Intervention de Fabrice Verdier

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la traçabilité alimentaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Verdier :

Monsieur le ministre, la traçabilité est un défi à relever pour la filière agroalimentaire, un défi pour restaurer la confiance et maintenir ainsi la vitalité économique du secteur. Ce secteur devra par ailleurs s'adapter à l'évolution du modèle de consommation afin de proposer des produits de qualité intégrant la notion de santé publique.

Le système français de traçabilité exige auprès des éleveurs que l'animal soit identifié de sa naissance à l'abattoir. Ce système performant est parmi les meilleurs au monde.

Aujourd'hui, l'enjeu de la traçabilité, c'est l'exigence de transparence sur tous les produits, y compris transformés.

L'affaire de la viande de cheval, et cette semaine les tromperies sur la viande en Grande-Bretagne, en Norvège et – encore – chez Spanghero, sont les conséquences de circuits commerciaux internationaux complexes qui rendent difficile l'identification complète de l'origine de nos aliments.

Ces fraudes nous rappellent qu'il faut être vigilant, car c'est désormais au niveau international que se font les relations commerciales.

Le Gouvernement s'est employé et a réussi à éviter de jeter la suspicion sur l'ensemble de la filière et à restaurer la confiance des consommateurs, car notre filière agroalimentaire est performante et de qualité. Je salue, monsieur le ministre, votre gestion exemplaire ainsi que celle de vos collègues Stéphane Le Foll et Benoît Hamon dans la gestion de cette crise.

Ces affaires récentes doivent donc nous conduire à nous interroger sur l'origine et la traçabilité des produits vendus dans nos supermarchés, mais aussi de ceux servis dans nos restaurants et dans nos cantines.

Dans ce contexte de complexité des échanges commerciaux qui parfois échappent au contrôle, le Gouvernement peut-il agir pour protéger les consommateurs face à l'opacité des circuits de commercialisation ?

Je me réjouis des mesures que vous avez évoquées qui permettront, en cas de tromperie économique, de prendre des sanctions plus lourdes, plus pénalisantes pour les entreprises, comparées aux profits qu'elles ont pu engranger. La traçabilité est gage de qualité et de sécurité. Si, en France, le système de traçabilité est performant, au niveau européen il reste des avancées à faire en matière d'harmonisation des politiques de traçabilité mais aussi d'étiquetage des produits. Nous devons donc aboutir à une obligation européenne visant à indiquer sur l'étiquette le pays d'origine des ingrédients incorporés à la préparation des produits.

Je tiens à souligner l'initiative prise par les entreprises du secteur agroalimentaire, visant à mettre en place une charte antifraude et à renforcer les autocontrôles et les audits existants.

Face aux circuits mondiaux, aux intermédiaires qui se multiplient dans le secteur de l'agroalimentaire et dans celui de la grande distribution, le consommateur reste vulnérable, même si son information en matière alimentaire s'est améliorée ces dernières années, comme vous l'avez souligné.

Même si elle a un coût, la traçabilité doit être une exigence pour protéger les consommateurs, prêts à consacrer une part plus importante de leur budget alimentation afin de bénéficier de produits dont ils connaissent l'origine géographique, les conditions de production et la qualité.

Si l'image de l'agroalimentaire a évolué ces dernières années de façon positive, 30 % des Français considèrent que le secteur doit encore travailler à la garantir une alimentation plus sûre et plus saine. C'est dans ce sens, monsieur le ministre, que vous conduisez votre politique du défi alimentaire.

Comme vous l'avez indiqué, l'enjeu consiste maintenant à s'assurer d'une traçabilité complète des produits, depuis l'éleveur jusqu'à la consommation finale en passant par la transformation. L'agroalimentaire et la grande distribution doivent donc se détacher de la logique unique du prix le plus bas pour répondre aux attentes des Français attachés à la notion de goût, de qualité, d'hygiène alimentaire et de respect de l'environnement. Est-il alors possible d'imaginer des initiatives qui permettront de développer un made in France alimentaire gage de qualité et de favoriser en même temps les produits de notre agriculture locale ?

Si l'affaire de la viande de cheval ne relève pas d'une crise sanitaire, elle reste cependant une fraude qui nous conduit à nous intéresser à un autre enjeu, celui de la santé publique.

La traçabilité alimentaire est une garantie, notamment contre les crises sanitaires. La traçabilité, portée jusqu'à l'étiquetage systématique des ingrédients utilisés pour la fabrication des produits transformés, devrait aussi être une garantie de santé publique.

