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Nicolas Ray
Question N° 9831 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 11 juillet 2023

M. Nicolas Ray interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le projet de décret portant modification des conditions de prescription, de délivrance et de détention des produits vétérinaires. Afin de prendre en compte l'évolution de la médecine vétérinaire en élevage, les règles de prescription des médicaments vétérinaires ont évolué en 2007 pour permettre aux vétérinaires de prescrire des traitements sans examen clinique systématique dans le cadre du suivi sanitaire permanent (SSP). Cette modalité d'exécution du contrat de soins liant le vétérinaire et l'éleveur se traduit par les échanges réguliers avec le vétérinaire traitant. Ce suivi régulier concerne tous les actes vétérinaires aussi bien les traitements curatifs, préventifs ou réalisés en situation d'urgence, mais aussi l'analyse, la prévention et l'anticipation des risques sanitaires au sein du cheptel. Ainsi, la prescription hors examen clinique (PHEC) réalisée dans ce cadre permet d'assurer une continuité des soins dans le respect des obligations déontologiques des vétérinaires. En effet, pour pouvoir prescrire des médicaments sans examen clinique systématique, le vétérinaire doit dispenser dans l'élevage des soins réguliers ; réaliser un bilan sanitaire de l'élevage (BSE) au moins une fois par an au cours d'une visite au sein de l'exploitation ; mettre en place un protocole de soins permettant de fixer la liste des pathologies rencontrées dans l'élevage pour lesquelles une prescription sans examen clinique est possible ainsi que les critères d'alerte au-delà desquels sa visite sera nécessaire; et enfin réaliser des visites régulières de suivi afin d'évaluer avec l'éleveur la mise en œuvre du protocole de soins ainsi que les améliorations sanitaires constatées. Pour cela, la présence d'une pharmacie vétérinaire en élevage est nécessaire pour permettre aux exploitants de s'assurer d'un stock de traitements suffisants et disponibles pour leurs animaux. Or les discussions qui se sont engagées dans le cadre de la réforme du dispositif de suivi sanitaire permanent, notamment autour de la détention de certains médicaments d'élevage, suscitent de nombreuses inquiétudes des professionnels. Dans les milieux ruraux, la pénurie de vétérinaire est parfois criante et le nouveau mode de recrutement en école de vétérinaires en place depuis la rentrée 2021-2022 est trop récent pour produire des effets visibles sur la disponibilité des vétérinaires pour les exploitants agricoles. Dispenser les vétérinaires de visites systématiques sur les exploitations pour le renouvellement de traitements réguliers est donc une nécessité. Par ailleurs, les exploitants agricoles doivent pouvoir continuer de disposer d'un stock de médicaments vétérinaires pour leurs animaux. La réglementation actuelle encadre déjà très strictement la détention de produits vétérinaires par les éleveurs et restreindre encore davantage la détention de médicaments risque de provoquer des retards de soins néfastes à l'ensemble de l'exploitation ainsi qu'au bien-être des animaux. C'est pour toutes ces raisons qu'il souhaiterait qu'il précise les intentions du Gouvernement en matière de modification des conditions de prescription, de délivrance et de détention des produits vétérinaires afin de ne pas pénaliser le travail des éleveurs garants de la souveraineté alimentaire de la France.

Réponse émise le 27 février 2024

Depuis son entrée en application le 28 janvier 2022, le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE régit les règles de prescription, de délivrance et de détention des médicaments vétérinaires au sein de l'Union européenne. Ce règlement stipule à son article 105 (3) qu'« une ordonnance vétérinaire n'est délivrée qu'au terme d'un examen clinique ou de toute autre évaluation en bonne et due forme de l'état de santé de l'animal ou du groupe d'animaux par un vétérinaire », ce qui rend possible la prescription hors examen clinique (PHEC) de médicaments par un vétérinaire. Ce même règlement stipule à son article 105 (6) que « la quantité prescrite du médicament est limitée à la quantité requise pour le traitement ou la thérapie en question ». Cependant ce règlement n'introduit pas la notion de « pharmacie d'élevage » qui n'a donc pas d'existence légale. Concernant la détention et l'utilisation des médicaments vétérinaires par l'éleveur sur son exploitation, le règlement (UE) 2019/6 précise à son article 108 (1) que « les propriétaires ou, dans les cas où les animaux ne sont pas détenus par les propriétaires, les détenteurs d'animaux producteurs de denrées alimentaires tiennent un registre des médicaments qu'ils utilisent et conservent, s'il y a lieu, une copie de l'ordonnance vétérinaire ». Les éleveurs sont des utilisateurs finaux des médicaments vétérinaires dont la compétence dans la prise en charge de la santé et du bien-être de leurs animaux, en tant qu' « infirmiers » de leur élevage, est reconnue. Les éleveurs ne sont pas ayant-droit du médicament vétérinaire et la possibilité d'acheter en gros les médicaments vétérinaires ne leur est donc pas légalement offerte. Cette prérogative est réservée aux vétérinaires, aux pharmaciens d'officine, et pour une liste restreinte de médicaments préventifs aux groupements d'éleveurs agréés pour la pharmacie vétérinaire. L'entrée en vigueur du règlement (UE) 2019/6 n'a entraîné aucune modification majeure du droit national pré-existant, celui-ci étant en conformité avec les exigences énoncées ci-dessus. Concernant la réforme du suivi sanitaire permanent (SSP), elle s'inscrit dans une démarche normale d'évolution et d'adaptation d'un dispositif mis en place en 2007 ayant démontré sa nécessité mais également ses limites (charge administrative importante, non-conformité des circuits d'approvisionnement et des modalités d'utilisation et de traçabilité des médicaments, dérive possible vers l'automédication et l'affairisme). Les travaux de refonte se poursuivent et ont donné lieu à une vaste concertation, au travers d'une cinquantaine de réunions, associant le ministère chargé de l'agriculture, ainsi que les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires représentatives. Les principes de la réforme actés avec les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires sont les suivants : - un vétérinaire traitant unique désigné par l'éleveur qui réalisera les soins réguliers au sein de l'élevage et qui s'engagera à réaliser la continuité des soins. Cette condition permet ainsi de renforcer les liens entre l'éleveur et son vétérinaire ainsi que de renforcer le maillage vétérinaire à proximité des élevages ; - un dispositif basé sur la compétence et la confiance entre le vétérinaire traitant et l'éleveur via un contrat de SSP qui décrira les modalités de réalisation du suivi et de PHEC ; - la responsabilisation des acteurs par le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultats ; - une traçabilité renforcée du médicament vétérinaire et de son utilisation par la supervision par le vétérinaire traitant et l'enregistrement par l'éleveur, déjà obligatoire, des traitements administrés dans le registre d'élevage ; - une adaptation aux particularités des filières animales par la désignation d'un vétérinaire traitant par atelier de production. Le dispositif révisé ne privera donc pas l'éleveur des médicaments nécessaires au bon fonctionnement de son exploitation. En revanche tout médicament soumis à prescription présent sur l'exploitation, prescrit hors examen clinique ou non, doit, conformément à la règlementation européenne, être accompagné d'une ordonnance vétérinaire en bonne et due forme, comprenant l'identification des animaux ou des groupes d'animaux à traiter, et sa quantité doit être limitée à la quantité requise pour le traitement ou la thérapie en question. L'éleveur reste également entièrement libre de souscrire à un contrat de SSP, de choisir son vétérinaire traitant ainsi que tout autre vétérinaire qui interviendra dans son exploitation.

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