Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2024 à 16h00
Gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection – application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Je suis, vous le savez, favorable à la relance de la filière nucléaire – pas par idéologie et certainement pas par amour, mais parce que je veux préserver le climat. J'y suis favorable parce que notre pays a besoin d'une énergie sûre, pilotable et décarbonée, garante de notre souveraineté énergétique et industrielle. Je le suis parce que j'ai confiance dans notre sûreté nucléaire et dans les personnels qui réalisent un travail exceptionnel, confiance dans le système dual qui, depuis plus de quarante ans, permet à la France d'être le pays le plus nucléarisé au monde sans risquer d'incident. Je suis pronucléaire parce que j'ai confiance dans l'ASN et l'IRSN.

Notre pays a construit, du plan Messmer à aujourd'hui, un modèle unique qui s'est inspiré des catastrophes du passé et du présent, avec un haut degré d'exigence dans le traitement des retours d'expérience. Ce modèle a, dès l'origine, cherché à maintenir une séparation étanche entre l'expertise et la décision, en préservant deux entités – non par goût du doublon ou de la dépense budgétaire, mais parce que « démontrer la sûreté, c'est confronter des doutes ».

Ce modèle, organisé autour de l'ASN et de l'IRSN, a su au fil des années intégrer la participation du public et garantir la transparence de l'information, notamment grâce aux commissions locales d'information (CLI), dans lesquelles j'ai siégé pendant de nombreuses années. Il a été à la pointe de la recherche scientifique, questionnant les pratiques de l'exploitant, allant plus loin que les recommandations usuelles et permettant de débattre sereinement, dans un échange démocratique, de la place d'une telle technologie et des risques que nous sommes prêts à prendre. Ce modèle, on nous l'envie, ainsi que cela a déjà été dit. Personne, aucune institution française ou internationale, de la Cour des comptes aux comités les plus spécialisés, n'a remis en cause son existence ou son efficacité.

Pourtant, depuis un an désormais, nous assistons à un triste feuilleton, qu'on pourrait qualifier de comique si le sujet n'était pas si sérieux. Nous discutons d'un projet de réforme sans motifs ni justifications, décidé par un fait du Prince dans le silence du Conseil de politique nucléaire. Un projet de réforme géante que ni le rapporteur ni le ministre – que je ne souhaite d'ailleurs pas blâmer – ne savent réellement justifier. Aux « pourquoi ? » ne répondent que des éléments de langage peu convaincus et peu convaincants.

Lorsque le projet de réforme est apparu, par le biais d'un amendement, pas même une étude d'impact ne l'accompagnait. Nous l'avons rejeté. Et maintenant, alors que le rapport à l'origine de cette réforme reste secret, opaque, nous devrions l'accepter ? On nous demande de voter à l'aveugle, de signer un chèque en blanc ; de voter une réforme contestée par tous, des anciens présidents de l'Opecst aux organisations syndicales des deux organismes concernés en passant par des associations de consommateurs ; de voter une réforme et de céder au chantage à la relance du nucléaire ; de voter pour aller plus vite, pour être plus efficace.

Chez vous, les libéraux, amoureux de l'agilité disruptive, casser ce qui marche pour aller plus vite, pour uniformiser, ressemble à une obsession pathologique.

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