Intervention de Virginie Lanlo

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Lanlo, rapporteure :

Cette importante proposition de loi est bienvenue compte tenu des enjeux de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Elle doit permettre de résoudre les difficultés constatées sur le terrain, en particulier dans les écoles, et qui découlent, comme vous le savez, d'un arrêt du Conseil d'État de novembre 2020.

Par cette décision, le juge administratif, rompant avec la jurisprudence, a considéré que la prise en charge du temps scolaire et celle des temps périscolaires relèvent de deux autorités distinctes : l'État dans le premier cas, les collectivités locales dans le second. Les temps périscolaires incluent la pause méridienne, objet de la présente proposition de loi. La décision a créé des situations compliquées pour les élèves, leurs familles, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et les collectivités. Il est heureux que nous puissions leur apporter des solutions.

La proposition de loi, venue du Sénat, est due à l'initiative du sénateur Cédric Vial, avec qui j'ai longtemps siégé à la commission éducation de l'Association des maires de France (AMF). Impliqués depuis de longues années dans le domaine du handicap, nous avons le même objectif : éviter les ruptures de parcours. On notera que le texte n'a été modifié au Sénat ni en commission ni en séance.

Les acteurs que nous avons auditionnés la semaine dernière, notamment avec ma collègue Cécile Rilhac, sont tous favorables à la proposition de loi : les associations et les collectivités locales, bien entendu, mais aussi les représentants des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La Défenseure des droits m'a également fait part de son intérêt pour le texte. Certes, une partie d'entre eux, comme moi-même, considère que celui-ci n'est qu'une étape et qu'il faudra aller plus loin. Mais aucun ne lui est défavorable, ni même l'État puisque le Gouvernement le soutient.

Cette proposition de loi vient s'ajouter à des textes antérieurs en faveur de l'inclusion scolaire. En dépit des problèmes sur le terrain et de nombreuses difficultés que l'on ne doit pas occulter, il faut reconnaître que, depuis la loi du 11 février 2005, la prise en charge des élèves en situation de handicap dans le cadre du milieu scolaire dit ordinaire a progressé. Le principe de l'inclusion scolaire a été renforcé par les lois de 2013 pour la refondation de l'école de la République et de 2019 pour une école de la confiance. La scolarisation inclusive est inscrite dans les objectifs de l'éducation – au-delà des seuls enfants en situation de handicap, même si on leur associe généralement cette approche. De fait, depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de moins de 120 000 à presque 480 000 à la rentrée 2023.

Le principe de la scolarisation inclusive resterait lettre morte sans ceux que l'on nomme les AESH. Leur métier est difficile, mériterait d'être mieux valorisé, est mal rémunéré du fait de temps de travail incomplets. Pourtant, on est passé de moins de 53 000 équivalents temps plein (ETP) en 2017 à environ 85 000 aujourd'hui, pour un nombre d'agents estimé à 133 682, chiffre transmis par le ministère de l'éducation nationale. Là aussi, la situation a évolué depuis les personnels d'assistance particulière des années 1980 et les AVS (auxiliaires de vie scolaire) des années 2000. Désormais, les AESH sont recrutés dans le cadre de contrats de droit public pour une durée minimale de trois ans et ont notamment droit à un volet de formation de soixante heures.

Cependant, le métier reste peu attractif. Comme l'a montré la Défenseure des droits dans son rapport de 2022 sur l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap, la précarité de la fonction s'accompagne chez les AESH d'un fort sentiment de manque de reconnaissance de leur rôle et d'isolement au sein de la communauté éducative. Beaucoup regrettent par exemple de ne pouvoir échanger régulièrement avec leurs pairs, mais aussi avec l'équipe enseignante, au sujet des situations à gérer au quotidien comme de leurs pratiques. C'est aussi une question de rémunération, liée notamment à des temps incomplets.

La proposition de loi se résume en une phrase : l'accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne sera désormais pris en charge par l'État. C'est important : cela vient clore une séquence d'incertitude et de confusion ouverte il y a plus de trois ans et qui a parfois eu pour effet d'interrompre l'accompagnement des enfants pendant le temps méridien, la collectivité n'ayant pas pris le relais à la suite du désengagement de l'État.

Le texte fait ainsi dépendre les AESH du même employeur – l'État –, qu'ils interviennent pendant le temps scolaire ou pendant la pause méridienne. Pour les familles d'abord, cela favorise la continuité de l'accompagnement de l'enfant. C'est un enjeu fondamental : l'organisation du système doit avoir pour objectif premier d'assister le jeune et sa famille. Cela simplifiera également la vie des familles, qui ne seront plus contraintes de solliciter les deux autorités publiques – État d'un côté, collectivité de l'autre –, autrement dit de constituer deux dossiers.

Ensuite, la proposition de loi simplifie la situation des AESH. Actuellement, ces derniers ont deux contrats indépendants l'un de l'autre, ce qui peut poser des problèmes de temps de repos si les employeurs ne s'entendent pas ou de cumul d'emplois. Désormais, un seul contrat portera sur les deux temps. Le texte permettra également de tendre vers un temps complet en ajoutant huit heures hebdomadaires de pause méridienne aux vingt-quatre heures de temps scolaire.

Enfin, la proposition de loi réduira les inégalités selon les territoires, ce qui profitera aux familles et aux enfants. Actuellement, en effet, l'accompagnement diffère selon les communes : certaines prennent en charge le temps de pause méridienne – parfois parce que c'est l'État lui-même qui met un AESH à disposition à titre gratuit – tandis que d'autres ne le font pas.

Ce texte doit être vu comme une étape : il n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes. J'ai déjà évoqué les difficultés liées à l'attractivité du métier d'AESH ; pour ces derniers, la proposition de loi va dans le bon sens mais devra être complétée – je suis convaincue, chers collègues, que vous avez de nombreuses propositions à formuler à ce sujet. Par ailleurs, il n'y a actuellement aucune homogénéité dans les notifications des MDPH concernant un accompagnement pendant la pause méridienne : certaines n'abordent pas ce sujet ; d'autres formulent de simples préconisations ; d'autres, enfin, font des prescriptions dont on peine à savoir si elles créent des droits opposables, comme c'est le cas des prescriptions concernant le temps scolaire. C'est un autre sujet sur lequel il faudra travailler dans un avenir proche.

Je suis persuadée que le texte saura trouver une large majorité.

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