Intervention de Bernard Gérard

Séance en hémicycle du 18 février 2013 à 21h30
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Gérard :

Monsieur le président, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission des lois, madame la présidente et madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, j'ai l'honneur de défendre au nom de mon groupe une motion de renvoi en commission sur le projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

La réforme proposée pose de nombreuses difficultés que nous tenons à souligner et que nous mettrons en exergue tout au long de ces débats.

Nous sommes en présence d'une réforme sans précédent tant sur la forme que sur le fond : sur la forme, car il est proposé une modification du calendrier électoral un an avant l'ouverture d'une campagne électorale ; sur le fond, car il est proposé la création inédite d'un nouveau mode de scrutin des conseillers généraux à tout le moins exotique.

Les deux projets de loi qui nous sont soumis sont liés par une même volonté du Gouvernement de conduire une réforme présentée comme la première étape de son acte III de la décentralisation, réforme qui modifie en profondeur le système des élections cantonales et qui touche au coeur de nos institutions et de nos territoires. Dès lors, nous pouvons nous étonner qu'elle soit présentée dans notre assemblée sans qu'une véritable concertation ait été menée en amont.

Le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, a rejeté en première lecture le projet de loi ordinaire, estimant inopportuns et dangereux tant le mode de scrutin proposé pour les conseilleurs départementaux que le redécoupage cantonal qui en découlera, lequel affaiblira considérablement la représentation des territoires ruraux. En revanche, il a adopté le projet de loi organique. Mais il convient ici de souligner que sans le projet de loi ordinaire, le projet de loi organique n'a pas de sens. Mon propos concernera donc dans une large mesure le projet de loi ordinaire.

Il importe de s'arrêter quelques instants sur l'article 2 du projet de loi organique qui prévoit de changer les termes de « conseil général » et « conseiller général » pour leur préférer ceux de « conseil départemental » et « conseiller départemental ». Nous ne sommes pas ici en présence d'une révolution sémantique mais plutôt d'une opération cosmétique. Nous estimons en effet qu'il ne sert à rien de changer le nom du conseil général : nous lui préférions le principe du conseiller territorial, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional. Le conseiller territorial avait, sur le plan pratique, le mérite de la simplification : un réfèrent territorial unique était institué, ce qui constituait une mesure de clarification, donc de transparence et de démocratie.

Parmi les mesures de l'article 1er du projet de loi organique relatives à la participation des citoyens européens à l'élection des délégués communautaires, certaines apparaissent superflues et floues.

En outre, l'article 1er A du projet de loi organique abaisse le seuil d'application de la législation sur le cumul des mandats alors même que le Président de la République a annoncé une réforme à ce sujet. Il aurait été plus opportun d'en traiter dans une réflexion globale sur le cumul.

Les deux projets de loi étant étroitement liés, la motion de renvoi en commission que je développe devant vous est motivée par plusieurs éléments.

Premièrement, le Gouvernement nous demande de légiférer sur l'élection du conseiller départemental avant même qu'une réforme de fond sur les compétences et les missions des collectivités territoriales nous ait été proposée. L'acte III de la décentralisation aurait bien évidemment dû être discuté avant ces projets de loi.

Deuxièmement, le Gouvernement propose un mode de scrutin pour le moins inédit et procède en conséquence à un redécoupage cantonal contestable et contesté, qui préfigure un nouveau découpage de nos circonscriptions législatives.

Troisièmement, sous le couvert de renforcer la démocratie locale, il modifie les élections municipales et intercommunales un an avant l'ouverture de la campagne électorale.

Lors des états généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus à la Sorbonne en octobre dernier, le Président de la République a mis en avant sa volonté d'opérer un acte III de la décentralisation, apportant ainsi sa pierre à un édifice construit depuis de nombreuses années par les différents gouvernements en place, en lien étroit avec le législateur. Il avait alors annoncé que le Parlement serait saisi au début de l'année 2013 d'une réforme territoriale visant notamment à clarifier les compétences de chaque collectivité. Les projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis ne portent aucune trace de l'ambition alors affichée et nous nous étonnons de la méthode utilisée car ces textes sont exclusivement de nature électorale.

Nous avons véritablement l'impression que le Gouvernement met la charrue avant les boeufs et que sa préoccupation est uniquement électoraliste alors que des réflexions sont indispensables pour répondre aux attentes des collectivités locales qui voient leurs dotations baisser, contrairement aux engagements du Président de la République, et leurs charges croître, notamment en raison de la mise en oeuvre de réformes gouvernementales contestées comme celle relative aux rythmes scolaires qui sera à la charge des collectivités.

Dans la précipitation, vous nous proposez ce que nous pourrions appeler un acte I de votre action sans que l'on sache ce qui va suivre. Pas moins de quatre ministres sont en charge des collectivités territoriales mais aucune stratégie ni vision claire ne se dégagent pour appuyer les annonces faites par le Président de la République. La démarche utilisée est pour le moins contestable. Nous entendons le démontrer ici.

Alors que les usages républicains veulent que dans l'année précédant une élection, aucun changement dans les modes de scrutin n'intervienne, vous procédez à une modification pour les élections municipales, les élections départementales et les élections régionales. Le Gouvernement entend repousser à 2015 ce que vous appelez les « élections départementales » ainsi que les élections régionales. Pourtant aucun motif d'intérêt général, comme le veut la Constitution, ne justifie un tel report. Celui-ci semble davantage destiné à servir vos intérêts électoraux pour les élections sénatoriales de septembre 2014 qui devraient en principe s'effectuer via un collège de grands électeurs renouvelés.

Nous sommes, vous le comprendrez, vivement opposés à de telles méthodes qui apparaissent contraires à la Constitution et aux usages républicains.

Venons-en maintenant au nouveau mode de scrutin que vous créez de toutes pièces pour le conseiller départemental. La loi de décembre 2010 voulue par la précédente majorité instaurait le conseiller territorial qui constituait le moteur d'une indispensable dynamique de convergence et de cohérence.

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