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Christine Decodts
Question N° 8846 au Ministère de la santé


Question soumise le 13 juin 2023

Mme Christine Decodts appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la crise à laquelle font face les pédopsychiatres et les patients souffrant de troubles psychiatriques. Les professionnels de la santé mentale et de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent se sentent impuissants face à la gravité de la situation du système de soins en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Seulement un enfant sur deux est soigné en France quand il présente des troubles psychiques. On compte 1,6 million de mineurs (bébés, enfants et adolescents) présentant un trouble psychique. Seuls 750 000 à 850 000 bénéficient de soins, souvent dans des conditions dégradées et précaires au regard des recommandations de bonnes pratiques. L'accès de proximité est souvent entravé et les délais peuvent atteindre 18 mois d'attente car le nombre de pédopsychiatres a été divisé par deux, une situation critique pour assurer un suivi médical correct. Ces temps d'attente interminable s'expliquent par une pénurie. Dans 32 départements, il n'y a qu'un seul pédopsychiatre. L'attente retarde les soins et peut conduire à une hospitalisation. Ces professionnels de santé mentale constatent que la moitié des troubles psychiatriques à fort potentiel de chronicité débutent avant l'âge de 14 ans. Cette impossibilité actuelle de délivrance de soins présente de lourdes conséquences en matière de pronostic de santé mentale et de perte de chances développementales. Ils alertent sur le manque de moyens donnés aux professionnels pour assurer les soins psychiques nécessaires à la santé, au développement et à la sécurité des mineurs. Notamment, face à l'expansion massive des gestes suicidaires chez les adolescents et préadolescents, entre 2019 et 2021, les services de pédiatrie et de pédopsychiatrie sont débordés. Elle souhaite savoir si des mesures seront prises afin de répondre à la dégradation et au manque de moyens du système de soins en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.

