Lorsque l'île de Saint-Barthélemy a été frappée par Irma, le 6 septembre 2017, j'assumais les fonctions de président de la collectivité. Au cours de mes mandats successifs, entre 1995 et 2017, Saint-Barthélemy a subi neuf phénomènes cycloniques. Je peux par conséquent affirmer que nous avons, dans notre île, une certaine expérience et une certaine culture du risque cyclonique. Si nous n'avons eu à déplorer ni mort ni blessé, c'est, d'une part, grâce à la discipline des habitants, qui respectent les consignes, et, d'autre part, grâce à la qualité du bâti. Les règles en matière de solidité du matériau et d'urbanisme sont respectées.
En dépit de l'importance du phénomène, les choses se sont bien passées pour nous. Il n'y a pas eu de panique, si ce n'est quelque peu du fait de la destruction des moyens de communication, dans les jours qui ont suivi. La situation a cependant été rapidement rétablie.
La collectivité, quant à elle, a toujours su anticiper et préparer. Certes, c'est plus facile dans le cas de l'arrivée d'un cyclone que dans celle d'un séisme. Les choses ont toujours été prises au sérieux. Depuis Luis, cyclone de catégorie 4, qui a frappé les îles les 5 et 6 septembre 1995, la collectivité a pris les mesures qui s'imposaient en matière d'abri sûr, d'activation du plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) avant la saison des phénomènes cycloniques, de gestion de l'écoulement de l'eau dans les zones basses, d'équipement des services de sécurité. Au fil du temps, chaque phénomène apporte son lot d'expériences. Nous avons lancé, en 2020, la construction d'un parking immense, à l'échelle de Saint-Barthélemy, dont le sous-sol est prévu pour abriter durant le passage du phénomène tous les véhicules de sécurité – ambulances, véhicules de police et de gendarmerie, véhicules des pompiers et de l'hôpital –, et dont le rez-de-chaussée peut être aménagé pour offrir un abri sûr en cas de survenue d'un phénomène aussi important qu'Irma.
Je n'ai pas grand-chose à reprocher à l'État en ce qui concerne sa rapidité d'intervention. Dès le lendemain du passage d'Irma, nous avons bénéficié, en tout, du renfort de seize gendarmes, de l'arrivée de huit pompiers professionnels et d'une dizaine de membres de la sécurité civile. Mais j'ai toujours été agréablement surpris par la réactivité de la population et la rapidité avec laquelle tout le monde se met au travail pour remettre l'île en état.
Ce que je pourrais recommander, c'est un prépositionnement de certaines équipes dans les îles menacées par des phénomènes aussi violents. En 1995, le préfet Michel Diefenbacher, avec qui j'avais dû gérer le passage du cyclone Luis, avait prépositionné en Guadeloupe une équipe de la sécurité civile qui s'était rapidement rendue à Saint-Barthélemy. Mais ce serait une excellente chose si des pompiers professionnels, des gendarmes et des membres de la sécurité civile pouvaient se trouver sur place, en renfort, avant que l'île ne soit frappée.
Reste le problème de l'importance, évidemment imprévisible, de la catastrophe : force des rafales, puissance des vagues ou des secousses en cas de séisme. La difficulté, pour nos petites îles, est alors celle des évacuations sanitaires. Dans l'hypothèse où les infrastructures seraient endommagées, la question se pose de la disponibilité d'hélicoptères, par exemple, pour procéder à l'évacuation des blessés. L'État dispose-t-il des moyens pour venir en aide, dans de pareils cas ?
Quant à la coopération avec la partie néerlandaise de Saint-Martin, elle est quasiment inexistante et se limite à des relations de bon voisinage, en dépit du fait que l'aéroport international de Saint-Martin soit la porte d'entrée et de sortie de l'île de Saint-Barthélemy, pour les visiteurs comme pour ses habitants. Devrions-nous avoir besoin d'en appeler à la partie française ou à la partie néerlandaise de Saint-Martin, je ne doute cependant pas un instant que nous serions rapidement aidés, les îles n'étant éloignées que d'une trentaine de kilomètres.
Il y a une politique de formation à conduire, relativement aux phénomènes cycloniques et sismiques, auprès non seulement des jeunes, mais aussi de tous ceux qui le veulent. Former aux premiers secours, former à se préparer aux événements : je crois beaucoup à la responsabilité individuelle. Face à des phénomènes d'une telle violence, chacun doit être à même d'assumer ses responsabilités sans attendre que la collectivité ou l'État vienne lui dicter ce qu'il doit faire. Il y a donc peut-être une politique de formation et de sensibilisation à conduire dès le plus jeune âge, dans laquelle les professionnels du service territorial incendie secours pourraient jouer un rôle. L'État doit certes rester attentif aux événements, mais, comme je l'avais déclaré lors d'une interview qu'un journaliste m'avait quelque peu arrachée après le passage d'Irma, nous avons pris nos responsabilités en devenant une collectivité d'outre-mer autonome. Nous devons donc être en mesure d'y faire face, avec, bien entendu, le coup de main de l'État lorsque c'est nécessaire.