Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 28 novembre 2016 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

…car il n’était pas dupe. La suite a, hélas, confirmé nos craintes, puisque 15 % des familles ont vu leurs allocations diminuer : vous avez ainsi économisé 865 millions d’euros par an sur leur dos, 865 millions qui, contrairement à vos affirmations, n’ont pas été redistribués vers les ménages les plus modestes, mais ont seulement servi à combler un déficit.

De même, l’excédent de la branche vieillesse, de 1,6 milliard d’euros, est principalement dû aux conséquences du recul de l’âge de la retraite de soixante à soixante-deux ans, décidé par la droite en 2010, et à l’allongement de la durée de cotisations ouvrant droit à une retraite à taux plein, mis en oeuvre par ce gouvernement en 2014.

Enfin, l’excédent annoncé de 700 millions d’euros de la branche accidents du travail et maladies professionnelles tient à la sous-déclaration notoire des accidents du travail et au fait que, bon nombre de maladies professionnelles n’étant pas reconnues comme telles, elles sont prises en charge par l’assurance maladie.

Ainsi, en 2017, seule la branche maladie sera encore en déficit, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, déficit que vous comptez bien réduire en exigeant de nouvelles économies, l’an prochain, sur cette branche. Celles-ci atteindront rien moins que 4 milliards d’euros, car vous avez décidé de faire participer la branche maladie au financement du bien mal nommé « pacte de responsabilité », pour lequel l’assurance maladie a été mise à contribution à hauteur de 10 milliards d’euros sur trois ans – 2015, 2016 et 2017 –, dont 3 milliards supportés par les hôpitaux publics, pourtant déjà au bord du gouffre.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chacun aura noté la contradiction complète entre vos propos et vos actes, alors que vous déclarez vouloir lutter contre la désertification médicale et favoriser l’accès aux soins pour tous !

En 2017, les hôpitaux publics seront ainsi appelés à réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires, dont 845 millions d’euros proviendront de la réduction de leurs dépenses et qui viendront s’ajouter aux 690 millions d’euros d’économies déjà réalisées en 2016.

Pour y parvenir, le ministère compte principalement sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, qui ne visent finalement – et, là encore, en contradiction avec vos discours sur la coordination et la qualité des soins –, en réalité, qu’à réduire les dépenses.

La baisse de la durée des hospitalisations, dans le cadre du virage ambulatoire, contribuera également, à hauteur de 160 millions d’euros, à ces économies.

Enfin, les suppressions d’emplois se poursuivront pour s’ajouter à celles des années 2015 et 2016 : elles atteindront, à terme, 22 000 postes sur trois ans ! Il est en effet évident que l’on ne peut pas réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies dans les hôpitaux sans supprimer de postes.

Vous usez même d’artifices inacceptables car ils pénalisent les plus vulnérables. Je pense au siphonnage – à hauteur de 230 millions d’euros – des crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie opéré au détriment des personnes âgées et handicapées. Je pense également à la ponction de 300 millions d’euros sur la trésorerie de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier, l’ANFH, ponction qui est destinée à financer la mise en oeuvre des GHT. Ceux-ci sont pourtant – et partout – décriés parce que, précisément, ils aggravent les conditions de travail des personnels !

Les dispositions de ce projet de loi confirment que c’est toujours aux plus modestes que vous vous vous en prenez. Ainsi n’avez-vous aucun scrupule à remettre en cause le dispositif d’aide aux chômeurs qui tentent de s’en sortir en créant leur entreprise : nous demanderons donc, à nouveau, la suppression de cette disposition.

Je rappelle, en effet, que vous l’instaurez au moment même où vous élargissez encore le champ des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les grandes entreprises. En 2016, plus de 44 milliards d’euros ont ainsi manqué aux finances publiques, alors que les chiffres du chômage – en hausse constante, puisqu’il frappe aujourd’hui plus de 6,6 millions de personnes – prouvent que ces dispositions sont sans effet sur l’emploi. Un tel constat ne vous conduit pourtant pas à changer de stratégie : au contraire, vous persistez.

De la même manière, nous regrettons que ce Gouvernement ne montre pas autant d’empressement à s’attaquer aux entreprises spécialistes de la fraude sociale, estimée à près de 25 milliards d’euros par an ! Pour toutes ces raisons, nous défendrons, une nouvelle fois, la suppression de l’article 10 relatif à l’économie collaborative. En effet, plutôt que d’encadrer les grandes plate-formes – qui fonctionnent souvent comme des entreprises traditionnelles, et qui, pour certaines d’entre elles, pratiquent l’optimisation fiscale –, cet article contourne ce réel problème et pénalise des particuliers qui ne cherchent, par le biais de l’économie du partage, qu’à améliorer un peu leurs revenus.

On peut s’étonner, dans ce contexte, qu’il ait fallu batailler autant pour imposer, contre l’avis du Gouvernement, la baisse de la CSG en faveur de 550 000 retraités très modestes que vos décisions antérieures avaient appauvris.

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