Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 8 février 2013 à 15h00
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Article 16 bis, amendement 5312

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je veux d'abord vous dire ma satisfaction devant cette discussion, qui est vraiment intéressante.

L'article 16 bis, qui résulte d'un amendement de la commission des affaires sociales, reconnaît à un salarié la possibilité de refuser une mutation dans un pays incriminant l'homosexualité. Dans la plupart des cas, il s'agit de salariés dont le contrat comporte déjà des clauses de mobilité. Il n'y a donc pas de discrimination, comme je l'ai entendu, entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels qui refuseraient des mutations. Ils sont à égalité, puisque cela concerne des couples, homosexuels ou hétérosexuels, dont l'un des membres a dans son contrat une clause de mobilité.

Nous avons conscience des difficultés qui peuvent, dans l'absolu, se poser pour des personnes qui, parce qu'elles sont homosexuelles mais pas mariées, parce qu'elles sont chrétiennes – cela peut être le cas dans certains pays –, ou parce qu'elles sont femmes, pourquoi pas, auraient des réticences légitimes à refuser ces mutations. Mais l'article L. 1132-1 du code du travail protège déjà les salariés contre ce type de discriminations.

Qu'est ce qui justifie alors que l'on prévoie ce que j'appelle une objection, une protection supplémentaire offerte à ces couples mariés ? C'est tout simplement le fait que l'ouverture du mariage aux couples de même sexe va inscrire dans leur état civil, dans leurs papiers, leur homosexualité. Aujourd'hui, aucun d'entre nous n'est capable de déduire d'aucun document objectif l'homosexualité d'une personne. Cela va changer. Pour certains de nos compatriotes, l'homosexualité sera désormais inscrite dans leur état civil. Ce dernier sera utilisé pour obtenir des visas ou des aides dans les pays dans lesquels ils pourraient être mutés. C'est un fait objectif. Ce n'est pas le cas pour une personne qui serait chrétienne. D'ailleurs, l'employeur lui-même ne peut deviner la religion d'un salarié. C'est évidemment la même chose pour les femmes.

La différence entre ces personnes tient à ce que la personne homosexuelle mariée se trouvera en infraction dès lors qu'elle posera le pied sur le tarmac du pays dans lequel elle est mutée et qui condamne l'homosexualité. C'est très différent de la situation des autres salariés dont vous parlez. Mais je conçois que ces problèmes existent.

C'est pour cette raison que nous avons souhaité instaurer cette objection. Je précise que l'idée nous est venue, à Marie-Françoise Clergeau et à moi-même, à la suite d'un mail que nous avons reçu parmi tant d'autres. Nous avons reçu les personnes concernées, qui nous ont exposé concrètement ces difficultés-là. Leurs préoccupations semblent être partagées sur tous les bancs de notre assemblée.

Il faut que nous ayons conscience d'une différence essentielle pour les couples de même sexe. L'ouverture du mariage à ces personnes va créer quelque chose qui n'existait pas dans notre pays : dans les papiers officiels, l'homosexualité figurera. Il faut en tenir compte, notamment dans les situations visées par ce nouvel article.

Voilà la raison pour laquelle la commission a évidemment émis un avis défavorable sur les amendements de suppression.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion