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Catherine Couturier
Question N° 14431 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 23 janvier 2024

Mme Catherine Couturier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en œuvre des nouvelles grilles horaires pour les diplômes de baccalauréats professionnels dans l'enseignement agricole. Cette demande, souhaitée par la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), entraîne dans les faits une modification dans le décompte hebdomadaire des heures de pluridisciplinarité, en violation de la réglementation actuelle, c'est-à-dire la circulaire « MAYAJUR » de 2004. Le Pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA) prévoient pourtant, sur le papier, une politique éducative ambitieuse pour l'enseignement agricole afin de lui permettre de relever les nombreux défis auxquels l'agriculture française et les territoires sont confrontés. Toutefois, la réalité semble être bien différente. Les enseignants constatent en effet sur le terrain que cette nouvelle mesure est catastrophique pour l'organisation de leur temps de travail. En effet, ce nouveau mode de calcul leur impose un temps de travail théorique réduit, ce qui les oblige à accélérer et donc bâcler certaines parties du programme pour maintenir un service complet. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les conditions de travail des enseignants, de manière générale, ne cessent de se dégrader. L'INSEE a par exemple estimé qu'un enseignant travaille en moyenne 42 heures par semaine. Dans un contexte où l'enseignement fait face à un déficit d'attractivité et tout particulièrement dans le secteur agricole, cette décision de réajuster le calcul du temps de travail, avec pour objectif non avoué de la part de la DGER d'accroître la « productivité » des enseignants, sans compensation financière supplémentaire, ne fera qu'aggraver la situation. Cette réforme introduit le principe insupportable du « travailler plus pour gagner autant ». En conséquence, elle souhaite connaître les motivations de ce nouveau mode de calcul du temps de travail des enseignants, qui, tout à la fois, contredit la volonté gouvernementale de revaloriser la rémunération des enseignants et ne respecte pas la réglementation encadrant l'organisation des services des enseignants de l'enseignement agricole public, tout en aggravant encore davantage le manque d'attractivité de l'enseignement agricole en matière de recrutement d'enseignants.