Les Français prennent conscience de l'importance du contenu de leur repas. Désormais, un corps sain se trouve dans une assiette saine. Le sel, le sucre, les matières grasses se cachent dans tous les aliments manufacturés et ils ont de vraies conséquences pour notre santé. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a récemment mené une étude sur les mesures volontaires prises par les entreprises depuis les années 2000 pour réduire notamment la teneur en sel dans les aliments. Selon ses conclusions, certains industriels ont fait des efforts, et l'Agence estime la baisse globale aux alentours de 10 %. Pourtant, d'autres entreprises n'ont pas mené ces efforts et ont même augmenté la teneur en sel de certains produits, ce qui fait qu'aujourd'hui les écarts se creusent au sein d'une même famille d'aliments.

La traçabilité, ce n'est pas seulement connaître l'origine précise du produit animal ou végétal. Ce doit être aussi permettre à tous les consommateurs de connaître mieux et plus précisément les ingrédients qui sont à la base du produit manufacturé, ainsi que les conséquences que leur consommation peut avoir sur la santé.

Afin de relever le défi d'une alimentation saine, quelle sera la politique du Gouvernement pour conduire les industriels à mesurer les ingrédients incorporés à leur produit ? De même, qu'en est-il de l'obligation d'étiquetage de la teneur en sel et, au-delà, d'un étiquetage clair de l'apport nutritionnel sur tous les produits transformés, afin que le consommateur puisse comparer et choisir ? Comment inciter les industriels à prendre en compte les critères de nutrition et de santé publique dans leur production ?

Par ailleurs, au moment où le Gouvernement appelle à relever le défi écologique de l'agroalimentaire, au moment où les producteurs tendent vers une agriculture et une production durables, plus respectueuses de l'environnement, au moment où les traitements vétérinaires sur les animaux diminuent, il semble intéressant de réfléchir à un étiquetage précis sur chaque produit qui permettrait d'établir le bilan carbone d'un plat cuisiné. Cette ambition serait une manière de relever le défi vert.

Monsieur le ministre, quel cadre législatif est prévu pour renforcer et rendre obligatoire l'étiquetage des produits transformés ? Est-il envisagé d'y intégrer leur bilan carbone ?

Pour conclure, l'autre défi essentiel pour le secteur de l'industrie alimentaire, c'est le défi économique. Le secteur agroalimentaire en France, c'est 10 500 entreprises qui sont à 98 % des PME et TPE, et 500 000 emplois. Notre pays est le troisième exportateur agroalimentaire d'Europe et les produits agroalimentaires représentent 13 % de la valeur de nos exportations.

L'enjeu économique est donc indéniable. Dans l'agroalimentaire, il reste encore, mes chers collègues, 100 000 emplois à pourvoir. Aussi est-il nécessaire de réfléchir à des formations spécialisées, afin de promouvoir le recrutement au sein de cette filière. C'est un vivier dynamique qu'il faut encourager, pour stimuler l'innovation et l'excellence de notre industrie alimentaire française.

La qualité et la provenance des ingrédients sont des éléments essentiels en vue de préserver notre leadership. En effet, l'origine française, j'en suis persuadé et vous partagez ce point de vue, est un gage de qualité pour beaucoup d'acheteurs étrangers.

Et, si le secteur agroalimentaire est encore exportateur, nous ne rivaliserons pas longtemps en nous spécialisant dans le bas de gamme, dans une course folle au produit le moins cher. Au contraire, je le crois, les parts de marchés se gagneront grâce à une montée en gamme, grâce à la réputation de qualité de l'agriculture et de la cuisine françaises. Car à l'étranger, dans beaucoup de pays, nous assistons à l'émergence d'une grande classe moyenne qui viendra augmenter la demande de produits alimentaires manufacturés de qualité.

Ce positionnement nécessite donc, de même que sur le marché national, une véritable montée en gamme.

Afin d'éviter cette logique d'une alimentation low cost, il me semble nécessaire de réfléchir à une évolution des rapports entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Monsieur le ministre, ma question est donc simple : envisagez-vous prochainement une évolution de la loi de modernisation de l'économie, très attendue par les agriculteurs et l'industrie agroalimentaire, afin de rééquilibrer le rapport de force ? C'est un enjeu important pour l'agriculture, pour l'industrie agroalimentaire, pour l'emploi et pour le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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