Intervention de Sandrine Dogor-Such

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 21h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Dogor-Such :

Le Conseil économique, social et environnemental pilote depuis la mi-septembre une convention citoyenne sur la fin de vie, sujet ô combien complexe. Les lois de 2005 et de 2016 concernant le droit des malades et la fin de vie défendent les principes de non-abandon, de non-souffrance et de non-acharnement. Elles permettent d'accompagner des personnes en fin de vie, mais n'autorisent pas à donner la mort.

La vie humaine est la valeur suprême de notre civilisation. On ne peut pas nier, cependant, la demande sociétale de légalisation de l'euthanasie, même si sa mise en pratique est loin d'être simple.

Le manque de moyens dans les services de soins palliatifs entraîne une inégalité d'accès à un accompagnement de qualité en fin de vie. Il fait prioritairement améliorer cette prise en charge. Les soins palliatifs doivent pouvoir offrir à chacun des conditions de vie dignes au soir de l'existence. Or vingt-six départements ne disposent toujours pas de tels services. Seulement 100 000 personnes peuvent en bénéficier, alors que 300 000 en ont besoin.

Les lois qui existent apportent des solutions aux angoisses de nos concitoyens. Elles permettent de « démystifier » la fin de vie et de faire confiance aux soignants. Mais ces lois peinent à devenir effectives, car les moyens de développement des soins palliatifs ne sont pas mis en place.

C'est la crainte de la souffrance qui a, pour beaucoup, justifié la demande d'aide à mourir. Aujourd'hui, cette demande fait place à une revendication idéologique de respect du libre-arbitre et de droit de disposer de soi-même, jusque dans les conditions de sa propre mort. Si le respect de la dignité est souvent avancé pour justifier cette demande d'aide à mourir, peut-on réellement apprécier cette dignité à l'aune de l'autonomie apparente d'une personne ? Doit-on estimer qu'une personne très dépendante n'est plus digne de vivre ?

Organiser la mort d'une personne pour répondre à son manque d'autonomie n'est-il pas dangereux pour la communauté ? Le risque n'est-il pas de créer une société qui ne protège plus les plus vulnérables ? L'aide à mourir doit-elle être intégrée au champ de soins ? Demander aux soignants de provoquer la mort n'est-il pas contraire à l'esprit même de leur métier ? Et dès lors, quelle place donner à l'accompagnement des malades ? La crainte sera alors de les enfermer dans une solution unique ; la relation de confiance qui existe entre le patient et le soignant en sera faussée.

L'interdit de tuer permet au malade d'exprimer son hésitation entre son désir de mourir et celui de vivre. Quand un malade arrive en soins palliatifs et qu'il exprime son souhait d'en finir, l'équipe accueille ce souhait en s'interrogeant sur la demande sous-jacente. Les témoignages révèlent que la plupart des malades n'ont, en réalité, pas envie de mourir.

Nos concitoyens veulent être plus autonomes, plus libres et pouvoir décider de leur propre fin. Certains soignants pensent cependant qu'il y a un risque à considérer que provoquer intentionnellement le décès d'une personne est un geste médical.

Madame la ministre, pensez-vous qu'il soit possible d'élaborer une approche de la fin de vie qui concilie la demande de la société et la crainte de certains personnels soignants ?

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