Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 27 février 2013 à 15h00
Débat sur le mali : au-delà de l'intervention militaire perspectives de reconstruction et de développement.

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

L'adoption par l'Assemblée nationale malienne, le 29 janvier dernier, de la feuille de route de la transition ouvre la voie : celle d'élections libres et d'un dialogue renouvelé.

Le nouveau gouvernement malien, dirigé par M. Cissoko, qui a été reçu la semaine dernière à Paris, a lancé le processus électoral. Un calendrier ambitieux a été fixé, qui prévoit la tenue des élections présidentielle puis législatives en juillet prochain. Il s'agit d'un engagement très fort de l'Assemblée nationale malienne et du gouvernement malien que je tiens à saluer – engagement qu'il faudra bien sûr tenir. Le Mali aura besoin de tout le soutien de la communauté internationale pour assurer le succès de ce processus électoral. L'Union européenne s'y prépare : elle apportera un appui financier et humain, et elle enverra sur place, le moment venu, une mission d'observateurs.

Le deuxième élément de cette feuille de route est l'engagement d'un dialogue entre toutes les composantes de la société malienne, sous certaines conditions, telles que l'adhésion au caractère unitaire de l'État malien, le renoncement à la lutte armée, et la lutte contre l'impunité.

La commission nationale de dialogue et de réconciliation prévue par la feuille de route doit se mettre en place au plus vite, pour engager ses travaux et démontrer à tous ceux qui expriment une sensibilité particulière qu'il existe une autre voie que la violence pour se faire entendre.

Le dialogue politique ayant été relancé, les conditions d'une reprise de l'aide bilatérale étaient remplies. Le ministre chargé du développement, Pascal Canfin, était à Bamako le 18 février pour examiner les modalités de la relance de notre aide bilatérale. Le même jour, sur proposition de la France, le Conseil des affaires étrangères s'est accordé sur la reprise graduelle de l'aide de l'Union européenne, qui mobilisera plusieurs centaines de millions d'euros.

Cette aide doit être à la fois globale et coordonnée. Globale, parce qu'elle doit cibler les besoins de première nécessité, au nord comme au sud du pays – je pense à l'accès à l'eau ou à l'énergie –, mais aussi garantir le redémarrage de l'activité économique et la gouvernance, sans laquelle nos efforts seraient fragilisés. Coordonnée, parce que l'ampleur du défi impose de conjuguer tous les efforts. Une réunion des ministres européens du développement se tenait hier pour assurer cette articulation et préparer la conférence des donateurs que nous organiserons au printemps, à Bruxelles, afin de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale.

Les collectivités territoriales – certaines y sont engagées depuis de longues années – seront aussi appelées à participer, à travers leurs actions de coopération décentralisée, et Laurent Fabius les réunira prochainement.

Naturellement, il conviendra de veiller, à chaque étape, à ce que les engagements de la feuille de route soit effectivement tenus. Nous y incluons bien sûr la question du respect des droits de l'homme dans les régions libérées, où les représentants de l'État malien se réinstallent peu à peu. Les organisations non gouvernementales et les médias sont dans leur rôle en se montrant vigilants. Nous avons appelé très fermement l'attention des autorités maliennes sur l'exigence absolue dont elles doivent faire preuve. Le Président Traoré et le Premier ministre Cissoko se sont engagés sans ambiguïté sur le fait qu'il n'y aura aucune espèce d'impunité.

Plusieurs mesures ont déjà été prises en conséquence à l'encontre des personnes soupçonnées d'exactions, et nous avons marqué que ces engagements doivent être strictement respectés. Nos forces, quant à elles, ont reçu des consignes d'extrême vigilance.

Cette dimension sera intégrée dans la formation que la mission européenne EUTM-Mali apportera aux forces armées maliennes. La prévention en la matière passe aussi par le déploiement d'observateurs internationaux ; la résolution 2085 du Conseil de sécurité l'a d'ailleurs prévu. Les premiers d'entre eux sont arrivés au Mali et nous travaillons activement avec les Nations unies et l'Union africaine pour augmenter leur nombre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au-delà de l'intégrité et de la stabilité du Mali, l'action que nous avons entreprise est nécessaire à la stabilité de toute l'Afrique sahélienne et à la sécurité internationale, à commencer par celle de l'Europe et bien entendu celle de la France. Ne nous y trompons pas : c'est bien cette sécurité que menacent les groupes terroristes comme ceux que nous combattons au Mali. Leur violence est sans frontières et leur haine sans limite.

L'odieux enlèvement au Cameroun, le 18 février, par le groupe Boko Haram, d'une famille française avec tous ses enfants en est une nouvelle illustration. Tout sera fait pour leur libération comme pour celle de nos autres compatriotes pris en otages auxquels nous portons une attention de tous les instants. Le Gouvernement a pris des mesures pour mieux protéger les Français résidant dans cette vaste région du Sahel, et les consignes de sécurité données aux entreprises et à nos ressortissants présents dans la région ont été renforcées.

En ce qui concerne le territoire national, sa protection fait l'objet d'une attention renforcée de la part des services de renseignement, et des consignes strictes de mise en oeuvre du plan Vigipirate ont été données. Dans ces moments graves, et alors que nos troupes, aux côtés des forces africaines, mènent un ultime et difficile combat, rien n'est plus précieux que l'unité de la nation. Mesdames et messieurs les députés de la majorité comme de l'opposition, je salue l'esprit de responsabilité dont toutes les forces politiques ont témoigné depuis le 11 janvier.

Face à la menace terroriste, la détermination de la France est totale, et c'est la raison pour laquelle je m'engage, avec le Gouvernement, à venir régulièrement devant la représentation nationale vous rendre compte de l'intervention de la France, du sens de cette intervention, des étapes que nous franchissons les unes après les autres. C'est le devoir du Gouvernement, c'est le respect de la Constitution.

Je remercie le groupe SRC d'avoir pris l'initiative de ce débat qui intéresse tous les groupes ici présents, que je remercie également à nouveau. Je suis prêt à revenir devant vous le moment venu. Ce combat que nous menons est le combat pour la démocratie, pour les droits de l'homme, contre toutes les formes de violence et de terrorisme, pour l'intégrité du Mali, pour la sécurité et l'indépendance des États de l'Afrique de l'Ouest ; c'est aussi le combat pour la liberté en France, en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.)

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