Amendement N° 650C (Non soutenu)

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015

Déposé le 12 novembre 2014 par : M. Fromantin.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

I. – À l'alinéa premier de l'article L. 5312‑15 du code des transports, après la première occurrence du mot : « maritimes », sont insérés les mots : « , notamment en matière d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, ».

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé sommaire :

Les parlementaires sont fréquemment rappelés à la règle de bonne légistique selon laquelle un « notamment » alourdit inutilement une disposition législative. Le présent amendement montre qu'il n'en va pas toujours ainsi puisqu'il a pour objet un « notamment » d'une valeur de 25 millions d'euros.

Par la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, dont on peut affirmer qu'elle fait aujourd'hui consensus sur tous les bancs, et qui a plus tard été étendue à l'outre-mer, les ports autonomes à vocation maritime ont été transformés en grands ports maritimes. Leur gouvernance a été modernisée ; leur outillage a été transféré à des opérateurs privés. Le législateur a cependant prévu explicitement, à l'article L. 5312‑15 du code des transports, que « à l'exception des dispositions du chapitre III du présent titre autres que celles des articles L. 5313‑11 et L. 5313‑12, les règles applicables aux ports autonomes maritimes s'appliquent aux grands ports maritimes pour autant qu'il n'y est pas dérogé par des dispositions spéciales. »

La logique suivie était donc simple : les grands ports maritimes succèdent aux ports autonomes dans un environnement juridique inchangé hormis sur les points spécialement visés par la loi. Le Gouvernement en général, et le ministère des finances en particulier, a pourtant résolu de violer cet accord politique transpartisan au moyen d'une lecture rigoriste des textes.

Sur le fondement de textes issus de la Seconde Guerre mondiale, les ports autonomes sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties. Cet équilibre n'a jamais été remis en cause depuis près de soixante-dix ans. Mais le Gouvernement argue que cette dérogation ne doit pas bénéficier aux grands ports maritimes, qui ne sont pas mentionnés explicitement – comment le pourraient-ils dans une décision des années 1940 ? Il souhaite donc les voir assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

La demande gouvernementale, formulée auprès du grand port maritime de La Rochelle, a été logiquement rejetée par le tribunal administratif de Poitiers. La juridiction a estimé, à bon droit si on s'en rapporte à la volonté du Parlement, que les statuts de grand port maritime et de port autonome devaient bénéficier des mêmes conditions fiscales.

Le ministère des Finances s'est pourvu avec persévérance devant le Conseil d'État qui, de façon étonnante, lui a donné raison. La haute juridiction estime que l'article L. 5312‑15 du code des transports n'a « en tout état de cause ni pour objet ni pour effet de rendre la doctrine précitée applicable aux grands ports maritimes ».

Il est malaisé de comprendre la logique du Conseil d'État, pour qui une loi ordonnant que la règle applicable à A s'applique aussi à B n'a donc ni pour objet ni pour effet d'appliquer à B la règle de A. Mais la décision étant désormais définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée, il convient de se tenir cette interprétation comme seule valable.

Il est, en revanche, malheureusement plus simple d'anticiper l'impact dévastateur de cette décision sur l'économie générale des grands ports maritimes français, métropolitains et ultramarins. Pour les seuls sept ports de métropole, l'endettement cumulé atteint en 2014 la somme de 664 millions d'euros pour un excédent brut d'exploitation de 125 millions d'euros. Les grands ports maritimes sont endettés, mais pour de bonnes raisons : ils ont investis et ils ont des capacités de remboursement. Or un assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties aurait un impact chiffré à 25 millions d'euros, soit un cinquième de l'excédent brut d'exploitation.

Par comparaison, on rappellera que la dotation de l'État aux grands ports maritimes, en vertu du programme 203, se monte à quelques 48 millions d'euros pour concourir aux frais de dragage. C'est donc la moitié de cette somme qui s'évaporerait de la trésorerie portuaire, avec les conséquences que chacun imagine sur la qualité de nos installations et sur l'attractivité de nos ports face à leurs concurrents européens.

Plus encore que le fond, c'est la forme de cette évolution qui est difficilement supportable. Le Parlement s'est prononcé clairement en 2008 pour que les grands ports maritimes succèdent aux ports autonomes dans des conditions réglementaires inchangées. Le ministère des Finances a attendu le 15 novembre 2012, soit quatre années après la réforme, pour prôner une nouvelle interprétation de la loi et refuser soudainement l'exonération de taxe foncière. Il n'a pas même osé soutenir sa position devant l'Assemblée nationale ou devant le Sénat ; l'État a agi par la voie contentieuse contre un de ses propres établissements publics. Il a trouvé un juge pour soutenir une lecture que d'aucuns ont jugée spécieuse. Le Parlement ne peut pas, ne doit pas accepter ce changement de pied qui le prive de son pouvoir de consentir l'impôt.

Le présent amendement que beaucoup, jusqu'à son auteur, pourraient juger inutile et rédactionnel en d'autres circonstances, a donc pour ambition de réaffirmer ce qui figure déjà dans la loi : les grands ports maritimes ont succédé aux ports autonomes dans les mêmes conditions réglementaires et fiscales à moins que le législateur en décide autrement.

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