Réponse émise le 20 février 2024

L'enseignement agricole est aujourd'hui reconnu pour la qualité pédagogique de ses formations, élaborées dans l'intérêt des élèves. L'acquisition des compétences par les jeunes est facilitée par la mobilisation de toutes les disciplines, générales et professionnelles, au sein desquelles sont intégrées des situations concrètes de nature à permettre une mise en pratique des savoirs acquis. Cela passe également par la construction d'un emploi du temps cohérent entre les temps de présence des élèves en établissement et les temps de stage en milieu professionnel. Il s'agit d'un enjeu essentiel afin d'offrir aux futurs acteurs du monde agricole les outils nécessaires pour faire face aux défis écologique, climatique et économique. La rénovation des baccalauréats professionnels s'inscrit dans l'objectif de renforcer ce processus d'acquisition des connaissances. En particulier, les temps de préparation et de débriefing consécutifs aux périodes de stage en milieu professionnel ont été renforcés via des semaines dites de « stages collectifs ». Désormais, les enseignants, en binôme, seront en mesure d'approfondir avec les élèves, durant 2 semaines, des aspects spécifiques : une semaine sera construite sous l'angle de l'éducation à la santé et au développement durable, la seconde mettra en valeur le vécu en milieu professionnel à travers le prisme de la santé et de la sécurité au travail. Ce sont, au total, 56 heures pour les élèves et 112 heures pour les enseignants. Les temps d'enseignements en pluridisciplinarité (c'est-à-dire l'intervention conjointe de 2 enseignants de 2 disciplines différentes) sont consolidés. Il s'agit notamment d'encourager les enseignants à pratiquer des cours en pluridisciplinarité, non seulement issus des matières professionnelles comme c'est déjà le cas, mais aussi ceux des matières générales. Le volume horaire de ces temps d'enseignement représente 110 heures pour les élèves sur un total de 1 700 heures, soit 6 %, mais ne font pas l'objet d'évaluations prises en considération lors des examens. Enfin, il a été convenu d'inclure 1 semaine « blanche » supplémentaire. Ces 4 semaines blanches sont essentielles afin de permettre aux élèves de bénéficier de temps dédiés aux évaluations ou aux révisions. Elles peuvent également être l'occasion, pour les enseignants qui ne seraient pas face aux élèves, de préparer des séquences pédagogiques particulières, comme la pluriactivité ou des projets particuliers. Dans ce contexte, le nombre d'heures financées pour les enseignants, sur l'ensemble des 2 années que compte le baccalauréat professionnel (première et terminale), est similaire après rénovation, et en réalité très légèrement supérieur. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne fait aucune économie d'heures à l'issue de cette rénovation. Les moyens mis en œuvre reconnaissent par ailleurs systématiquement l'investissement de chaque enseignant lorsque les séances pédagogiques sont effectuées à plusieurs, lors des séquences de pluridisciplinarité et des semaines de stages collectifs notamment. Toutefois, s'agissant de l'enseignement en pluridisciplinarité, le système de comptabilisation des heures a évolué. Concrètement, ces heures sont effectuées durant les 28 semaines de l'année lors desquelles les élèves suivent des cours dans l'établissement. Précédemment, pour 1 heure en pluridisciplinarité par semaine pendant que les élèves étaient en cours dans l'établissement, un service équivalent de l'enseignant était comptabilisé pendant les 6 semaines de l'année durant lesquelles les élèves étaient en stage. Un tel service n'est plus attendu et ne sera, de fait, plus comptabilisé. Le système de comptabilisation des heures en pluridisciplinarité diffère dorénavant de celui des heures de cours classiques. Cette différence de traitement s'explique car les enseignants qui assurent les cours « classiques » sont chargés d'assurer le suivi des élèves pendant qu'ils sont en stage. Pour ces cours, qui représentent 90 % des heures totales, chaque heure est comptée comme étant réalisée toute l'année, soit durant 36 semaines. À l'inverse, les temps pluridisciplinaires correspondent à un bloc pédagogique particulier qui ne se répète pas régulièrement chaque semaine, mais qui mobilise certains enseignants à certains moments de l'année. Pour autant, le service attendu ayant évolué, les enseignants peuvent tout à fait intervenir lors des semaines de stages collectifs. Ce sont également, d'une certaine manière, des projets pluridisciplinaires concentrés dans l'année. Lors de la rentrée scolaire 2023, l'accompagnement nécessaire à la mise en œuvre de ces nouvelles modalités pédagogiques a été insuffisant pour que les enseignants et les équipes de direction se les approprient. En conséquence, les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ont constaté une grande disparité dans l'élaboration des modalités relatives aux fiches retraçant les services des enseignants. Ainsi, bien que la rénovation des baccalauréats professionnels ait été élaborée à moyens constants, les différences dans l'élaboration des modalités susmentionnées ont pu conduire à des diminutions de rémunération. En effet, certaines équipes de direction ont appliqué ces nouvelles instructions sans qu'une concertation impliquant les enseignants ait été organisée. Cette mesure aurait permis à chacun de retrouver un temps de service équivalent à celui de l'année précédente. Dans ce contexte, une méthode a été mise en place afin de compenser, durant l'année 2023-2024, l'écart dû à ce changement, notamment dans les établissements au sein desquels ces nouvelles modalités ont été appliquées. Cela concerne légèrement moins de 200 enseignants répartis sur 5 spécialités de baccalauréat. La compensation accordée pour un enseignant intervenant 10 heures en pluridisciplinarité au cours de l'année est de 10 euros (€) par mois. Le ministre chargé de l'agriculture tient à signaler que cette restructuration des baccalauréats professionnels n'a pas été mise au point aux dépens des rémunérations des enseignants. L'ensemble des mesures intégrées au projet de loi de finances pour 2024 sont de nature à conforter et rehausser la rémunération de tous ceux qui, grâce à leur travail auprès des plus jeunes, sont garants de la qualité de l'enseignement agricole français : les enseignants, les personnels, les assistants d'éducations ainsi que les accompagnants des élèves en situation de handicap. Le Président de la République a par ailleurs annoncé, le 20 avril 2023, la création d'un pacte enseignant qui vise à revaloriser la rémunération de l'ensemble des professeurs et conseillers principaux d'orientation de l'enseignement technique agricole. Ce pacte se traduit concrètement par une augmentation inconditionnelle de leur salaire, entre 100 et 230 € nets de plus par mois, majorés de 240 € nets supplémentaires par mois, en moyenne, pour les enseignants volontaires afin d'assurer des missions complémentaires. L'enseignement agricole est un enjeu prioritaire afin que l'agriculture soit en mesure de relever le défi du renouvellement des générations, dans un contexte marqué par les difficultés économiques et face au changement climatique. Le lancement le 15 décembre 2023 du pacte et du projet de loi d'orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, qui contient de nombreuses mesures en faveur de l'enseignement agricole, en témoigne.

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