmants : en 2023, ils enregistrent une hausse de 15 % des atteintes aux élus par rapport à 2022. Dans ce contexte, il était plus qu'urgent d'agir !

Bien sûr, le texte aurait pu viser d'autres victimes que les seuls élus. Son champ d'application aurait pu être plus étendu et englober les violences faites à tous les représentants de l'autorité de l'État et à ceux qui les accompagnent quotidiennement, collaborateurs compris. Laissez-moi vous citer l'exemple du petit village de Chambry, dans ma circonscription, où le maire, entouré d'une partie de son équipe municipale, a été agressé dans sa mairie par un administré, qui, vociférant et passant en force, lui a asséné un violent coup de poing au visage au motif que la nettoyeuse qui arrosait la rue passait trop près de sa maison. On le voit, la protection de l'entourage du maire aurait pu être utile dans ce cas. Monsieur Dominique Delahaye, je profite de cette tribune pour saluer votre courage et votre sang-froid, ainsi que ceux de tous les maires de France.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais reste insuffisante. On regrette que le texte n'aille pas aussi loin que ce qui était attendu. Ainsi, vous avez écarté l'amendement prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les agressions commises contre les élus : il nous aurait éclairés de manière détaillée. Laxisme oblige, comme dans d'autres domaines pour lesquels cette disposition serait pourtant indispensable si vous vouliez réellement agir contre l'insécurité, vous avez refusé de créer des peines planchers. Vous n'avez pas non plus voulu engager une réflexion sur l'attribution automatique de la protection fonctionnelle à tous les élus, y compris aux élus des oppositions, qui sont les plus fragiles. Enfin, vous avez refusé que la totalité des articles de la proposition de loi entrent en vigueur dès sa promulgation, alors qu'il est urgent d'agir et que les élections municipales approchent à grands pas.

Malgré tout, ce texte présente plusieurs mérites. D'abord, les parlementaires pourront siéger dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD). C'est une victoire puisque les amendements en ce sens ont été adoptés grâce aux voix du groupe RN, contre l'avis du Gouvernement. Ensuite, l'examen du texte a confirmé ce que nous savions déjà, à savoir que les élus du groupe La France insoumise entendent protéger avant tout les agresseurs des élus en votant contre des mesures de bon sens. À chaque fois, nous l'avons constaté, ils ont refusé de voter les durcissements de peine et les créations de peines complémentaires. Quant à la Macronie, elle s'en tient, comme d'habitude, à des mesurettes. Comme tous vos textes, cette proposition de loi manque de courage et de volontarisme.

Néanmoins, les deux chambres se sont entendues, de sorte que la commission mixte paritaire a été conclusive. En outre, comme je l'ai dit, bien qu'elle soit insuffisante, cette proposition de loi constitue tout de même une avancée. Les élus locaux, qui sont plus de 500 000 dans notre pays, méritent qu'on les soutienne. Ils sont les relais des lois votées à l'Assemblée et les détenteurs d'une parcelle de puissance publique, car, en vertu de l'article 16 du code de procédure pénale, les maires ont la qualité d'officier de police judiciaire. Si utiles à la société, ils sont les rouages et les fondements de nos institutions : il faut donc les préserver et mieux les protéger.

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