Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2024 à 9h00
Réduction de l'impact environnemental de l'industrie textile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Ce triste scénario, on le retrouve aujourd'hui dans l'agriculture.

Nous assistons impuissants à une catastrophe sociale et environnementale. Pourtant, les images de l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013 ou les révélations sur le travail forcé des Ouïghours ne peuvent nous laisser insensibles, et encore moins inactifs. Les unités de production dont nous parlons ont un nom : les sweatshops, des ateliers de misère, des ateliers de sueur, où travaillent parfois des enfants, pour toucher un salaire de la peur.

C'est bien de surproduction au service d'une surconsommation irrationnelle et dangereuse qu'il s'agit. Nous en paierons, malheureusement, toutes et tous le prix – car de catastrophes écologiques en drames humains, les dégâts pour la planète et pour les hommes sont déjà incommensurables. Pire, ils risquent un jour d'être irrémédiables, d'autant que les achats, dans l'industrie de la mode, sont en pleine croissance. Il nous faut donc nommer les responsables pour mieux combattre leurs pratiques déviantes : production à très bas coûts ; conditions de travail indignes ; sous-traitance peu éthique ; cultures intensives, très polluantes, et gourmande en eau pour ce qui est du coton ; matières premières souvent non renouvelables et pétrosourcées ; transformation des pièces textiles nécessitant un recours massif à des produits chimiques ; publicité à outrance et hypermarketing aliénant. Voilà de quoi les marques de fast fashion sont le nom !

C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi salutaire : il nous faut créer des outils pour lutter contre les achats compulsifs. Madame la rapporteure, vous proposez, en préambule, de définir la fast fashion. Les marques concernées seront celles distribuant un nombre de produits neufs dépassant un certain seuil. Tout l'enjeu réside donc dans la définition de celui-ci. C'est pourquoi il est dommage de renvoyer cette question à un décret, comme vous l'envisagez dans votre texte. Imaginons un instant que le Gouvernement fixe un niveau trop haut : seules quelques marques seraient concernées. A contrario, si le niveau fixé est trop bas, des fleurons nationaux pourraient être dangereusement affectés.

Il nous est proposé, ensuite, d'interdire à ces marques de faire la promotion de leurs produits et d'imposer la publication de messages de sensibilisation sur leurs sites internet. Les élus du groupe LIOT considèrent qu'il s'agit de dispositions de bon sens pour réduire l'attractivité de leurs produits. De même, nous sommes favorables à l'instauration d'un véritable malus sur les articles de fast fashion, afin que leur prix reflète enfin le coût réel de leurs externalités négatives et parce que nous connaissons désormais les conséquences délétères, pour les économies française et européenne, de ce modèle irresponsable. Nous appelons toutefois à la vigilance sur la mise en œuvre de ce malus car, là encore, le dispositif est renvoyé à un décret.

Vingt ans après la fin des quotas, rien ne serait pire que de constater que le Gouvernement n'est pas au rendez-vous de la protection de nos entreprises et, finalement, des consommateurs, de la planète et des hommes. Je suis de ceux qui pensent que l'abus de biens et de consommation n'apporte pas un supplément d'âme à l'existence. Contrairement à la promesse des entreprises de fast fashion, posséder toujours plus n'est pas une source de bonheur – c'est à peine une source de bien-être. Ceux qui stimulent cette frénésie d'achats créent des esprits conditionnés. Ces modèles sont éloignés de nos valeurs.

C'est pourquoi je ne vous surprendrai pas en disant que nous soutiendrons cette proposition de loi, sous réserve des quelques ajustements qui nous paraissent nécessaires.

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