Intervention de François Lamy

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine

François Lamy, ministre délégué chargé de la ville :

Je vous remercie pour la qualité des interventions que nous venons d'entendre. J'ai encore eu la preuve aujourd'hui qu'en matière de politique de la ville, ce sont toujours des élus de terrain passionnés et connaisseurs des réalités qui s'expriment dans cet hémicycle.

Je remercie donc chaleureusement l'ensemble des orateurs, en m'étonnant toutefois de l'absence d'un représentant du groupe GDR, dont j'avais cru comprendre qu'il se faisait une priorité de la défense des milieux populaires dans les quartiers difficiles. Mais peut-être M. Bénisti, qui s'est attaché à pourfendre la politique d'austérité du Gouvernement et à défendre les classes populaires, avait-il été investi d'une double mission ! (Sourires.)

Je veux également remercier le groupe UDI, une fois n'est pas coutume, qui a proposé que se tienne aujourd'hui ce débat. Je sais les députés de ce groupe particulièrement engagés en matière de politique de la ville.

Le débat sur la politique de la ville est fondamental pour notre société. Son enjeu excède largement le seul sort des quartiers en difficulté. Tout d'abord, il nous interroge sur l'idée que nous devons nous faire de la ville de demain, de sa construction, de son organisation fonctionnelle et sociale, et des liens qu'elle doit organiser avec son territoire. Ensuite, il met également en lumière le défi que nous devons collectivement relever, le défi de la cohésion sociale et territoriale. Enfin, il doit aussi permettre de réfléchir sur l'architecture, l'urbanisme et, bien entendu, les outils nécessaires à la transformation écologique de nos villes.

Mais la politique de la ville est aussi, je crois, une méthodologie de l'action publique. C'est en fait la seule politique partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le décloisonnement des pratiques et l'échange d'expériences sont des facteurs d'efficacité au service des habitants. C'est également certainement la seule politique publique qui pense le citoyen dans sa globalité, dans toutes les dimensions de sa vie quotidienne, qu'il s'agisse de santé, de sécurité, de logement, d'éducation, de formation, de culture ou d'emploi.

Dès le 22 août dernier, je présentais en conseil des ministres les moyens de mise en oeuvre du changement dans les quartiers. Ce changement s'est appuyé sur une concertation opérationnelle qui a réuni l'ensemble des acteurs de la politique de la ville durant quatre mois, autour de trois groupes de travail. Il y eut également les 700 cahiers d'acteurs et les 1 600 participants aux Rencontres Avis Citoyen.

Cette concertation a abouti à la réunion d'un comité interministériel des villes, le 19 février, qui a présenté non pas un énième plan d'urgence mais vingt-sept décisions concrètes, vingt-sept décisions pour respecter l'engagement 27 du Président de la République, qui a été rappelé tout à l'heure.

Le 19 février dernier, c'est bien l'ensemble du Gouvernement qui s'est engagé sous la direction du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette réforme de la politique de la ville vise un objectif primordial : la reconnaissance, enfin, de la réalité de nos quartiers et des conditions de vie de leurs habitants dans les politiques nationales et territoriales. Et, quand je dis « reconnaissance », je ne parle pas de gratitude à leur égard, je parle d'admettre leur existence et leur légitimité.

Toutes les études le montrent, vous l'avez rappelé : les politiques conduites depuis dix ans n'ont pas réduit les inégalités sociales et territoriales. La meilleure illustration a été donnée par la dernière étude de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS. Je ne citerai qu'un seul chiffre : l'écart se creuse en matière de taux de chômage des jeunes, puisque celui-ci a gagné de plus de 6 points depuis 2008 dans ces territoires, tandis qu'il augmentait de 2,3 points en moyenne nationale. Cette étude, comme d'autres, démontre également qu'il est difficile de suivre les populations de ces quartiers en raison d'un fort turnover. Les familles en difficulté qui arrivent à s'en sortir quittent les quartiers populaires mais elles sont remplacés par d'autres. J'y reviendrai plus tard.

Le ministère de la ville a été créé par François Mitterrand et Michel Rocard pour améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers populaires. Ministre de la ville, je suis en fait le ministre des quartiers où se concentre la pauvreté. Ce sont parfois des morceaux entiers de villes qui en sont finalement exclus et cumulent les problèmes : chômage, échec scolaire, habitat dégradé, insécurité. Le ministère de la ville ne réglera pas seul l'ensemble de ces problèmes. L'objectif, c'est de casser les ghettos qui se construisent en ville, et aussi parfois dans les têtes. Car ces ghettos engendrent, vous le savez, des phénomènes dangereux pour notre cohésion sociale : trafics de stupéfiants, économie souterraine, repli communautariste, extrémisme religieux.

Si la République est, aux termes de l'article 1er de la Constitution « une et indivisible », ce principe est aujourd'hui fortement mis à mal dans ces quartiers. Pourquoi ? Parce que, pendant des décennies, notre République n'a pas voulu prendre la mesure de l'existence sur le territoire national de fractures territoriales profondes, qui engendrent aujourd'hui des fractures sociales inacceptables. Ces fractures sont accentuées par la crise, à l'intérieur des villes, entre les villes, entre les villes et les territoires périurbains, entre le périurbain et les territoires ruraux, entre la métropole et les outre-mer. La réponse que le Gouvernement entend apporter est la cohésion urbaine et le rétablissement de l'égalité républicaine sur l'ensemble du territoire.

Le Président de la République a manifesté cette volonté de rétablir l'égalité entre les territoires par la création d'un ministère dédié dont la charge a été confiée à Cécile Duflot. C'est un signal fort à l'égard des territoires stigmatisés ou délaissés.

Cette reconnaissance se traduit par l'affirmation d'une égalité qui ne consiste pas à donner la même chose à tout le monde et partout, l'affirmation d'une égalité qui consiste, bien au contraire, à donner à chacun en fonction de ses besoins, de ses manques, en fonction de ses ressources, et ce de manière équitable.

Cette reconnaissance des quartiers populaires doit d'abord se traduire par une rénovation de notre pratique collective de l'action publique. Vous le savez bien : si, depuis trente ans, nous n'avons pas réussi à régler le problème des quartiers, ce n'est pas parce que la politique de la ville a été un échec, comme certains aimeraient à le faire croire, c'est bien parce cette politique a été marginalisée par les politiques de droit commun, enfermée comme les quartiers qu'elle entendait ouvrir, et qu'à chaque fois que la politique de la ville s'est impliquée dans un quartier, les autres administrations s'en sont souvent retirées ;

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