Intervention de Jean-Luc Fugit

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2024 à 16h00
Gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection – application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Pour chacun de nous, il est évident que la réussite de la filière nucléaire repose sur la garantie d'une exploitation sûre et sur un cadre clair du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. L'organisation actuelle a permis de gérer de façon satisfaisante les enjeux relatifs à la sûreté nucléaire et à la radioprotection ces vingt dernières années, dans un contexte de calme relatif pour l'industrie nucléaire.

Or le contexte a radicalement changé. Nous sommes au seuil d'un bouleversement d'ampleur du paysage nucléaire français et nous avons de nombreux défis à relever : la prolongation des réacteurs actuels, les impacts du changement climatique, le déploiement d'une filière EPR 2 ou encore l'apparition de nombreuses innovations dans le domaine des petits réacteurs.

Les projets qui émergent dans ce contexte vont accroître significativement et durablement le volume et la complexité des dossiers relatifs à la sûreté et à la radioprotection. Nous devons par conséquent nous interroger sur le fait de savoir si l'organisation actuelle est suffisamment efficace et robuste pour garantir les meilleurs standards de sûreté.

Le système de contrôle actuel, qui repose d'une part sur une autorité de sûreté nucléaire créée en 2006, et d'autre part sur un institut de radioprotection et de sûreté nucléaire créé en 2002, résulte de réorganisations successives s'étalant sur plus d'un demi-siècle. Sans retracer toutes les étapes de cette histoire, je rappelle que l'IRSN est né de la fusion entre l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (Opri). L'ASN, quant à elle, a d'abord été un service placé sous l'autorité du Gouvernement, avant de devenir indépendante en 2006. Aujourd'hui, les deux entités travaillent ensemble, le plus souvent en « mode projet », « au pied du réacteur », comme le rappelle l'Opecst dans son rapport de juillet 2023.

Alors que l'approche institutionnelle pourrait laisser croire qu'expertise et décision sont séparées de manière rigide, il existe en fait une continuité entre les deux activités. Le présent projet de loi consacre l'indépendance de l'entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection vis-à-vis du Gouvernement et des exploitants, grâce au statut d'autorité administrative indépendante qui lui est conféré.

En créant une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, l'ASNR, qui intégrera, en plus des missions de l'ASN, l'essentiel des missions d'expertise et de recherche de l'IRSN, le texte permettra de fixer un calendrier unique des priorités et de renforcer le partage d'informations ainsi que le pilotage des moyens. En réunissant les compétences des personnels très bien formés de l'ASN et de l'IRSN et en facilitant leur travail collectif, la réforme améliorera la qualité de l'expertise, de l'instruction et de la décision s'agissant des dossiers soumis à l'autorité de contrôle. Par sa taille et son haut niveau de compétence, la future autorité sera mieux à même d'attirer de nouveaux talents.

Pour consacrer l'indépendance de la nouvelle autorité et garantir son bon fonctionnement, favorable à la fois aux salariés et à la sûreté nucléaire, il est essentiel de rétablir l'article 1er du projet de loi qui a été, à mon grand regret, supprimé en commission. Le texte préserve les principes fondamentaux que sont la distinction entre expertise et décision, la transparence de l'information et la publication des rapports d'expertise. Ces principes sont inscrits à l'article 2 et se déclinent dans d'autres articles. Quant aux exigences d'indépendance, de déontologie et de transparence, elles ont été renforcées lors de l'examen du texte au Sénat. Nous avons précisé ces dispositions en commission, notamment en élargissant le champ de compétence de la commission d'éthique et de déontologie.

Je suis particulièrement attaché à ce que les activités de recherche conduites actuellement à l'IRSN soient maintenues au plus haut niveau d'expertise car la relance du nucléaire est également celle de la recherche et de l'innovation. À cet égard, je me réjouis que, sur ma proposition, notre commission ait décidé de doter la future autorité d'un conseil scientifique.

En matière de dialogue social, le projet de loi prévoit de préserver les statuts privé et public des personnels et de conserver les instances de dialogue social existantes jusqu'à l'instauration d'une entité spécifique. Notons aussi qu'il est prévu, à l'article 11, une revalorisation, dès cette année, des salariés et agents de droit privé. En commission, nous avons également précisé que le rapport d'évaluation des moyens financiers et humains de la nouvelle autorité devra comporter une évaluation des moyens techniques nécessaires à son bon fonctionnement.

Nous avons également prévu, à la demande des syndicats, que le changement soit spécifiquement accompagné.

Enfin, j'insiste sur ce point, le Parlement devra suivre avec une attention particulière l'application de la réforme.

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