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Véronique Louwagie
Question N° 11784 au Ministère de l’économie


Question soumise le 3 octobre 2023

Mme Véronique Louwagie appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le lien entre dette et inflation. Certains pays européens comme les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Autriche ont fait le choix de ne pas détenir de titres indexés sur l'inflation, l'objectif étant de ne pas alourdir la charge de la dette et de creuser le déficit public quand l'inflation augmente. Elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.

Réponse émise le 21 novembre 2023

Un programme d'émission nécessite d'émettre régulièrement des titres afin de fournir une liquidité nécessaire et suffisante aux investisseurs. Les principes de régularité, de prévisibilité et de transparence permettent d'offrir des produits sûrs et pérennes. La mise à disposition de maturités différentes dans un programme d'émission d'obligations permet de diversifier la base d'investisseurs, de gérer les flux de trésorerie, de réduire les risques, d'établir une courbe de rendement et d'offrir une plus grande flexibilité financière, ce qui peut être bénéfique pour l'émetteur et les investisseurs. En zone euro, deux pays émettent des titres indexés sur l'inflation domestique : la France et l'Italie. Les titres indexés sur l'inflation européenne sont émis par plus de pays : l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie. L'intérêt des investisseurs s'est renforcé depuis le début des années 2000 pour des besoins de couverture accrus. La part moyenne des émissions indexées dans les programmes de financement depuis 2012 varie en fonction des caractéristiques des marchés domestiques respectifs. En 2023, la part de titres indexées en inflation européenne dans le stock de dette des différents pays émetteurs est relativement stable par rapport à 2022. Les pays n'émettant pas de dettes indexées en zone euro sont principalement des pays n'ayant pas un programme de financement suffisant, du fait de la taille de leur économie et donc de leur dette, pour émettre des titres sur deux courbes différentes (nominal et indexé) et répondre à la demande des investisseurs. Les émetteurs supporteraient des coûts d'émissions plus élevés pour pallier au manque de liquidité et maturités disponibles. L'absence de produits d'épargne indexé sur inflation domestique ou d'un programme indexé dédié aux particuliers peut également expliquer l'absence d'émission de la part de certains pays. Concernant la charge de la dette, les obligations indexées sur l'inflation permettent premièrement d'élargir et de diversifier la base d'investisseurs. L'émission de titres indexés sur l'inflation répond donc pour l'État à une stratégie de diversification de son financement, afin qu'il soit plus résilient et moins coûteux pour le contribuable dans la durée. Cette diversification est d'autant plus importante pour la France que son encours de dette est l'une des plus élevées de la zone euro. L'État augmente ainsi les canaux dont il dispose pour couvrir ses besoins de financement. Il y a en effet une demande spécifique pour de tels produits de la part des investisseurs exposés à l'inflation. Par exemple, en France, l'épargne réglementée collectée sur le Livret A alimente la demande pour des produits indexés sur l'inflation car le taux du livret A est à moitié indexé sur l'inflation. Deuxièmement, l'émission d'obligations indexées sur l'inflation permet de diversifier les risques auxquels est exposée la dette de l'État. L'évolution future des taux comme de l'inflation étant inconnues, cette diversification conduit à répartir les émissions de dette entre dette de court terme, dette de moyen terme, dette de long terme et dette indexée sur l'inflation. Troisièmement, les titres indexés soutiennent naturellement les politiques publiques contra-cycliques ; ils permettent à l'État de se financer à faible coût en période de faible inflation, limitant ainsi l'impact sur le coût de la dette dans un contexte de recettes fiscales peu dynamiques car assises sur la croissance nominale (i.e. y compris inflation), alors qu'en période de forte inflation, ces titres génèrent un surcroît de dépenses moindre que la dynamique des rentrées fiscales. La plupart des autres pays émettant des volumes de dettes importants proposent des titres indexés sur l'inflation, à l'image des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Italie, de l'Allemagne, etc. Rappelons, qu'en contrepartie de l'indexation sur l'inflation, le taux de ces titres, dit « taux réel », est beaucoup plus faible. Par exemple, l'État emprunte actuellement à 15 ans à 3,7% pour les titres nominaux, à 1,2% pour les titres indexés, ce qui reflète une anticipation d'inflation de 2,5% en moyenne sur les 15 prochaines années.

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