Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 11h00
Commission des affaires sociales

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes :

Je me concentrerai sur les questions ayant trait au rapport que je vous présentais. Ainsi, les deux dernières, d'un intérêt et d'une vérité d'ailleurs inégaux, de mon point de vue, n'entrent pas dans ce champ.

Monsieur Martin, les arrêts de travail de moins d'une semaine sont certes les plus fréquents, puisqu'ils comptent pour 44 % de l'ensemble, mais ils ne représentent que 4 % de la dépense indemnisée par l'assurance maladie. En revanche, ils sont particulièrement perturbants pour le fonctionnement des entreprises. Au contraire, les arrêts de plus de six mois ne concernent que 7 % des arrêts, mais 44 % de la dépense totale. Par ailleurs, l'indemnisation des arrêts de travail a progressé de 50 % – hors arrêts liés au covid – sur dix ans, contre 30 % pour l'Ondam total.

Ces chiffres montrent que la gestion du risque en matière d'arrêts de travail par l'assurance maladie n'est pas efficace et qu'elle doit s'améliorer. C'est la raison pour laquelle nous proposons de réorganiser cette gestion autour d'une branche spécialisée dans le domaine des prestations en espèces. De plus, même s'ils ont peu d'impact pour l'assurance maladie, les arrêts courts doivent être davantage contrôlés par le service médical d'assurance maladie. En ce qui concerne plus spécialement les établissements médico-sociaux et les Ehpad, je vous renvoie à mes explications précédentes.

Monsieur Valletoux, les travaux de la Cour examinent de manière systématique la question de la pertinence des soins. Je n'ai pas de données précises sur les éléments que vous avez évoqués.

Madame Erodi, la Cour est très sensible à la question de l'évasion fiscale. Cependant, lutter contre la fraude et l'évasion ne peut nous exonérer de notre responsabilité d'agir pour une dépense publique de plus grande qualité. Ces deux enjeux ne s'excluent pas mutuellement.

Madame Amrani, je pense comme vous qu'il faut investir là où c'est utile. Il faut par conséquent éviter la spirale de l'endettement, afin de conserver notre capacité à investir. Je ne pense pas que notre dette ne soit pas soutenable ou pas finançable. Cependant, l'augmentation de sa charge est la dépense la plus insensée qui soit.

Madame Dubré-Chirat, la Cour a préconisé en 2016 le transfert que vous évoquez. Il faut notamment que l'assiette déclarée par les employeurs au titre des cotisations Agirc-Arrco soit contrôlée, ce qui n'est pas le cas. La LFSS 2020 a prévu ce transfert pour 2022. Il a été reporté à 2023. Le ministre délégué chargé des comptes publics a depuis peu confirmé ce transfert, qui s'effectuera de manière progressive en plusieurs vagues d'entreprises. Au terme de ce transfert, l'exactitude du calcul des points de retraite complémentaire sera garantie par des contrôles automatisés des données déclarées par les employeurs. L'Agirc-Arrco et les Urssaf devront s'organiser à cet effet, pour vérifier à la fois l'assiette et le calcul des cotisations.

Monsieur Ruffin, je vous remercie de prendre acte de l'évolution de la Cour. Il arrive en effet que des dépenses supplémentaires soient justifiées. Nous pensons comme vous qu'un taux d'encadrement plus élevé permettrait de réduire les risques et de réaliser des économies. Je vous invite à consulter le rapport remis à la commission des affaires sociales du Sénat, qui appelait à des investissements et des dépenses supplémentaires pour les Ehpad. Cependant, vous ne pouvez à la fois vous féliciter d'une évolution et l'appeler de vos vœux.

La Cour inscrit ses travaux dans le long terme. Loin de prôner l'austérité envers et contre tout, elle s'assure que nos finances publiques soient saines et que la dépense publique soit maîtrisée. Tous nos travaux insistent sur la nécessité d'investir davantage, dans les domaines de la transition écologique et numérique, de l'innovation, de la recherche ou encore de la justice sociale. Or, pour réaliser ces investissements, il est nécessaire de se désendetter. Cela suppose d'œuvrer à la qualité de la dépense. Les dépenses qui ne sont pas utiles doivent être limitées ; chaque personne intervenant dans le débat public devrait en être consciente.

Madame Lavalette, le rôle de la Cour n'est pas de préconiser une évolution de la politique familiale. En revanche, la Cour examine la manière dont sont conduites les politiques de prestations d'accueil du jeune enfant. Nous recommandons à coûts constants de refondre le dispositif en augmentant le niveau d'indemnisation et en réduisant sa durée.

Madame Iborra, je prends acte de votre proposition. Nous préconisons en effet de dégager des marges de manœuvre pour recruter des infirmières et des aides-soignantes dans les Ehpad.

Monsieur Califer, votre question est très vaste, quasiment d'ordre philosophique. Un dispositif permet de reconnaître comme maladies professionnelles les maladies psychiques. La priorité reste la prévention.

Monsieur Catteau, la Cour estime optimistes les prévisions sous-jacentes au PLFSS. Cela ne signifie pas que les dépenses sont sous-évaluées. Il ne faut pas confondre volontarisme et volonté de surestimer ou de sous-estimer. C'est la raison pour laquelle je me méfie toujours des appréciations sur la sincérité, qui sous-entendent une volonté de nuire ou de déformer. Par ailleurs, il ne me revient pas de commenter votre position. En revanche, je ne considère pas que toute dépense soit vertueuse. La maîtrise de la dépense doit être un capital partagé. Toutes les formations politiques présentes prétendent exercer des responsabilités gouvernementales. Or, pour mener de bonnes politiques publiques, il est nécessaire de s'appuyer sur des finances saines.

Le RALFSS de 2023 contiendra un chapitre sur la situation financière des hôpitaux. Nos équipes se tiendront à votre disposition pour vous présenter un rapport au mois de juin, complémentaire à celui-ci et, je le crois, de la même qualité.

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