Intervention de Christophe Béchu

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2024 à 9h00
Réduction de l'impact environnemental de l'industrie textile — Présentation

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

L'article 2 traite du signal-prix. Nous croyons que le prix est un bon signal pour orienter le comportement des consommateurs et responsabiliser les pollueurs. J'entends parfois qu'un dispositif de bonus-malus sur les vêtements les moins durables porterait atteinte au pouvoir d'achat des plus modestes. C'est d'ailleurs un des arguments des lobbyistes de l'ultrafast fashion, qui font valoir que c'est le désir social de rendre la mode accessible à tous qui les anime, comme s'ils ne s'intéressaient pas aux profits. Disons-le tout de suite, cet argumentaire ne résiste pas deux secondes à l'analyse. Quand on sait que la durée de vie des vêtements a diminué d'un tiers en quinze ans et que ces vêtements sont portés en moyenne sept à huit fois avant d'être jetés, l'enjeu n'est pas le prix mais la fréquence des achats de vêtements que l'on garde de moins en moins longtemps. Les chiffres énoncés par Anne-Cécile Violland pour la seule France sont éloquents : 500 millions de pièces en plus ont été achetées au cours des deux dernières années ; nous sommes passés, en moins de dix ans, de trente à quarante-huit vêtements achetés par habitant et par an. Dans ces conditions, pousser les gens à en acheter moins, ce n'est pas contraindre leur pouvoir d'achat, c'est au contraire le préserver. Vu les coûts cachés de l'ultrafast fashion pour le contribuable, qui se répercuteront demain sur le pouvoir d'achat, il faut considérer le problème de manière globale, et non uniquement sous l'angle des prix proposés par les plateformes.

Nous souhaitons compléter ce malus avec un bonus, pour valoriser la mode durable. Le système, qui consisterait à payer plus cher l'ultrafast fashion pour payer moins cher la mode durable, serait vertueux. Votre commission a souhaité donner à cette mesure une base scientifique solide en la fondant sur l'affichage environnemental textile, et je m'en réjouis. Avant l'été, nous présenterons la nouvelle méthodologie, d'ores et déjà en débat.

L'article 3, enfin, concerne l'interdiction de la publicité. Je sais les réserves qui existent sur ce point, car le législateur ne doit toucher à la liberté d'entreprendre que d'une main tremblante. Mais ne nous y trompons pas : la publicité est au cœur du modèle d'affaires des entreprises d'ultrafast fashion. Elle nourrit les dérives et pousse les consommateurs, souvent les plus jeunes et les plus modestes, à multiplier la fréquence d'achat. Interdire la publicité à ces entreprises, c'est tout simplement assumer le fait que nous ne souhaitons pas que la promotion de cette activité prolifère dans l'espace public. Les motifs environnementaux que j'ai évoqués, mais aussi des motifs économiques d'intérêt général, justifient amplement cette interdiction. Dès lors que ces entreprises n'ont même pas de boutiques physiques, s'attaquer à la publicité permettrait d'atteindre le ressort même de leur progression spectaculaire. Je me réjouis que vous ayez complété les dispositions de cet article en commission pour y inclure les influenceurs, dans la continuité des travaux menés, au sein de l'Assemblée, par Stéphane Vojetta.

Mesdames et messieurs les députés, en votant cette proposition de loi, vous ferez de la France le premier pays au monde à légiférer pour limiter les dérives de l'ultrafast fashion, au moment où beaucoup d'autres cherchent des moyens d'agir. C'est un sujet complexe car beaucoup se joue au niveau européen et international, mais la France peut y prendre sa part et envoyer un signal : le temps de la naïveté, où nous acceptions de sacrifier notre industrie textile tout en fermant les yeux sur les pires conséquences environnementales de la mondialisation, est terminé. Il s'agit d'assumer une transition réellement écologique.

Le Gouvernement est également favorable à l'amendement de la convention de Bâle pour interdire l'exportation des déchets textiles. Si nous ne bloquons pas la possibilité de polluer avec ces déchets les plages du Ghana, du Kenya et d'autres pays, nous ne réagirons pas pleinement à ce phénomène.

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