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Intervention de Mansour Kamardine

Séance en hémicycle du vendredi 28 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMansour Kamardine :

Ce projet de budget est le premier exercice de traduction de la politique du Gouvernement en outre-mer. Il matérialise donc le passage des mots à l'action. Malheureusement, j'ai le sentiment qu'il y a erreur de traduction !

En effet, depuis que vous êtes ministre délégué chargé des outre-mer, vous avez tenu des propos encourageants, qui nous semblent répondre, à tout le moins en partie, aux attentes des ultramarins. Je vous remercie de la meilleure écoute dont vous faites montre et de la volonté, que je pense sincère, d'entretenir un dialogue positif et d'inscrire l'action de l'État dans une véritable démarche de coconstruction avec les outre-mer.

Cependant, tous les orateurs l'ont souligné – sauf M. Guillaume Vuilletet, qui ne connaît pas les réalités ultramarines : la progression affichée des crédits de la mission "Outre-mer" est essentiellement sous-tendue par la hausse mécanique des exonérations de charges patronales, prévue par les organismes de sécurité sociale. L'augmentation atteint 203 millions par rapport à 2022, ce qui représente les deux tiers de la croissance budgétaire annoncée et 61 % des crédits de paiement totaux de la mission.

Les mesures nouvelles inscrites au budget se concentrent sur l'appui au service militaire adapté, qui bénéficie d'une enveloppe en augmentation de 28 millions d'euros. Nous nous en félicitons car, en la matière, vous passez incontestablement des paroles aux actes.

Cependant, l'accompagnement des collectivités territoriales ne progresse que de 34 millions, notamment pour respecter les engagements de l'État dans l'accord entre l'État et la Guyane – 20 millions –, pour timidement subventionner l'accès à l'eau en Guadeloupe – 10 millions – et pour construire de nécessaires abris anticycloniques en Polynésie – 4 millions. C'est finalement bien peu au regard des enjeux, des besoins et des attentes.

Nous regrettons que la ligne budgétaire unique consacrée au logement outre-mer ne progresse que de 1,8 % en euros courants : compte tenu de la forte augmentation des coûts dans le secteur du bâtiment, cela se traduira par une baisse des capacités à construire et à rénover.

Le fonds exceptionnel d'investissement est un outil de cofinancement important pour les territoires qui nécessitent des investissements structurels. Là encore, nous craignons que, du fait de l'inflation, sa stabilisation entraîne une baisse des capacités réelles à accompagner les collectivités d'outre-mer.

Enfin, le manque de suivi et de pilotage par l'État du déploiement des contrats de convergence et de transformation, vertement dénoncé dans un récent rapport de la Cour des comptes sur les financements de l'État en outre-mer, conduit le Gouvernement à allonger d'un an leur mise en œuvre.

Finalement, dans un contexte de forte inflation qui touche en particulier le coût des transports – le prix du transport aérien de passagers dans l'Océan indien a augmenté de 30 %, celui du fret de marchandises de 650 % en deux ans –, provoquant un effet multiplicateur sur les coûts de la construction, le budget pour 2023 ne permettra ni la croissance du PIB ni l'amélioration des conditions de vie des ultramarins, pourtant durement touchés par la cherté de la vie.

De plus, la mission ne rassemble que 13 % des dépenses budgétaires de l'État consacrées aux outre-mer. Or l'examen de l'ensemble des crédits révèle une baisse de l'effort en euros constants, comme le souligne implicitement le document de politique transversale : « L'effort global de l'État en outre-mer en 2023 est stable par rapport à 2022 soit 20,1 [milliards en autorisations d'engagement] et 21,7 [milliards en crédits de paiement]. » Un budget stable en période d'inflation, c'est un budget qui baisse !

C'est le cas, en particulier, des crédits dédiés à la promotion d'un aménagement durable et de la transition écologique : – 8 % pour une priorité affichée du Gouvernement, voilà qui n'est pas commun ! De même, il n'est pas commun de chanter l'égalité républicaine lorsque le département le plus pauvre de France, à savoir Mayotte, où sévit une discrimination sociale intolérable par rapport aux autres départements français, perçoit des crédits par habitant presque deux fois moindres qu'en moyenne en outre-mer – 3 900 euros en population réelle contre 7 800.

Monsieur le ministre délégué, permettez-moi de rappeler que les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et la commission des finances ont rejeté le budget que vous présentez ; je ne vois pas comment le groupe Les Républicains pourrait le voter en l'état. Pour le modifier, nous défendrons deux amendements, auxquels le groupe LR est très attaché. Je pense en particulier à l'amendement n° 1126 qui vise à étudier la création de zones économiques, fiscales et douanières spéciales dans les départements d'outre-mer, afin de répondre à l'échec des politiques publiques qui prétendent, depuis soixante-dix ans pour certains territoires, établir l'égalité économique et sociale.

Je crains que votre budget ne soit adopté sans le vote d'aucun député ultramarin, ce qui creuserait encore le fossé qui sépare les outre-mer du reste de la communauté nationale.

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