Réponse émise le 12 décembre 2023

La question de l'accès aux soins psychiatriques des enfants et adolescents qui le nécessitent est au cœur des préoccupations du ministère de la santé et de la prévention. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une Feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour de trois axes : la prévention, le parcours de soins, l'insertion sociale. Forte déjà de 37 actions concrètes, elle a été encore enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, et en 2021 par les 30 mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec de nombreuses actions ciblant les enfants et les jeunes. Un rattrapage financier global sur l'offre de soins en psychiatrie, et spécifiquement en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, a par ailleurs été amorcé depuis 2019 et est poursuivi chaque année depuis : en opérant un rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : + 50 M€ en 2018, + 80 M€ en 2019, + 110 M€ en 2020 et à nouveau + 110 M€ en 2021. Ces crédits pérennes ont bénéficié à la pédopsychiatrie dans les territoires, selon les orientations stratégiques des Agences régionales de santé (ARS) ; en mobilisant dès 2022, suite aux annonces issues des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues fin septembre 2021, des crédits pérennes supplémentaires, dont une partie concerne spécifiquement la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie, au regard des effets de la crise sanitaire ; ou encore en renforçant les moyens dédiés à la prise en charge du psychotraumatisme, particulièrement pour la prise en charge des mineurs victimes de violences (+ 3,5 M€ sur 2022-2023). Parmi les actions prioritaires du Gouvernement en faveur de la santé mentale des enfants et des jeunes figurent : la création du dispositif « MonSoutien Psy », qui permet un accès, dès l'âge de 3 ans, à une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, avec huit séances par an, réalisées par un psychologue en ville, prises en charge par la Sécurité sociale. Ce dispositif permet d'améliorer l'accès aux soins en santé mentale tout en permettant aux psychologues de ville de s'inscrire dans le parcours de soins des patients en souffrance psychique d'intensité légère à modérée. Il répond à un réel besoin de la population. Plus de 2 400 psychologues ont rejoint le dispositif et sont conventionnés. Depuis le lancement du dispositif en avril 2022, plus de 190 000 personnes ont pu bénéficier d'une prise en charge psychologique remboursée. Pour cela, les patients doivent disposer d'un courrier d'adressage attestant l'orientation vers le psychologue par un médecin. L'adressage se fait entre professionnels médicaux, entre professionnels paramédicaux et entre professionnels médicaux et paramédicaux afin d'améliorer le parcours du patient, dont la santé et le mieux-être sont les principales préoccupations. Il ne s'agit pas d'une prescription. Il est par ailleurs envisagé, dans le cadre des débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, de faciliter l'adressage vers ce dispositif par les professionnels de la médecine scolaire ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, dont les trois fonctions publiques, et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants. Cette formation permet de lutter contre la stigmatisation des troubles de santé mentale, renforce l'entraide dans une logique d'intervention par les pairs et facilite le repérage des troubles psychiques ou des signes précurseurs de crise. Fin octobre 2023, plus de 75 000 secouristes avaient déjà été formés, soit plus que la cible de 60 000 qui avait été fixée pour fin 2023 ; le renforcement du réseau des Maisons des adolescents (MDA), ces lieux ressources sur la santé et le bien être des jeunes, dont le rôle a été mis en exergue par la crise sanitaire. Ils bénéficient de crédits supplémentaires à hauteur de 10,5 M€ sur 2022-2023, avec l'engagement de créer une MDA dans chaque département. Dans le même temps, une expérimentation « Maison de l'enfant et de la famille » a été mise en place dans trois départements volontaires et a débuté le 10 juin 2023. Elle permettra d'améliorer la coordination de la santé des enfants âgés de 3 à 11 ans. Cette structure participera notamment à l'amélioration de l'accès aux soins, à l'organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité, ainsi qu'à l'accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles ; le développement de l'accueil familial thérapeutique (AFT) : cette modalité offre une prise en charge adaptée dans un milieu familial accompagné d'un suivi par une équipe de psychiatrie. Ce sont 5 M€ supplémentaires qui sont mobilisés sur 2022-2023 ; le renforcement des centres médico-psychologiques (CMP) adultes et des CMP de l'enfant et de l'adolescent (CMPEA) : principal acteur de la psychiatrie de secteur et de la prise en charge de proximité, ces structures font face depuis plusieurs années à une demande de soins croissante et à des délais d'attente qui s'allongent. Elles bénéficient d'un renfort de moyens à hauteur de 8 M€ par an pour les adultes et 8 M€ pour les enfants et les adolescents pendant 3 ans (2022 à 2024) afin de faciliter les premiers rendez-vous par un personnel non médical et ainsi réduire les délais d'attente ; des campagnes de communication sur la santé mentale ciblant spécifiquement les jeunes. Afin de libérer la parole en matière de santé mentale et de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques, Santé publique France a lancé en 2021 puis reconduit en 2022 une campagne de communication et d'information pour les jeunes de 11-17 ans : #JEnParleA. Une action d'affichage a également été organisée au printemps 2022 au sein des établissements d'enseignement ; le lancement de la stratégie multisectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes 2022-2037, publiée en août 2022 et signée par neuf départements ministériels. Cette stratégie fixe un objectif générationnel : que les enfants nés en 2037 soient la première génération à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des compétences psycho-sociales. Elle définit pour les 15 prochaines années un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, et prévoit une déclinaison opérationnelle au travers de feuilles de routes pour chaque secteur par période de 5 ans. Sur le volet des ressources humaines, le Gouvernement mesure les difficultés rencontrées dans certains territoires. Depuis 2019, un appel à projets national annuel portant spécifiquement sur la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour le renforcement de l'offre dans les territoires où cela est le plus nécessaire au regard des besoins a été mis en place : + 20 M€ en 2019, + 20 M€ en 2020, + 30 M€ en 2021, + 20 M€ en 2022. Devant le succès de cet appel à projets, une enveloppe de 25 M€ a été identifiée pour 2023. Par ailleurs, la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017 a créé l'option PEA (psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, anciennement appelée pédopsychiatrie), conférant à l'étudiant l'exercice d'une surspécialité sans conduire à un exercice exclusif, dans le but de renforcer l'attractivité de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique. Depuis 2019, environ 75 % des postes ouverts sont pourvus. Le pourcentage des postes non choisis par les étudiants en psychiatrie s'est sensiblement amélioré, passant de 17,5 % en 2019 (531 postes ouverts aux épreuves classantes nationales (ECN) pour 438 postes pourvus) à 6 % en 2022 (539 postes ouverts aux ECN pour 505 postes pourvus). S'agissant de l'option pédopsychiatrie du DES de psychiatrie, pour l'année 2019-2020, 103 étudiants étaient inscrits pour 144 postes ouverts. Pour l'année 2022-2023, ce sont 157 postes ouverts et 127 étudiants inscrits. En matière de formation et de recherche, l'ambition du Gouvernement est de constituer un vivier de futurs personnels hospitalo-universitaires titulaires en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent sur l'ensemble du territoire. Ce sont ainsi 31 postes et candidats qui ont été financés auprès de 22 universités et centres hospitaliers universitaires différents depuis 2018. Et cet appel à projets a été prorogé jusqu'en 2025. Par ailleurs, dans le cadre des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie, il a été également annoncé la création de douze postes de personnels enseignants et hospitaliers titulaires (maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et professeurs des universités-praticiens hospitaliers) entre 2022 et 2025. Plus généralement, les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former, pour la période 2021-2025, fixés par arrêté du 13 septembre 2021, doivent permettre de couvrir les besoins de santé des années à venir et répondre aux attentes légitimes de la société dans son ensemble. L'objectif national pluriannuel est de former entre 76 655 et 85 455 professionnels de santé, toutes filières médicales confondues, pour la période 2021-2025, soit + 14 % par rapport au numerus clausus total de la période quinquennale précédente. Cela concerne également la filière psychiatrique. Dans les prochains mois, le Conseil national de la refondation santé mentale, annoncé par le président de la République, sera plus largement le moment, dans un cadre pluripartite, de repérer les initiatives territoriales qui ont des résultats positifs et de travailler sur l'innovation en santé mentale. Enfin, les Assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie donneront prochainement lieu à des annonces concernant la santé mentale des enfants et des jeunes.

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