Intervention de Gérard Charasse

Séance en hémicycle du 27 février 2013 à 15h00
Débat sur le mali : au-delà de l'intervention militaire perspectives de reconstruction et de développement.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes des commissions, chers collègues, ce débat vient alors que la mission Serval voit son rôle évoluer sensiblement, après les violents combats de la semaine dernière dans le massif des Ifoghas, l'enlèvement de la famille Moulin-Fournier au Cameroun et l'attentat suicide d'un kamikaze hier : d'une mission visant à protéger un membre des Nations unies victime d'une agression armée dans le cadre du droit international de légitime défense, elle devient une lutte totale contre le terrorisme islamique dans une zone immense aux frontières particulièrement poreuses.

Le Président de la République l'a d'ailleurs confirmé mardi dernier depuis Athènes : « Nous sommes maintenant dans la dernière phase de l'opération qui n'est plus simplement d'arrêter des terroristes, pas simplement de sécuriser le territoire, mais d'aller jusqu'au bout, c'est-à-dire l'arrestation des derniers chefs terroristes qui demeurent au nord du Mali ».

La guerre s'intensifie. Je veux rendre hommage au sergent-chef Vormezeele, du 2e régiment étranger parachutiste de la Légion, ainsi qu'aux vingt-trois militaires tchadiens tués dans un engagement avec les combattants proches d'Al Qaida au Maghreb islamique. La France oeuvre ainsi activement pour la sécurité, non plus du seul Mali, mais également de la communauté internationale, menacée par les djihadistes et l'apostolat meurtrier des « illuminés », selon les termes du Premier ministre malien, M. Cissoko.

Cette action militaire antiterroriste, menée par les seuls militaires étrangers acceptés par les populations locales et les souverainetés nationales, et présents, outre au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, explique certainement le soutien actif dont bénéficie maintenant la France de la part de ses alliés.

Désormais incontournable militairement, la France le sera naturellement du point de vue politique et humanitaire. Il est un peu tôt pour en débattre aujourd'hui, mais il sera nécessaire d'accompagner la transition politique du Mali pour stabiliser la région entière : oeuvre immense pour la France et l'ensemble de la communauté internationale, notre pays ne pouvant pas, juridiquement, politiquement, techniquement, humainement, assumer seul cette tâche.

Le calendrier de la transition politique au Mali est encore incertain : date des élections générales, listes électorales, organisation d'un scrutin national, alors qu'une vaste partie du nord du Mali reste occupée par des groupes terroristes aux côtés d'une partie du mouvement touareg, autant de problèmes à régler.

Cependant, ces incertitudes ne doivent pas empêcher le pouvoir malien de chercher à renforcer la légitimité du président Traoré. C'est par sa capacité à négocier avec les populations du nord et à appliquer la résolution 2071 que le gouvernement malien affirmera cette légitimité, laquelle est très importante pour la France, qui a déjà eu l'occasion de condamner, comme la Cédéao, l'Union africaine, l'ONU et l'Union européenne, les interventions des militaires dans les affaires politiques. En cela, notre président, François Hollande, a tourné la page de la Françafrique.

S'agissant de la stabilisation de la région, on observe une aggravation de la situation humanitaire. Les centaines de milliers de déplacés et de réfugiés maintiennent un grand nombre de Maliens dans une situation d'insécurité alimentaire et sanitaire dangereuse, dans la mesure où de nombreux acteurs humanitaires ont dû suspendre leurs activités dans le nord-Mali et les zones de combat. L'ingérence s'imposera vite comme une évidence, alors même que la France cherche justement à restaurer la souveraineté nationale du Mali. Dès lors, il convient d'agir contre la corruption et les divers trafics qui ont détruit l'économie malienne ; cette action peut être envisagée dans le cadre des accords de défense qui lient nos deux pays – à l'instar de la Côte d'Ivoire –, ce qui autoriserait l'ONU à accorder à la France, le cas échéant, un mandat rétroactif.

La France a été le cinquième donateur au Sahel en 2012, avec une aide alimentaire et d'urgence qui s'est élevée à près de 26 millions d'euros. Les organisations telles que le Programme alimentaire mondial, la FAO, l'UNICEF – des centaines de milliers d'enfants n'ont plus accès à l'école –, le Comité international de la Croix Rouge ainsi que les ONG doivent pouvoir employer correctement sur place les fonds alloués à des programmes d'impact local qui doivent être rapidement mis en place.

L'armée française, dont je salue le dévouement et le travail, sera ainsi déployée sur deux fronts concomitants : la poursuite des affrontements et l'aide humanitaire.

Notre responsabilité est grande, et l'exigence de réussite forte. S'il est souhaitable que la mission Serval soit la plus courte possible, la présence de nos troupes puis de nos fonctionnaires civils pour aider à la reconstruction politique et administrative d'un pays en danger, avec lequel la France entretient des relations privilégiées et anciennes – un pays de si haute culture et de si riche civilisation –, s'étalera à n'en pas douter sur plusieurs mois. Nous aurons alors l'occasion d'en délibérer de nouveau, afin que la représentation nationale autorise le Gouvernement à prolonger la durée de l'intervention de nos forces armées sur le terrain des opérations maliennes.

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